Comme chaque année, cette étude de référence, pilotée par l’Arcep, le CGE et l’Agence du Numérique, apporte des éclairages sur la fréquence et la diversité des usages numériques, sur les bénéfices que les personnes en retirent (en termes de sociabilité, de capacité à s’informer et à apprendre, « pouvoir d’agir ») mais aussi sur les inquiétudes que suscite généralisation du numérique, notamment dans la sphére administrative.
Cette 19ème édition du Baromètre repose sur une enquête réalisée « en face à face » auprès d’un échantillon représentatif de la population française âgée de 12 ans et plus, sélectionné selon la méthode des quotas : 2.277 personnes ont été interrogées à leur domicile (2.052 adultes et 207 jeunes).
Le smartphone, au cœur des usages numériques
Le smartphone consolide sa position d’équipement numérique de référence.
L’année 2019 voit ainsi le taux d’équipement du smartphone (77%, +2 points) dépasser celui de l’ordinateur (76%, -2 points). Le Credoc observe, néanmoins, « un léger ralentissement de la croissance du taux de pénétration du smartphone depuis 2016, laissant entendre que cet équipement entre dans sa phase de maturité, caractérisée par une évolution plus lente dans les prochaines années » . L’équipement en ordinateur, au contraire, s’inscrit dans une période de déclin (76% en 2019, soit -7 points depuis 2012).
Référence :
Equipement le plus utilisé pour se connecter à internet
Si le téléphone mobile ou smartphone était déjà l’équipement le plus utilisé quotidiennement par les Français en 2017, cette tendance se poursuit et l’écart se creuse même avec l’utilisation de l’ordinateur : en 2019, 82% des Français indiquent utiliser quotidiennement leur téléphone ou smartphone (+3 points par rapport à 2017) contre 47% pour l’ordinateur (-5 points). Dans cette logique, le smartphone s’impose comme l’équipement privilégié pour se connecter à internet en 2019 (pour 51% des Français, +9 points, contre 31% pour l’ordinateur, -7 points).
Cette préférence pour le smartphone s’exprime particulièrement chez les adultes de 25 à 39 ans qui enregistrent, sur un an, une baisse de 6 points sur l’équipement en ordinateur contre une hausse de 3 points de l’équipement en smartphone.
Cette évolution fait écho, observe le Credoc « au recul de l’utilité ressentie de l’ordinateur chez les moins de 40 ans (-5 points par rapport à 2017). La position dominante du smartphone tient donc, en partie, à un désintérêt relatif des Français de moins de 40 ans pour l’ordinateur, moins mobile, qui se traduit pour partie d’entre eux par un déséquipement» .
Taux d’équipement en smartphone et ordinateur selon l’âge
Cette tendance est renforcée par un autre élément déterminant du taux d’équipement en smartphone et ordinateur : le niveau de revenus. Ainsi, 79% des hauts revenus sont multi-équipés d’un smartphone et d’un ordinateur contre 51% des bas revenus.
Les foyers les plus pauvres ont vu leur taux de multi-équipement augmenter de deux points en moyenne par an entre 2013 et 2018 contre quatre points en moyenne dans la population totale. C’est au sein de cette catégorie de population qu’on enregistre la plus forte hausse de l’utilité ressentie du smartphone (+7 points en deux ans, contre +2 points en moyenne). Il apparait donc que les capacités financières contraignent les choix d’équipement des Français et les poussent à prioriser le smartphone plutôt que l’ordinateur.
«Au final, les données semblent indiquer, selon le Credoc, un effet de substitution : d’une part «technologique» avec des jeunes de plus en plus mobiles ; et «économique» d’autre part, avec la notion de contrainte financière qui vient limiter les choix dans l’équipement numérique» .
La messagerie instantanée s’impose dans le quotidien des Français
Les usages du mobile liés à internet sont en pleine expansion. Ainsi, en 2019, 68% de la population utilise un téléphone pour naviguer sur internet (+4 points par rapport à 2018).
La progression de l’utilisation des messageries instantanées est encore plus nette : 62% des Français envoient des messages et 51% téléphonent via des applications, soit des hausses respectives de +9 points et +11 points en un an.
Proportion de la population qui utilise un téléphone mobile pour …
« Si l’âge reste le principal déterminant de l’utilisation des messageries instantanées, l’engouement qui les entoure est partagé par toutes les catégories de la population, que ce soit pour envoyer des messages texte ou appeler».
Près de la moitié de la population (49%) se sert ainsi quotidiennement d’applications pour envoyer des messages texte (+8 points) ; 28% des individus interrogés téléphonent tous les jours en utilisant les messageries instantanées (+13 points).
« Sans encore détrôner les SMS, les messageries instantanées s’imposent donc comme un mode de communication à part entière, ne se cantonnant plus à des moments ou des types de contacts spécifiques (voyage à l’étranger, communication de groupe, …)»
23% des Français concernés utilisent maintenant plus souvent les messageries instantanées que les SMS (+7 points par rapport à 2018).
L’accès à internet se stabilise ; les pratiques deviennent plus mobiles
Pour la première fois, l’utilisation d’internet par la population recule légèrement en 2019 (-1 point) : 88% des Français de 12 ans et plus sont des internautes.
« Sans postuler l’amorce d’un déclin de la connectivité des Français, plusieurs signaux tendent néanmoins à montrer une stabilisation de l’accès à internet »: l’utilisation quotidienne baisse de deux points (pour s’établir 78%), tandis que la connexion fixe à internet à domicile reste au même niveau que l’année dernière (86%).
Taux de pénétration d’internet dans la population
« Les modes de connexion continuent à évoluer vers toujours plus de mobilité : en 2019, les différents types de connexion convergent».
Le Credoc observe, en effet, un recul de la connexion par ordinateur via internet fixe (-1 point par rapport à 2018 à 74%) et l’augmentation de la connexion par internet mobile quel que soit le support (57%, +2 points) et la hausse de la connexion via support mobile – smartphone, tablette (65%, +1 point).
« Cette tendance montre qu’avant tout, les Français sont attachés à leur connectivité, quel que soit l’interface et le mode : le smartphone est alors l’objet numérique le plus adapté à cette quête de connectivité permanente ».
Les différents modes de connexion à internet à domicile
En parallèle, entre 2017 et 2019, seule l’utilité perçue du smartphone et de l’internet mobile progresse dans la population, certes légèrement, respectivement +2 points et +1 point. Même si leur utilité reste plus élevée, l’ordinateur et l’internet fixe enregistrent des baisses (respectivement -3 points et -5 points).
Le numérique, entre impacts positifs et limites palpables
Le numérique est devenu partie intégrante de nos existences : il s’insère très tôt dans nos vies : une fois sur deux, les internautes de moins de 20 ans se sont connectés pour la première fois à l’âge de 10 ans ou même avant.
« L’impact du numérique est loin d’être neutre : les opportunités liées à ce changement sont aussi nombreuses que les inquiétudes qui lui sont associées».
L’édition 2018 du baromètre du numérique avait mis en avant les craintes de la population vis-à-vis de la protection des données personnelles.
« En 2019, malgré quelques inquiétudes localisées, notamment sur l’environnement, les Français apprécient plutôt l’influence des technologies du numérique sur les différents aspects de leur quotidien.
Avoir accès à internet est une condition perçue comme de plus en plus souvent nécessaire pour se sentir intégré dans la société. Le rôle du numérique dans l’évolution des relations entre les citoyens et leurs administrations publiques est perçu comme essentiel par la population».
Un usage toujours plus important des réseaux sociaux, qui n’empêche pas une certaine défiance
Depuis trois ans, 6 personnes sur 10 utilisent les réseaux sociaux. Après la pause repérée l’an dernier, cette pratique gagne 1 point cette année, « peut-être en lien avec une mobilisation accrue de certains groupes de population, notamment dans le sillage des mouvements de contestation des « Gilets jaunes » qui sont apparus l’automne dernier».
Proportion d’individus ayant utilisé un réseau social au cours des 12 derniers mois
La télévision et internet sont plébiscités par l’opinion pour suivre et comprendre l’actualité en 2019. Cette année, 63% des Français déclarent ainsi s’informer en ligne (+5 points par rapport à 2016). Télévision et internet occupent les premières places du classement des médias que ce soit pour suivre l’actualité (respectivement 48% et 19% de citations) ou la comprendre (40% et 22%).
Les réseaux sociaux, en revanche, sont loin d’être le média de référence en la matière puisque seuls 4% des répondants affirment que les réseaux sociaux sont le média qui permet de mieux comprendre l’actualité.
Les moins de 40 ans ont, cependant, tendance à délaisser les médias traditionnels pour se tourner plus volontiers vers internet, et, pour les plus jeunes (12-24 ans) vers les réseaux sociaux : ainsi, 23% des 12-17 ans indiquent que les réseaux sociaux sont le média qui permet le mieux de suivre l’actualité ; les 18-24 ans sont les seuls à citer internet devant la télévision (38% contre 29%).
Même si la méfiance envers les réseaux sociaux est importante lorsqu’il s’agit d’analyser l’information, les 18-39 ans considèrent qu’internet est le média qui permet le mieux de comprendre l’actualité.
Quand il s’agit de choisir le média dans lequel les Français ont le moins confiance, la télévision continue d'emporter l’adhésion de la population (51% le citent en premier ou deuxième choix), suivie par la presse écrite (42%).
La confiance dans les réseaux sociaux est, en revanche, particulièrement basse (8%). Ce scepticisme se retrouve quand il s’agit de réagir vis-vis d’« informations étonnantes ».
"Si, quelle que soit la source, la moitié de la population ne réagit pas particulièrement lorsqu’elle est confrontée à une information étonnante, on observe que quand celle-ci provient d’un réseau social, la proportion d’individus qui affirment avoir envie de la partager immédiatement est relativement plus faible que pour les autres sources. Ainsi seules 9% des personnes interrogées disent avoir envie de partager immédiatement une information étonnante vue sur les réseaux sociaux contre 14% quand celle-ci a été rapportée par un média traditionnel, 16% par une source institutionnelle et 18% par un proche".
Par ailleurs, les Français vont avoir tendance à moins souvent vérifier une information provenant d’une source institutionnelle (25%) que d’une autre, signe d’une relative confiance dans les informations émanant d’une institution publique.
Réactions face à une information étonnante rapportée par différentes sources
Qui a envie de partager les informations ?
« Ce sont plutôt les personnes optimistes qui ont envie de partager des informations étonnantes. Ainsi, les individus qui pensent que leurs conditions de vie vont s’améliorer dans les cinq prochaines années sont 18% à vouloir partager des informations étonnantes rapportées à la radio, à la télévision ou dans la presse, 21% par des personnes proches et 12% par les réseaux sociaux. Les mêmes proportions ressortent chez les individus qui estiment que le niveau de vie de l’ensemble des Français s’est amélioré ces dix dernières années.
Dans le même temps, d’autres catégories moins optimistes et peu satisfaites de leur sort témoignent aussi d’un certain goût pour le partage. Par exemple, si on s’intéresse au positionnement vis-à-vis du mouvement des Gilets Jaunes, les personnes interrogées qui disent en faire partie sont également les plus à même de partager des informations immédiates quelle que soit la source (à l’exception, notable, des sources institutionnelles) : 22% à la radio, à la télévision ou dans la presse ; 20% par la famille ou le cercle proche ; 21% par les réseaux sociaux».
Impact globalement positif du numérique, sauf pour la protection de l’environnement
Le numérique est perçu positivement quant à son impact sur la vie privée et professionnelle des Français.
63% de la population affirment qu’internet et les technologies de l’information ont un impact positif sur leur vie privée, tandis que 71% des actifs occupés rapportent un impact positif sur leur vie professionnelle.
Le numérique favorise de plus en plus la sociabilité : 51% des personnes interrogées indiquent avoir retrouvé d’anciennes connaissances grâce à internet (+11 points par rapport à 2014), 44% avoir noué de nouvelles amitiés (+17 points) et 15% avoir fait, par ce biais, des rencontres amoureuses (+5 points).
« Le corollaire de ces nouvelles formes de socialisation numérique est qu’il devient de plus en plus crucial aux yeux des citoyens Français d’être connecté pour se sentir intégré à la société (68%, +3 points en un an, +14 points en dix ans)».
Polarisation des opinions des Français vis-à-vis du changement numérique
28% de la population ne se sent pas prête à adopter de nouvelles technologies ou de nouveaux services numériques (+5 points par rapport à 2017), tandis que, dans le même temps, la proportion d’individus prêts à embrasser le changement numérique immédiatement progresse de 3 points (27%, +3 points).
L’âge joue un rôle particulièrement important dans cette polarisation : les 18-24 ans sont 39% à se sentir prêt à adopter de nouvelles technologies ou de nouveaux services numériques immédiatement (+15 points), alors que les 40-59 ans sont plus d’un quart (26%) à ne pas vouloir s’engager sur cette voie (+8 points).
Cette tendance est illustrée par la position des citoyens par rapport aux objets connectés : si 9% de la population affirme déjà posséder une enceinte connectée, plus de deux-tiers des Français ne comptent pas utiliser d’objets connectés dans le futur et ce, quel que soit son possible usage : électroménager, santé, domotique, sécurité. «Ce désintérêt trouve peut-être sa source dans l’inquiétude de la population quant à l’utilisation des données personnelles recueillies par ces équipements, et ce malgré l’adoption du RGPD».
« Cette position tranche par ailleurs, observe le Credoc, avec le relatif optimisme des Français concernant l’impact du numérique sur différents sujets de société comme l’emploi et l’éducation, et ce, malgré le recul enregistré en dix ans sur ces indicateurs».
Pour une large majorité des Français, le numérique est une chance pour l’éducation et la formation (70%), l’emploi (70%) et la création artistique (66%).
Cependant, la part de nos concitoyens qui jugent l’impact des ordinateurs et d’internet sur l’emploi comme une chance recule fortement (-14 points par rapport à 2008).
« Cette tendance fait écho aux inquiétudes qui entourent les évolutions du marché du travail».
L’impact négatif du numérique sur la protection de l’environnement est plus affirmé encore : seules 38% des personnes interrogées en 2019 pensent que les technologies numériques représentent une chance pour l’environnement (-15 points par rapport à 2008). Si les jeunes adultes ne craignent pas, au contraire de leurs ainés, que la technologie puisse être une menace pour l’emploi, ce sont eux qui ont le plus déchanté en dix ans sur le rôle positif que peut avoir le numérique sur l’environnement (-19 points pour les 18-24 ans et -18 points pour les 25-39 ans).
Face à ces inquiétudes croissantes quant à l’impact du numérique sur l’environnement, les Français semblent prêts à faire des efforts pour limiter leur impact individuel. Ainsi, 80% des Français sont d’accord avec l’idée de diminuer l’impact de leurs équipements sur l’environnement (par exemple en les gardant plus longtemps ou en achetant des équipements d’occasion ou reconditionnées) et 69% avec l’idée de réduire l’impact de leurs usages (par exemple en privilégiant le téléchargement de contenu plutôt que le streaming). De la même manière, une majorité de la population affirme être prête à accepter un supplément de prix de l’ordre de 5% pour diminuer la consommation électrique de leur ordinateur et pour favoriser leur recyclage (respectivement 70%, +5 points par rapport à 2009 et 73%, +8 points).
« Les Français restent donc positifs quant au rôle du numérique sur leur vie en tant qu’individu et sur la société dans son ensemble (à l’exception de son impact environnemental). Cependant, en dix ans, observe le Credoc, la confiance dans le numérique, comme moteur de l’innovation et du développement social, bien que haute, s’est érodée» .
Le rôle primordial du numérique dans l’évolution des relations avec les administrations publiques
Internet et les technologies du numérique font également évoluer les relations entre l’administration publique et les citoyens, avec la possibilité (voire l’obligation) de réaliser de plus en plus de démarches en ligne : parmi les 434 services en ligne listées sur le site Service-Public.fr , on retrouve notamment les services de l’administration fiscale, les aides sociales, les demandes de permis de conduire, etc.
Pour communiquer avec les administrations et faire valoir leurs droits, se pose alors la question de la capacité des individus à utiliser les outils informatiques et numériques. La part de ceux qui n’utilisent jamais ces outils ou qui abandonnent à la moindre difficulté baisse un peu (16%, contre 18% l’an dernier). 4 adultes sur 10 se débrouillent seuls ou n’ont pas de difficultés particulières. Le plus souvent, face à une difficulté, on cherche de l’aide (44%), de préférence auprès d’un proche (35%). Ces stratégies dépendent principalement de l’âge. Les adultes de 18 à 39 ans n’ont pas besoin d’aide, tandis que les individus âgés de 70 ans et plus sont souvent exclus de la société numérique. Ainsi, ce sont principalement les adultes de 40 à 69 ans qui demandent de l’aide.
Globalement, un adulte sur trois seulement ne voit aucun frein à la réalisation des démarches administratives en ligne.
Les freins possibles sont variés : difficulté avec l’informatique et internet (16% des première réponses), complexité des démarches administratives en elles-mêmes (11%), défaut de conception des sites (10%) ou absence d’un interlocuteur susceptible de porter assistance (10%). Parmi les propositions qui leur sont faites, les Français privilégient comme lieu idéal d’accompagnement aux démarches administratives en ligne un lieu rassemblant à la fois plusieurs services publics mais aussi d’autres services de proximité (commerces, médiathèques, centres sociaux…) : 40% des adultes optent pour cette solution.
Pour l’heure, seule une minorité des adultes interrogés (19%) déclarent que, ces dernières années, les démarches administratives se sont simplifiées. A l’inverse, 37% d’entre eux considèrent qu’elles se sont complexifiées.
Perception de l’évolution des relations avec les administrations publiques ces dernières années
Le numérique est fortement à l’œuvre dans ces modifications (86%). En revanche, on observe que le rôle du numérique semble relativement plus important dans la simplification que dans la complexification (93% contre 82%), particulièrement pour les populations de plus de 40 ans, qui blâment plus souvent le numérique que les 18-39 ans (85% contre 73%). Il est possible que le changement numérique ait bouleversé les habitudes établies sur toute une vie par ces populations, impliquant une transformation profonde de leur manière d’interagir avec l’administration