Avant-proposLe déploiement du numérique dans le système éducatif fait l’objet d’attentes et d'injonctions qui pourraient apparaître comme « contradictoires ». Alors que les intelligences génératives se frayent une place dans les usages pédagogiques, les alertes et les mises en garde se multiplient, appelant à un « usage raisonné » des écrans et des technologies à l'école.Dans un rapport intitulé « Les technologies dans l’éducation : qui est aux commandes ? », l’UNESCO lançait, en juillet 2023, un appel en faveur d'une « utilisation judicieuse des technologies dans l'éducation (...) Nous devons apprendre aux enfants à vivre à la fois avec et sans technologie ; à piocher ce dont ils ont besoin dans la masse d’informations disponible, mais à laisser de côté ce qui n'est pas nécessaire ; à permettre à la technologie d’apporter un soutien, sans jamais supplanter les interactions humaines dans le cadre de l'enseignement et de l'apprentissage ».L'OCDE, en s’appuyant sur les données de la dernière enquête PISA, pour sa part, appelait, en 2024, à une « lutte contre la distraction » provoquée par l’exposition aux écrans à l’école. L’utilisation excessive d’appareils numériques à des fins de loisirs en classe peut avoir un impact négatif sur les résultats scolaires des élèves ».En avril 2024, la commission d’experts missionnée par le président de la République pour évaluer les enjeux attachés à l’exposition des enfants aux écrans, préconisait, notamment, de renforcer l’application de l’interdiction des téléphones au collège et de systématiser des espaces sans smartphone au lycée.La circulaire de rentrée du ministère de l’éducation, en septembre 2024, porte la trace de ces débats et de ces mises en garde, avec l’expérimentation d’une « pause numérique » au collège, « de telle sorte que l’interdiction de l’usage du portable prévue par la loi soit effective et totale sur l’intégralité du temps scolaire ».Si elle met en avant « l’usage raisonné des écrans et l’appropriation d’une culture numérique responsable », cette circulaire jette aussi les bases d'un doctrine pour « l'utilisation raisonnée des possibilités offertes par les outils utilisant l'intelligence artificielle ».En 2023, une étude de la direction de l’évaluation, de la prospective et de la performance (DEPP) réactive le débat sur le lien entre numérique et inégalités scolaires. La DEPP mesure, pour la première fois, la maîtrise des compétences numériques des élèves en fin de collège. Près de deux élèves sur trois (63,5 %) ont une maîtrise satisfaisante des compétences numériques, cette évaluation met en lumière des écarts importants selon le profil social. Les élèves des collèges les moins favorisés obtiennent des scores plus faibles que ceux issus des collèges les plus favorisés. Dans un article intitulé « Être élève, être enseignant à l’ère numérique : entre avancées égalitaires et inégalités nouvelles », trois chercheurs questionnent, après de nombreux autres, le rôle du numérique dans « la fabrication des inégalités de réussite, des différences de parcours ».
« Usage raisonné des écrans » et « pause numérique » au collègeLa notion d’usage raisonné des écrans ou des technologies à l’école s’est progressivement imposée dans les documents d’orientation du ministère de l’éducation.Dans son Avis sur la contribution du numérique à la transmission des savoirs et à l’amélioration des pratiques pédagogiques, le Conseil supérieur des programmes, en 2022, plaidait ainsi pour une « utilisation critique et raisonnée de ces moyens d’accès à l’information et à la communication (…) Le but est d’inculquer les principes d’une pratique raisonnée des outils d'information et de communication ».En janvier 2023, la stratégie du numérique pour l’éducation 2023-2027 caractérisait l’offre numérique destinée à la communauté éducative comme devant être « raisonnée, pérenne et inclusive ».Le dossier de présentation du Choc des savoirs rappelait, en décembre 2023, que « les technologies numériques sont à utiliser de manière raisonnée et avec un accompagnement adapté ».La Circulaire de rentrée 2024, pour sa part, souligne que « l’École doit jouer un rôle déterminant dans l’usage raisonné des écrans et l’appropriation d’une culture numérique responsable. (…) Cet appui sur le numérique doit être corrélé à un usage raisonné des écrans ».Cette notion récurrente d’usage raisonné renvoie à deux enjeux, deux « problèmes publics », distincts mais souvent imbriqués dans le débat public :La thématique, déjà ancienne, de la surexposition des enfants et des jeunes aux écrans ;La thématique des effets perturbateurs des téléphones à l’école.En octobre 2023, la mission d’information « éducation et numérique » conduite par la Délégation aux droits des enfants de l’Assemblée nationale dressait un constat sévère : « L’éducation par le numérique n’a pas produit les résultats escomptés et la prise de conscience des risques qui pèsent sur les enfants dans l’espace numérique a acté la nécessité d’éduquer les enfants au numérique avant de les éduquer au moyen d’outils numériques. Une amorce d’éducation au numérique a ainsi vu le jour ; elle demeure insuffisante et doit se concrétiser en un enseignement spécifique et systématique des questions numériques dans l’intérêt supérieur de l’enfant ».La Commission d’experts « enfants et écrans » plaide pour « une stratégie cohérente, maîtrisée et évaluée sur la place du numérique à l’école »Dans ses conclusions remises le 30 avril 2024, la commission missionnée par le Président de la République pour évaluer l'impact de l'exposition des jeunes aux écrans déplore que les ressources numériques à l'école « se déploient encore trop fréquemment sans dialogue construit avec le monde éducatif, sans formation systématique des enseignants et des parents, sans échange avec les parents d’élèves ».Si « les enjeux de santé et d’environnement plaident pour une limitation de l’usage des écrans (en particulier individuels) dans les établissements scolaires, ainsi que pour une limitation des usages induits à la maison … Il ne s’est ainsi pas dégagé de consensus général au sein de la Commission sur ce que doit être le niveau idéal de mobilisation de l’outil numérique en termes d’équipement et d’usages pédagogiques ».Les dix membres de la commission sont parvenus toutefois à s’accorder sur la nécessité d’une plus grande cohérence en matière de numérique : progressivité de l’exposition aux écrans des enfants et adolescents, « pas d’écran à l’école maternelle », « pas d’équipements individuels confiés aux enfants à l’école élémentaire », « pas d’espace numérique de travail à l’école primaire pour les élèves ».Ils préconisent, en outre, de labelliser les outils numériques dont l’impact positif a été validé scientifiquement. « Aucun déploiement à large échelle ne devrait avoir lieu sans une évaluation systématique ou une étude d’impact », et souhaitent un encadrement plus strict de l’utilisation des espaces numériques de travail et du logiciel de vie scolaire Pronote, dans un souci de protection des adolescents. Les mises à jour et notifications à destination des élèves pourraient ainsi être coupées entre 19 heures et 7 h 30.OCDE : « l’utilisation d’appareils numériques dans les salles de classe est devenue une arme à double tranchant »L’OCDE a rendu public, en 2024 un rapport qui étudie les liens entre écrans, performance académique et bien-être des élèves. Il se fonde sur les données de l’édition 2022 de PISA, le programme international pour le suivi des acquis des élèves et sur des questionnaires adressés aux jeunes de 15 ans ayant passé ces tests.On y a apprend que 65% des élèves de l’OCDE ont déclaré avoir été distraits par l’utilisation d’appareils numériques pendant au moins quelques cours de mathématiques (59% en France). 59 % des élèves de l’OCDE ont déclaré avoir été distraits par d’autres élèves utilisant des téléphones, des tablettes ou des ordinateurs portables pendant au moins quelques cours de mathématiques.« L’utilisation d’appareils numériques dans les salles de classe est devenue une arme à double tranchant ». Si ces appareils peuvent élargir l’accès aux ressources d’apprentissage « la tentation de se disperser, de porter son attention sur des activités non scolaires ou d’explorer la mine d’informations que leurs appareils rendent disponibles, peut avoir une incidence sur la concentration et les résultats des élèves ».L’enquête soulève également des questions concernant le bien-être des élèves. En France, par example, 43 % des élèves déclarent se sentir nerveux ou angoissés s’ils n’ont pas leur téléphone près d’eux : une proportion comparable à la moyenne des pays de l’OCDE.L’OCDE s’interroge, en conclusion, sur l’efficacité des dispositions visant à encadrer l’usage des appareils numeriques dans les établissements d’enseignement. « Ce genre de décision peut avoir son efficacité, quoique celle-ci dépende dans une large mesure de la rigueur avec laquelle l’interdiction est appliquée. Même dans les établissements où les téléphones ont été bannis, 29 % des élèves déclarent en utiliser un plusieurs fois par jour, en moyenne, dans les pays de l’OCDE, et 21 % tous les jours ou presque ».Rentrée 2024 : expérimentation de la pause numérique au collègeLa circulaire de rentrée 2024 annonce qu’une « pause numérique » sera expérimentée au sein de collèges volontaires dans chaque département, de telle sorte que l’interdiction de l’usage du portable prévue par la loi soit effective et totale sur l’intégralité du temps scolaire, y compris les espaces interstitiels à risques que sont les changements de classe, les récréations et la pause méridienne.Cette expérimentation poursuit deux objectifs :l’amélioration du climat scolaire, auquel l’usage des téléphones portables peut nuire en rendant possible le développement de violences (harcèlement en ligne, diffusion d’images violentes) ;l’amélioration des résultats des élèves, l’utilisation du téléphone ayant un effet déterminant sur la capacité de concentration en classe et l’acquisition des connaissances.À la rentrée 2024, 199 collèges se sont portés volontaires pour la mettre en place au cours de cette année scolaire, soit plus de 50 000 élèves concernés. La généralisation devrait intervenir au 1er janvier 2025.« Les élèves ne passent pas huit heures par jour devant un ordinateur ou une tablette en cours...»« L’idée selon laquelle les établissements scolaires sont envahis d’écrans est fausse. Les élèves ne passent pas huit heures par jour devant un ordinateur ou une tablette en cours » fait valoir, dans le journal Le Monde, Audran Le Baron, directeur du numérique pour l’éducation au ministère de l’éducation nationale, pour qui « les polémiques qui se succèdent n’aident pas à envisager la question sereinement ». « La France n’est pas la Suède », assure-t-il, en référence à la politique de ce pays scandinave qui, après avoir massivement équipé ses élèves en tablettes, revient en arrière, jugeant les écrans responsables de la baisse du niveau scolaire. « La réalité quotidienne la plus fréquente consiste en un tableau numérique interactif sur lequel sont projetées des ressources pédagogiques. Tous les élèves de France n’ont pas, et de loin, un écran individuel en classe ».Selon le service statistique du ministère de l'éducation, les écoles primaires publiques comptent quatre ordinateurs fixes pour cent élèves et neuf terminaux mobiles en 2022 ; dans les collèges et les lycées publics, ces chiffres atteignent en moyenne trente-trois terminaux fixes pour cent élèves et vingt terminaux mobiles. Ces équipements étant à la charge des collectivités, les disparités entre territoires sont importantes : une école élémentaire peut avoir des difficultés à posséder une salle informatique digne de ce nom, quand, dans d’autres communes, tous les élèves sont équipés d’une tablette qu’ils peuvent rapporter à la maison.
L’éducation nationale face à l’intelligence artificielleL’irruption de chat Gpt3 fin 2022 a suscité de nombreuses initiatives dans le monde éducatif. Des réserves et des inquiétudes aussi : l’IA va-t-elle encore renforcer les inégalités ? Creuser le fossé entre les bons et les mauvais élèves ? Changer la façon de les faire travailler ? Rendre vains les devoirs à la maison ? Par quoi peut-on remplacer le temps gagné par l’IA ? Quid de l’évaluation et des programmes ?Une question écrite d’un sénateur avait conduit le ministère de l’éducation à préciser, en juillet 2023, sa doctrine vis-à-vis des IA génératives : intérêt pédagogique, usage par les élèves, formation des professeurs.Dans le prolongement des travaux de l’OCDE et de l’Unesco, la Direction du numérique pour l’éducation du ministère livrait, en avril 2023, un état des lieux sur les apports de la recherche sur l’intelligence artificielle (IA) et l’éducation: domaines d’application, pistes de travail pour former et enseigner, perspectives avec le tournant actuel des IA génératives et des grands modèles de langage.Canopé, l’opérateur de formation continue des enseignants, pour sa part, proposait, en 2023 ses premières journées de formation sur le thème “Les IA, quelles assistances pour les pédagogues et la pédagogie ?”IA et « Choc des savoirs »Le volet numérique du « Choc des savoirs » annoncé par Gabriel Attal, alors ministre de l’éducation, en décembre 2023, exprimait de fortes attentes et espoirs vis-à-vis de l’IA : « Aujourd’hui, des outils d’intelligence artificielle peuvent entretenir un dialogue avec les élèves et leur permettre de progresser à l’oral grâce à la reconnaissance vocale, mais leur proposent aussi des exercices de grammaire, de syntaxe ou de traduction adaptés à leur niveau. De tels outils permettent également d’individualiser la progression des élèves en français ou en mathématiques, avec une méthode basée sur la répétition ludique d’exercices pour maîtriser les fondamentaux en grammaire, conjugaison, écriture, calcul, géométrie ou logique. Basés sur les enseignements des sciences cognitives, ils offrent aux élèves une flexibilité d’usage qui les rendent d’autant plus attractifs, et complémentaires de l’enseignement du professeur ».Tout en rappelant que « ces technologies sont à utiliser de manière raisonnée et avec un accompagnement adapté », le ministre annonçait que « la France sera le premier pays au monde à généraliser à titre gratuit l’usage d’une intelligence artificielle à tous les élèves d’une classe d’âge pour accompagner leur progression scolaire (il s’agit de l’application MIA). Elle sera utilisée en dehors des heures de cours et en complément de l’accompagnement en classe pour approfondir les notions fondamentales, en lien avec les évaluations nationales de 2de ».« Développer l’esprit critique des élèves sur le fonctionnement des IA et leur utilisation »La circulaire de rentrée de septembre 2024 exprime une posture plus mesurée vis-à- vis de l’IA, formulée en termes de défis :« Créer les conditions d’une appropriation collective de l’IA et de ses enjeux afin de définir ensemble les conditions dans lesquelles elle s’insère dans le quotidien des classesEncourager une utilisation raisonnée de l’IA à partir de la 5e, sous contrôle de l’enseignant, en lien avec l’évolution des programmesPermettre à l’École d’assurer son rôle dans l’éducation aux médias et la compréhension des avantages et inconvénients des technologies »Si « chaque enseignant peut explorer les usages de l’IA », la circulaire rappelle qu’il s’agit, « dans un souci de vigilance et de réflexivité, d’organiser une forme de questionnement régulier, méthodique et délibératif pour développer l’esprit critique des élèves sur le fonctionnement des IA et leur utilisation ».Créer une culture de l'IALa ministre de l’éducation, Nicole Belloubet, annonce, dans cette circulaire, l’élaboration prochaine d’une stratégie de l’éducation nationale sur l’intelligence artificielle. Elle avait demandé, en mars 2023, au Conseil Supérieur des programmes de prendre en compte de l'apport de l'intelligence artificielle : « Les programmes contribueront, pour chaque discipline, à créer une culture de l'IA, au travers en particulier de l'utilisation raisonnée des possibilités offertes par les outils utilisant l'intelligence artificielle. Ils identifieront pour chaque année les cas d'usage où l'apport de l'IA représente une véritable plus-value et les notions à connaitre ».Au sein de la DNE (Direction du numérique pour l’éducation), une Communauté de Réflexion en Éducation sur l’Intelligence Artificielle (CREIA) « a pour ambition de mettre l’innovation et l’intelligence artificielle (IA) au cœur des pratiques pédagogiques et des réflexions en éducation ».L’Inspection générale de l’éducation, du sport et de la recherche (IGESR) prévoit de remettre en février 2025 un rapport sur « l'utilisation de l'intelligence artificielle dans les établissements scolaires, sur le plan administratif et pédagogique ».Comme l'observent, dans le Monde, deux professeurs d'informatique, Jean Ponce et Isabelle Ryl, l'attention que suscite l'IA « n’est pas sans rappeler le battage médiatique qui a salué, en 2012, l’arrivée des MOOC (pour Massive Open Online Course). Ces cours en ligne devaient bouleverser l’enseignement supérieur en permettant à chacun de suivre à distance, et parfois gratuitement, les cours des meilleurs professeurs – souvent américains. Malgré une embellie pendant la pandémie de Covid-19, l’impact des MOOC s’est avéré relativement modeste, et ils sont aujourd’hui un outil pédagogique parmi d’autres, par exemple pour la formation des professionnels ».
Compétences numériques des collégien.ne.s : des écarts importants selon l'origine sociale des élèvesEn mai 2022, la direction de l’évaluation, de la prospective et de la performance (DEPP) a mesuré pour la première fois la maîtrise des compétences numériques des élèves en fin de collège.Cette nouvelle évaluation permet de distinguer différents niveaux de performance. Elle s’appuie sur le Cadre de référence des compétences numériques (CRCN), avec cinq domaines (informations et données, communication et collaboration, création de contenu, protection et sécurité, environnement numérique) et seize compétences. Cela s’inscrit dans la démarche du cadre de référence européen DIGCOMP.Près de deux élèves sur trois (63,5 %) ont une maîtrise satisfaisante des compétences numériques leur permettant d’utiliser les outils numériques de façon raisonnée, sécurisée et écoresponsable. Ils démontrent notamment un savoir-faire dans l’utilisation des fonctions avancées de différents logiciels de communication, de traitement de texte ou d’image et de présentation.Parmi eux, 10 % sont particulièrement à l’aise : ils savent traiter des données en utilisant un tableur-grapheur, connaissent les bonnes pratiques pour résoudre des problèmes liés au numérique et ont une vision globale de l’impact du numérique sur la société et des adaptations à mettre en place pour le minimiser.À l’opposé, 15 % des élèves n’ont qu’une appréhension limitée de ces compétences. Par exemple, lors d’une communication par courriel, ces élèves savent identifier l’expéditeur, adopter un comportement respectueux, mais ils ne maîtrisent pas les conventions de la rédaction de ce courriel et ils ne savent pas se prémunir des courriels frauduleux.Lire la suite : Compétences numériques des collégien.ne.s : des écarts importants selon l'origine sociale des élèves
Inégalités éducatives : quel rôle du numérique dans la fabrication des inégalités de réussite et comment les réduire ?« Les récits sur la « fin de l’école » se multiplient depuis une dizaine d’années, avec l’idée d’un tournant numérique appelant à réinventer l’éducation (…) Au cœur des travaux, les inégalités éducatives peuvent être ici définies (..) comme des différences d’accès jugées par la société injustifiées, condamnables, à des biens d’éducation. Il s’agit ainsi de comprendre le rôle du numérique dans la fabrication des inégalités de réussite, des différences de parcours. »La question des inégalités numériques éducatives est au cœur du dernier numéro de la Revue en Education (REE). Les articles qui le composent articulent, dans des approches complémentaires, l’expérience des enseignant.e.s et celle des élèves et de leurs parents. Les auteurs et autrices s’appuient en particulier sur les travaux du programme de recherche e-FRAN IDÉE (Interactions digitales pour l'éducation et l'enseignement) qui pense la transformation des usages numériques éducatifs, notamment scolaires, dans une perspective de réduction des inégalités.Agnès Grimault-Leprince, Sophie Joffredo-Le Brun et Pascal Plantard, coordonnateur.ice.s de ce dossier de la REE, s’attachent, dans l’introduction, à repérer « des axes de développement de pratiques numériques pédagogiques et de formation pouvant contribuer à la réduction des inégalités éducatives ». Aussi ce dossier explore-t-il trois notions « centrales pour la compréhension des enjeux socionumériques en éducation » : l’appropriation des technologies, la coopération et l’autonomisation.Lire la suite : Inégalités éducatives : quel rôle du numérique dans la fabrication des inégalités de réussite et comment les réduire ?
L’enseignement de spécialité « Numérique et Sciences Informatiques » en première et terminale souffre d’un manque d’attraitLa réforme du baccalauréat a instauré en 2019 un nouvel enseignement de spécialité : « Numérique et Sciences Informatiques » (NSI) : l’un des 19 enseignements de spécialité proposés en première et en terminale.L’enseignement de spécialité NSI (quatre heures par semaine en première et six heures en terminale) a succédé au précédent enseignement de spécialité Informatique et sciences du numérique (deux heures par semaine) introduit en 2012, qui n’était proposé qu’aux élèves de terminale S. Cet enseignement est aujourd’hui assuré par des enseignants titulaires du CAPES NSI ou du diplôme inter-universitaire « Enseigner l’informatique au lycée » mis en place en 2019.A la rentrée 2023, 38 091 élèves de première ont choisi l’enseignement « numérique et sciences informatiques » : 10,1 % de l’ensemble des élèves (contre 34 721 en 2020, 9 %). NSI se situe au 8ème rang des enseignements les plus choisis en première. A cette même rentrée 2023, 17 612 élèves ont poursuivi en terminale l'enseignement de spécialité NSI : 4,3% de l’ensemble des élèves (13 884 en 2020, 3,7%).Lire la suite : L’enseignement de spécialité « Numérique et Sciences Informatiques » en première et terminale souffre d’un manque d’attrait
Une Forge pour les communs numériques éducatifsLa stratégie numérique pour l’éducation du ministère consacrait un chapitre aux « communs numériques » : « un ensemble de ressources numériques produites et gérées par une communauté. Par nature, ils sont partagés et collectifs ». Outre plusieurs outils d’ores et déjà à la disposition des professeurs, comme la plateforme de services apps education.fr (qui fournit des outils de collaboration ou de communication), la plateforme Éléa (qui permet aux professeurs de créer et partager des ressources éducatives libres) ou la plateforme « Magistère » (qui met à disposition des professeurs et de tous les agents du ministère un large catalogue de ressources pour se former en ligne), la stratégie annonçait la la mise à disposition prochaine d’une « forge » qui permettrait aux professeurs « de collaborer entre pairs et de partager du code informatique ».Cette forge, désormais opérationnelle, rassemble à la fois les professeurs développeurs qui y déposent le code de leurs projets (tels que PrimTux, MathALÉA, e-comBox ou La Nuit du Code) mais aussi les professeurs qui choisissent le format texte ou texte formaté (Markdown, LaTeX, etc.) pour éditer et publier du contenu pédagogique ».Pour cet enseignant de mathématiques depuis 36 ans, « le travail de fond sur les communs numériques éducatifs » engagé depuis 2020 par l’Éducation Nationale est « une des meilleures idées depuis que l’informatique est entrée de plain-pied à l’école. Les communications de l’administration sur ce sujet existent, mais restent trop confidentielles à mon goût ou sont diffusées de façon très ciblée ». Après une description sommaire, il détaille plusieurs exemples d’utilisations, personnels pour la plupart et qui illustrent l’apport (déjà actuel) des communs numériques éducatifs existants à l’enseignement, avant de proposer « des points de repères historiques et sociologiques permettant de mieux comprendre la notion de commun numérique ».
Nouvelles thématiques de recherche autour du numérique éducatifLa Direction du numérique pour l’éducation du ministère de l’éducation s’est dotée d’un programme de recherche pour évaluer l’impact des pratiques numériques sur l’enseignement et les apprentissages et renforcer leur accompagnement. Ce programme est organisé autour de groupes groupes thématiques numériques (GTNum), animés par des laboratoires universitaires ou autres opérateurs publics dont les missions comprennent un travail de recherche et/ou de veille et de médiation scientifiques.Ces groupes de travail (GTNum) ont pour objectifs de produire des connaissances et dégager des éléments d’orientation stratégique et des leviers d’action pour venir à l’appui des pratiques numériques en académie, de proposer des scénarii prospectifs et des actions concrètes pour accompagner la transformation numérique de l’éducation à partir des attendus de la recherche ;Pour la période 2024-2027, la Direction du numérique envisage la création de nouveaux groupes thématiques numériques autour des thématiques suivantes :Esprit critique, EMI et numérique (apports et risques liés aux IA génératives (textes, photos, vidéos, voix,…), captation de l’attention, littératie des données, des algorithmes et de l’IA.IA génératives, ingénierie et pilotage pédagogiques : enjeux éthiques et juridiques, évolution des technologies et des pratiques, assistance pour le professeur, le formateur et les personnels d’encadrement.IA génératives, activités et pratiques créatives : enjeux éthiques et juridiques, pratiques intellectuelles, culturelles et artistiques.Evaluation et accompagnement des processus d’appropriation de l’IA dans un dispositif pédagogique : mutualisation des pratiques et des modalités de formation, enjeux scientifiques, pédagogiques et didactiques interdisciplinaires et disciplinaires.Pratiques des ateliers e-sport dans le second degré.Numérique et enseignement-apprentissage des mathématiques (enseignements fondamentaux en particulier CP et CE1, fractions et nombres décimaux en 6e-5e) : évolutions didactiques, production et partage de ressources, évaluation des élèves.Certification, micro-certification : état des lieux international, pratiques scolaires et universitaires, perspectives.Éducation et formation à la citoyenneté numérique : enjeux, pratiques, transition numérique et transition écologique.Cybersécurité et Education : sensibilisation et acculturation des personnels et des apprenants, gouvernance, modalités de formation, défis et gestion des risques.Les publications des GTnum sont mises en ligne en accès ouvert sur le carnet Hypothèses "Éducation, numérique et recherche".L’enquête PISA 2025 portera sur l'apprentissage dans le monde numériqueL'évaluation PISA 2025 « Apprendre dans le monde numérique » se concentrera sur deux compétences essentielles à l'apprentissage avec les technologies :l'apprentissage autorégulé, qui fait référence à la surveillance et au contrôle des processus métacognitifs, cognitifs, comportementaux, motivationnels et affectifs pendant l'apprentissage ;les pratiques informatiques et de recherche scientifique, qui font référence à la capacité d'utiliser des outils numériques pour explorer des systèmes, représenter des idées et résoudre des problèmes à l'aide d'une logique calculatoire.Ses résultats devraient être disponibles en décembre 2027.
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