Avant-proposLe programme national de recherche portant sur le dispositif Conseiller numérique France Services, est financé par le programme Société Numérique de l’Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT). Il est réalisé par le centre de recherche d'Askoria, et placé sous la direction scientifique de Pierre Mazet [1] (équipe : Florian Pedrot [2], Jordy Stefan [3], Alice Valiergue [4]). Il s’inscrit par ailleurs dans le cadre du programme de recherche-action Labaccès. Le volet "Recherche" du Labaccès étant lui-même le fruit d’un partenariat entre le Ti Lab (laboratoire régional d’innovation publique breton) et le centre de recherche d'Askoria.Le présent article s'inscrit dans le cadre des publications du Laboratoire Société Numérique et comporte, à ce titre, des choix éditoriaux reflétant le positionnement de ce site d'information.
Objectif de la rechercheAu-delà de de combler un déficit constaté de professionnels de l’accompagnement au numérique, le dispositif Conseiller numérique France Services (CnFS) porte une hypothèse d’action forte :Son déploiement sur les territoires va permettre de lancer, d’initier, ou de consolider des dynamiques ou des stratégies locales d’inclusion numérique, visant la réduction des inégalités numériques et la montée en compétences numériques des Français.Cette hypothèse suppose de considérer le dispositif non pas comme une fin – le déploiement de 4 000 CnFS sur le territoire national – mais comme le moyen d’une action de l’Etat visant la réduction des inégalités numériques et la montée en compétences des Français, par les territoires, sur les territoires.Par conséquent, l’objectif général de ce programme de recherche est de décrire la manière dont les territoires s’emparent du dispositif Conseiller numérique France Services pour développer des stratégies/politiques locales d’inclusion numérique.Il se développe et s’appuie sur deux types de méthodologie :Une enquête quantitative par questionnaire à l’adresse des conseillers numériques d’une part, des responsables de structures d’accueil d’autre part. L’objectif est de recueillir le point de vue (informations, perceptions, représentations) sur le dispositif des principaux acteurs du dispositif.Une enquête qualitative, par entretiens et observations, sur 5 territoires. L’objectif est de pouvoir répondre à la question dans sa dimension locale et territoriale, en adoptant une approche qualitative compréhensive (documentation du dispositif, entretiens semi directifs, suivi d’instances ad hoc etc.) permettant de saisir les logiques d’acteurs au niveau local.Cette recherche possède une dimension longitudinale, afin de pouvoir suivre et observer le déploiement du dispositif dans le temps. Les éléments présentés ci-dessous sont des résultats d'étape qu'il conviendra de mettre en perspective avec les résultats finaux.
1-MéthodologieLes résultats présentés dans cet article reposent sur deux vagues de questionnaire. La première vague a été administrée entre le 16 novembre et le 19 décembre 2021. La deuxième vague a quant à elle été administrée entre le 25 mai et le 15 juin 2022. Ce questionnaire a été proposé par le biais d’un lien internet aux répondants. Afin de recueillir le plus de réponses possibles et d’obtenir un traitement des données pertinentes, toutes les questions étaient obligatoires. 1 071 CnFS ont répondu à l’intégralité de ce questionnaire, comprenant un peu plus de 100 questions, soit près de 40% des CnFS en poste (i.e. sortis de formation) au moment de la passation de la seconde vague. Les résultats aux 2 vagues présentent une grande homogénéité.2-Profil des CnFS de l’échantillon"L’échantillon des répondants présente un âge moyen assez jeune (moyenne de 36 ans), avec une répartition de niveau d’études (bac ou inférieur, Bac + 2 et Bac +3 et supérieur) en trois tiers relativement égaux, malgré une légère prééminence du niveau Bac +3 et supérieur (37,1%).Au moment de postuler, près de la moitié (46,5%) des conseillers était en recherche d’emploi, plus d’un tiers (37,4%) était déjà en emploi, les individus restant étant principalement en service civique, en études ou en formation.Les expériences professionnelles des conseillers de l’échantillon, qui ont sélectionné plus de 3 items en moyenne, se sont principalement déroulées dans le champ de l’accueil des publics (62,5%), et de l’accompagnement numérique (47,5%)."L'enquête montre également que "les variables d’intérêt pour le poste récoltent toutes un score d’accord élevé (plus de 8/10 en moyenne ; sur une échelle de 1 à 10, les CnFS donnent une réponse supérieure à 8), en particulier pour sa dimension mixte, mêlant numérique et accompagnement des publics. La dimension sociale présente un score un peu plus haut (8,54/10) que la dimension proprement numérique (8,23/10).En termes de pratiques numériques, l’échantillon présente un profil majoritaire d’utilisateurs d’internet (9,37/10) et de réseaux sociaux (6,87/10)".3-La formationLa formation initiale des conseillers est perfectible. En effet, l'enquête rapport que la satisfaction globale des conseillers interrogés est de 36/100 (degré d’accord moyen s’échelonnant de 0 à 100). Elle est fréquemment perçue comme peu adaptée au poste (68/100) ou perçue comme incomplète (73/100).La formation initiale reposait sur le titre professionnel de Responsable d’espace de médiation numérique (REMN). Notons qu’il s’agit du seul titre professionnel du secteur disponible au lancement du dispositif.4-Prise de posteConditions de prise de poste ou l’atterrissage des conseillersUne majorité des CnFS déclarent ne pas avoir rencontré de difficulté particulière lors de leur prise de poste (58%). Lorsqu’il y en avait, les difficultés portaient principalement sur la définition des interventions. La définition du poste semble s’être faite au fil de l’eau, en intégrant le temps de formation, et en se poursuivant au-delà.L'enquête révèle que "le poste de conseiller était une création de poste dans plus de 4 cas sur 5 (83.5%). On compte deux fois plus de structures privées (principalement des associations) possédant un poste équivalent auparavant (27% contre 13% pour les structures publiques) : cela pourrait signaler un phénomène de réorientation du financement de ces postes, ou le financement de postes jusqu’ici non rémunérés (bénévoles)".60% des répondants déclarent posséder du matériel suffisant pour leurs interventions. Lorsque du matériel manque, il s’agit en particulier d’ordinateur portable (69,6%) ou de connexion de qualité à Internet (59,4%).Le dispositif a permis d’apporter des ressources humaines qui faisaient défaut auparavant, dorénavant les problèmes rencontrés sont d’ordre matériel (espace, ordinateurs, etc.). Bien souvent, les collectivités, en particulier de petite taille, n’avaient pas anticipé les besoins en matériel, sur le terrain.Des conditions de recrutement diversifiées dans les structures publiquesPour les emplois dans le secteur public, "67,6% des répondants ont été recrutés à un niveau de catégorie C, 23,5% en catégorie B, et 8,9% en catégorie A.Au sein des catégories A et B, on note une légère surreprésentation de CnFS ayant été classés dans des parcours courts de formation (P1 et P2, respectivement 105 et 280 heures). De même, on remarque une légère surreprésentation de bac +3 et supérieur parmi les P1 et P2, donc dans les catégories A et B".5-Structures d’accueil, lieux et types d’interventionA noter que que "les structures publiques restent largement majoritaires (71%) sur l’ensemble des deux vagues. Ce sont les villes qui arrivent en tête des collectivités (27%) devant les communautés de communes (21%) et les départements (13%).Les CnFS recrutés par des structures privées (28%) indiquent l’accompagnement social comme champ principal d’intervention de leur structure (30,9%). L’accompagnement au numérique est comparativement beaucoup moins mentionné (11,9%)". Le dispositif a donc permis à de nombreuses structures associatives de se lancer dans des activités de médiation numérique.Une très grande majorité d’interventions « multisites »L'enquête montre que "plus des ¾ des conseillers interviennent sur plusieurs sites, le nombre moyen de site est de 7". A noter que la majorité des CnFS interviennent entre 2 et 5 sites (56%)."Par ailleurs, les CnFS intervenant sur plusieurs sites citent beaucoup plus l’accueil social comme principal lieu d’intervention (31%) que ceux intervenant sur un seul site (18%) ; ces derniers sont à l’inverse plus nombreux à citer les tiers lieux comme principal lieu d’intervention (9.2% contre 2.7% des « multi sites »).Ces données rendent compte d’une dimension fondamentale du mode de développement du dispositif : les structures ont très majoritairement cherché à déployer les CnFS sur le territoire, en multipliant les points de présence. L’on ne se trouve pas dans un modèle centralisé dans lequel les structures concentreraient les conseillers sur leur site principal."Ainsi, la démarche de se rapprocher un maximum des publics cibles (dans la lignée de la notion « aller vers ») occupe une grande place dans la mise en œuvre du dispositif.Des postes aux multiples types d’intervention"Les CnFS interrogés proposent une multiplicité de types d’interventions : accompagnement individuel en rendez-vous (84%), initiation individuelle à l’informatique (78,5%), animation d’ateliers collectifs sur les compétences de base (76%), accueil/accompagnement individuel tout venant (74,2%), animation d’ateliers collectifs sur les usages numériques (68,6%), formation aux outils/ usages numériques (65,7%)."On note par ailleurs que les CnFS proposent globalement davantage d’interventions sur un mode individuel (accompagnement individuel en rendez-vous, accueil tout venant, initiation individuelle à l’informatique/aux usages numériques, pour un total de 60%) que sur un mode collectif (ateliers collectifs sur les compétences de base, sur les usages numériques ou formation à destination des publics – pour un total de 30%).En outre, "les espaces et configurations de réception donnent une idée de la manière dont les publics sont reçus lors de ces accompagnements : dans 96% des cas, les usagers sont reçus en position assise, dans des espaces dédiés ou fermés pour les deux tiers. Ces choix se démarquent clairement du modèle d’accueil tout venant de type « banque d’accueil », caractéristique des administrations, dans lesquels usagers et agents sont souvent debout autour de terminaux de connexion.Signalons enfin que la multiplicité des types d’intervention récolte un fort taux d’intérêt pour les conseillers : elle est jugée intéressante pour 84% d’entre eux, l’éventuelle difficulté à la gérer et la possible frustration qu’elle engendrerait recueillant au contraire des scores bas (respectivement 33% et 18%)".6-Dimension territorialeImmersion dans le territoire : des résultats encourageantsL'échantillon interrogé montre que "presque la moitié des conseillers dit avoir connaissance d’une stratégie locale, sans qu’on dispose d’éléments sur l’existence effective d’une stratégie territoriale pour l’ensemble des conseillers. Et c’est encore un peu plus d’une moitié (55,9%) des conseillers qui a rencontré la totalité des équipes de leur principal lieu d’intervention".Une fréquence d’échanges avec les acteurs extérieurs qui semble témoigner d’une communauté de professionnels naissanteDans les premiers mois de prise de poste, "les CnFS interrogés ont globalement peu d’échanges avec des acteurs extérieurs. « Une fois par mois » ou « jamais » est la réponse majoritaire pour tous les acteurs mentionnés. Seule exception, les échanges entre CnFS : 32% des répondants ont des échanges « une ou plusieurs fois par jour » (dont 19% plusieurs fois par jour) ; 32% « une ou plusieurs fois par semaine »". Ces résultats témoignent de l’instauration d’une réelle communauté de professionnels en lien direct avec les modalités de déploiement du dispositif (outils communautaires à disposition, rassemblements locaux, etc).Par ailleurs, 16% des répondants indiquent avoir des échanges « une ou plusieurs fois par jour » avec des agents France service, la même proportion des répondants indiquent avoir des échanges « une ou plusieurs fois par jour » avec des acteurs sociaux."Le fait d’être situé dans l’enceinte de certaines structures (EFS, plateau d’accueil de mairie rassemblant l’ensemble des services dont les services sociaux, etc), facilite grandement les échanges, les relations d’orientation et l’interconnaissance des acteurs."7-Les publicsA ce stade, des publics autonomes pour leur venueDans les premiers mois de prise de poste des CnFS, "la venue des usagers est principalement issue d’un mouvement autonome : ils sont principalement venus d’eux-mêmes parce qu’ils ont entendu parler de l’intervention ou parce qu’ils connaissaient déjà le lieu, et/ou ont été en contact avec un autre service de la structure. De ce point de vue, l’offre des conseillers a d’abord capté des publics qui avaient des besoins, connaissaient l’offre et étaient capables d’identifier la structure ou la connaissaient déjà".Les auteurs indiquent que "ces résultats doivent sans doute être lus à la lumière de la répartition des structures d’accueil, qui sont majoritairement des collectivités et/ou des structure de proximité (communes, centre social, CCAS/CIAS, communauté de commune), qui ont pu communiquer directement à leurs publics l’existence de leur nouvelle offre. Le score obtenu par l’auto-prescription (déclenchement autonome de la venue par les publics) indique a priori une campagne de communication locale réussie et un fort besoin de la population, qui a su identifier l’offre. La question des publics « non usagers » habituels des lieux, davantage invisibles ou à aller chercher, se posera sans doute avec le temps".Pour faire quoi ?Selon les conseillers interrogés, "c’est d’abord pour avoir un accompagnement aux outils numériques (8,4/10) que les publics se déplacent jusqu’à l’offre – ce qui est cohérent avec la modalité d’intervention principale, qui est comme évoqué précédemment, l’accompagnement individuel ; sur ce plan, l’offre d’intervention correspond à la demande des publics, ou à l’inverse, les structures se sont adaptées aux demandes des publics. Les demandes d’accompagnement portent davantage sur les outils que sur des démarches « démarches courantes sur internet (6,42), ou démarches administratives (7,59). Avoir une formation sur des outils numériques arrive en seconde position des items « thématiques » (7,89). Les autres types de demandes (sécurité des données, accès matériel) recueillent des scores comparativement plus bas".L'enquête révèle également que "la dimension de réassurance se place en seconde position. Cet item renvoyant à une dimension psychosociale distincte des autres items proposés, atteste du sentiment d’inquiétude, ou de démunition, face aux outils numériques, et/ou aux démarches à effectuer.Cette dimension, très présente sur tous les terrains d’enquêtes (présents et passés) renvoie aussi bien aux enjeux de dédramatisation du numériques, qu’aux difficultés propres aux démarches administratives.Questionnés sur les demandes principales des publics en lien avec les trois objectifs du dispositif CnFS, les conseillers estiment que les publics cherchent avant tout un accompagnement au « numérique du quotidien » (degré d’accord de 82/100) – avec l’écart type le plus réduit, soit la réponse la plus forte et homogène – devant une montée en compétences numériques (degré d’accord de 76/100) et l’aide aux démarches administratives (degré d’accord de 68/100). L’accompagnement aux démarches courantes sur Internet a pourtant récolté un score presque équivalent à l’accompagnement aux démarches administratives et même à l’information sur les démarches administratives – l’importance de l’écart type sur ce dernier item laisse supposer des positionnements très segmentés selon les répondants et les contextes d’intervention".Quels publics ?Les CnFS interrogés indiquent que "les personnes âgées constituent le premier public reçu. On remarque un écart important avec les autres types de publics proposés, et le plus faible écart type : c’est donc le public majoritaire pour les conseillers ayant répondu".Les auteurs du rapport indiquent que "ce résultat va dans le même sens que la plupart constats en matière de médiation numérique : ce sont traditionnellement les personnes âgées qui sont le plus en demande de médiation numérique, en particulier d’ateliers (d’initiation, ou d’apprentissage). Cette prééminence des personnes âgées peut expliquer en retour les résultats précédents : ce public aurait moins de problèmes immédiatement administratifs – ce n’est pas nécessairement ce qui motive le déplacement – qu’un besoin d’accompagnement dans les usages numériques de base, et corrélativement un besoin de ré assurance. Qui plus est, les personnes âgées ont, statistiquement, moins de démarches administratives à réaliser que des personnes précaires actives notamment. Elles ont, enfin, des disponibilités d’emploi du temps qui correspondent aux horaires d’ouverture classiques des offres (horaires de bureau)".En outre, "les résultats collectés dessinent ainsi une manière de « profil majoritaire », qui serait composé de publics âgés, ayant entendu parler de l’offre, ou qui avaient l’habitude de fréquenter la structure (les mairies par exemple, qui représentent plus de 20% des structures publiques), viennent pour être accompagnés dans leur utilisation d’outils numérique et être rassurés, voire pour certains d’entre eux suivre une formation aux compétences de base. La dimension administrative, pour importante qu’elle soit, n’apparaît pas première, ce qui peut être lié à la moindre éligibilité à des droits sociaux de cette classe d’âge particulière".Peu de problèmes pour répondre aux demandes des publicsL'enquête révèle que "malgré certains manques à propos de la formation initiale, les CnFS répondants font peu état de difficultés pour répondre aux demandes de leurs publics : pouvoir répondre aux demandes obtient un score de 72 sur 100. Les demandes des publics correspondent d’ailleurs assez largement à l’idée que s’en faisaient les CnFS (75/100). Les difficultés, quand elles existent, viennent principalement de demandes qui ne font pas partie du champ d’intervention des CnFS (6,79 /10), et de démarches administratives trop complexes (6,04). Les CnFS déclarent avoir rencontré peu de limites dans leur accompagnement : les items proposés (question de temps, indisponibilité interface, problèmes informatiques) récoltent des scores très bas (degré d’accord entre 3,2/10 et 4,2/10)".
1-MéthodologieLe choix d’une approche qualitative visait à saisir finement la manière dont le dispositif s’est mis en place, les logiques qui y ont présidé, ses effets en termes de modalités d’action et de dynamiques territoriales, les acteurs qui ont été concernés, etc.En appui sur une grille de critères, cinq territoires ont été sélectionnés, qui permettaient d’offrir des contextes d’analyse diversifiés :Le territoire A, dans lequel le Conseil départemental a recruté une grande majorité des CnFS (21 sur les 28 initialement validés par le Comité de sélection du dispositif).Le territoire B, qui est apparu comparativement moins « avancé » que les autres en termes d’élaboration d’une stratégie d’inclusion numérique.Le territoire C qui, outre son caractère urbain très dense marqué par de forts indicateurs de précarité, a signé à l’initiative de la Préfecture de département un accord préalable de principe (APP) lui permettant de garantir un contingent de 80 CnFS après la parution de l’AMI (Appel à Manifestation d’Intérêt) du dispositif.Le territoire D, en raison de son statut institutionnel de collectivité métropolitaine, mais aussi au regard du récent changement d’exécutif.Le territoire E, pensé comme un territoire « miroir » du territoire A, compte tenu de l’absence du Conseil départemental dans la réponse à l’AMI, et de la multiplicité de candidatures provenant de communes et d’associations.Périodes d’enquête : phase exploratoire : octobre 2021 – janvier 2022 ; 1ère vague : Mars – Juillet 2022 ; 2ème vague (à venir) : 2ème trimestre 2023.2-L’atterrissage de l’AMI sur les cinq territoiresCette partie rend compte de la manière dont l’AMI a « atterri » au niveau « macro » (Département ou Métropole). Les questions ont porté prioritairement sur les premières phases du dispositif : connaissance de l’AMI, organisation d’une réponse, instances de coordination mises en place, échanges avec la Banque des Territoires (opérateur du dispositif) et l’ANCT, validation du nombre de CnFS, etc.Le territoire A : un chef de filât naturel du Conseil départementalDans le territoire A, l’AMI arrive dans un département extrêmement structuré en matière d’inclusion numérique. Le Conseil départemental a engagé depuis de nombreuses années une stratégie territoriale couvrant l’ensemble du territoire, avec des médiateurs numériques se partageant un certain nombre de communautés de commune, et un service dédié au sein de la collectivité. Le réseau d’acteurs est déjà constitué, on note une grande interconnaissance entre eux, et des habitudes de travail (Préfecture, Département, Communautés de communes). Il est par ailleurs notable que la Préfecture ait une vision précise de ce que ne doivent pas faire les CnFS : ce ne sont pas des agents France Services. L’agglomération présente sur le département apparaît plus novice sur le sujet : le choix, politique, de ne pas se mettre sous la coupe de la coordination par le Département, conduit la collectivité à infléchir sa stratégie numérique, jusqu’ici essentiellement centrée sur les smart cities, sur les usages et l’accompagnement numérique. Sur ce territoire, 3 collectivités captent la quasi-totalité des CnFS du département.Le territoire B : un territoire sans coordinationDans le territoire B, l’AMI arrive dans un territoire et un environnement peu préparé, sans acteur moteur pour diffuser l’information, inciter les collectivités et structures à répondre ou organiser une coordination. Les structures qui candidatent en ont entendu parler par leurs réseaux respectifs ; compte tenu du faible nombre de candidatures, et du faible investissement de la Préfecture sur le sujet, aucune sélection n’a dû être faite. Le jeu conjugué de l’AMI et de la démarche de diagnostic semble inciter le Département à s’engager dans un rôle de coordinateur d’une politique d’inclusion numérique à l’échelle départementale.Le territoire C : un pilotage préfectoralDans le territoire C, l’AMI arrive sur un territoire qui a été profondément marqué par la période COVID-19 et ses effets sociaux. Les besoins du territoire sont reconnus comme « énormes ». Ayant déjà fait de l’inclusion numérique un axe d’intervention prioritaire (fléchage de budgets, etc.), la Préfecture (en la personne de la Préfète déléguée) prend l’initiative d’un pilotage afin d’organiser la réponse territoriale entre acteurs ; la signature d’un APP permet ainsi de garantir un contingent de CnFS auprès de l’ANCT (80), et d’engager les acteurs du territoire à s’organiser pour répondre au mieux au dispositif. La Préfecture place les EPT en position de coordination et d’animation territoriale, en leur confiant un rôle d’intermédiaire dans le travail à réaliser sur les clés de répartition des demandes de CnFS à leur échelle territoriale. Bien que, ou parce que, déjà engagé sur le sujet de l’inclusion numérique, le Conseil départemental ne prend pas le rôle de chef de file, mais se positionne en complémentarité des demandes des EPT.Le territoire D : une coordination métropolitaineSur le territoire D, la parution de l’AMI arrive dans une collectivité qui a fait de l’inclusion numérique un axe fort de sa stratégie numérique. La thématique bénéficie d’un portage politique fort et de moyens pour développer un réseau d’acteurs de l’inclusion numérique. Elle se place naturellement en « chef de file » pour organiser la réponse des acteurs, villes en particulier, et assurer une bonne répartition territoriale des demandes de CnFS à l’échelle de son territoire. Compte tenu des contraintes temporelles cadrant la réponse à AMI, et des contraintes financières pesant sur les collectivités, la Métropole recrute, par l’intermédiaire d’un groupement d’intérêt public, 15 CnFS pour 10 communes. La Préfecture apparaît peu active à cette échelle territoriale, et se concentre sur le département et l’articulation des CnFS avec les Espaces France Service (EFS) présents dans le département.Le territoire E : une concertation territoriale préfectoraleDans le territoire E, la Préfecture joue dès la réception de la circulaire annonçant la parution de l’AMI, un rôle actif d’information auprès des collectivités locales, et d’intermédiaire « modérateur » entre l’ANCT (et en particulier la « plateforme ») et les collectivités. La Préfecture identifie dès le départ l’AMI comme complémentaire de sa politique de déploiement des EFS. On ne trouve cependant aucun acteur coordinateur à l’échelle départementale. Le Département, qui a pourtant développé un réseau de l’inclusion numérique dans les années 2017, n’émarge pas au dispositif et reste en retrait des réunions organisées par la Préfecture. Le territoire E a ainsi la particularité d’avoir essentiellement des structures avec un seul CnFS, avec un grand nombre de CnFS recrutés par des communes, et 11 CnFS intervenant dans des EFS."L’émergence de coordinateursL'enquête révèle que "trois des cinq territoires enquêtés voient l’émergence de coordinateurs".Plus précisément, "dans deux cas, ces chefs de file sont déjà fortement engagés sur le sujet de l’inclusion numérique : de manière très opérationnelle (postes de médiateurs et de conseillers numériques) et ancienne sur le territoire A (Stratégie 2021-2027), de manière plus récente sur le territoire D avec un fort développement d’outils (site internet, cartographie, kit d’orientation), un investissement (chargés de projet) dans l’animation d’un réseau. Pour ces deux collectivités, l’AMI s’inscrit dans une manière de continuité : il offre l’opportunité de changer d’échelle, permet de donner du poids et de légitimer sa position d’acteur central sur la question, et vient augmenter ses moyens pour atteindre des objectifs posés dans sa stratégie d’émancipation numérique".En outre, "sur le 3ème territoire (C), l’émergence d’instances de coordination ne découle pas du même processus. Ce n’est pas un acteur qui s’auto-saisit (territoire D) ou répond à un besoin formulé par les acteurs locaux (territoire A), mais l’initiative de la Préfecture qui s’engage dans un pilotage de la réponse à l’AMI vu les besoins identifiés de son territoire, et met à disposition une « chargée de mission » référente qui devient l’interlocutrice de tous les acteurs au niveau local : elle se charge de présenter et porter le projet, d’identifier les acteurs, d’animer des réunions, de répondre aux questionnements des collectivités, de fluidifier les relations à l’État, etc. La Préfecture n’assure pas, comme sur les deux autres territoires, un rôle de coordination, qu’elle « délègue » aux EPT. Ceux-ci ne bénéficient d’aucune forme de financement de cette délégation de la coordination et de l’animation à leur échelle territoriale, mais ont la possibilité de demander un poste de coordination dans le cadre de l’AMI".Des « contrats » de coordination différentsL'émergence de coordinateurs a fait l'objet de démarches contractuelles. En effet, "dans le territoire A, si le Conseil départemental assure la coordination d’un point de vue administratif (gestion des contrats, animation, mise à disposition de ses RH etc.), le financement des postes est assuré à parts égales avec les communautés de communes ; la résidence administrative des CnFS est positionnée dans les communautés de communes, et les CnFS sont en lien hiérarchique avec un référent dans les communautés de communes, en plus du référent « technique » mis à disposition par le Département (un ancien médiateur numérique).Sur le territoire D, la Métropole assure quant à elle la prise en charge intégrale des postes de CnFS portés par un GIP, mis à disposition des communes, en coopération/ partenariat avec elles (généralement les responsables insertion des villes) ; les CnFS sont sous la commande hiérarchique du GIP, et dans un lien fonctionnel avec un responsable au niveau de leur commune. La Métropole dédie un mi-temps de CnFS à la coordination de l’ensemble des CnFS de la Métropole.L’EPT du territoire C assure la fonction de coordination que lui a attribuée la préfecture à l’échelle de l’intercommunalité, mais ce sont les communes qui financent et recrutent leur CnFS. L’EPT a néanmoins obtenu un poste de CnFS pour la coordination. L’EPT n’a pas de lien hiérarchique ou fonctionnel avec les CnFS des communes".Des séquences d’intéressement multiplesDe manière intéressante, l'enquête met en lumière le fait que "l’un des aspects remarquables de l’émergence de coordinateurs est qu’elle génère énormément de séquences d’intéressement des acteurs locaux, en particulier sur et à partir de la question de la répartition des CnFS : identification et mobilisation des acteurs, réunions, mise en discussion de la pertinence de la répartition, questionnements sur les besoins des territoires, utilisation d’outils pour objectiver les données locales, rédaction de fiches projets, formalisation des objectifs, etc".En revanche, "dans les territoires où l’on ne trouve pas d’instance de coordination, les cas de figure sont très différenciés. Dans le territoire B, la parution de l’AMI a déclenché une mobilisation locale, en particulier au niveau du Conseil départemental qui s’organise à présent pour assurer un certain chef de filât sur la thématique de l’inclusion numérique. Dans le territoire E, la question de la coordination reste en suspens. Au moment de notre enquête, le conseil départemental demeure en retrait, et l’on observe peu d’échanges avec les acteurs engagés dans le dispositif. La préfecture, qui s’est mobilisée en termes d’information notamment, ne semble pas vouloir jouer un rôle au-delà de la seule réponse à l’AMI. Au moment de notre enquête, le Hub régional (cf. Hub territoriaux pour un numérique inclusif) a initié un premier rassemblement des CnFS et des médiateurs numériques par départements pour échanger sur leurs pratiques. Il conviendra de vérifier, dans le temps, si ces actions préfigurent une forme de coordination de la part du Hub, ou si elles permettent de faire sortir certains acteurs coordinateurs".3-Le dispositif vécu depuis les structures recruteusesIl s’agit dans cette partie de rendre compte de la manière dont les structures recruteuses ont vécu le dispositif, depuis la prise de connaissance de l’AMI, jusqu’à la phase de recrutement et de formation. Il s'agit d'un niveau méso, en descendant pour ainsi dire d’un cran dans l’approche territoriale, par rapport à la partie précédente. On trouve trois types d’acteurs dans cette partie :Les acteurs coordinateurs qui ont recruté des CnFS (Métropole du territoire D, Conseil départemental du territoire A, EPT du territoire C) ;Des structures ayant recruté des CnFS (communes, centre social, associations, communauté de communes, CCAS, etc) ;Et enfin les structures accueillant un CnFS qui a été recruté par un acteur coordinateur (communauté de communes et communes de l’Agglomération du territoire A, commune de la Métropole du territoire C).Des différences fortes entre les structures recruteuses"Dans le Territoire A, les structures étaient déjà engagées et intéressées à la question de l’inclusion numérique. On note un mode de déploiement assez homogène à l’échelle des communautés de communes qui ont intégré le dispositif sous l’égide du Conseil départemental : tant au regard des règles appliquées (résidence administrative des CnFS, référent technique), que dans la conception des missions des CnFS. Dans le Territoire B, à l’inverse, on trouve une grande diversité d’acteurs, qui ont chacun une interprétation du poste de CnFS, et recrutent pour leurs besoins propres, ceux de leur structure, lorsqu’ils sont identifiés.Sur les 2 terrains du Territoire D, les structures enquêtées possédaient déjà une personne en charge de la question de l’inclusion numérique, au sens large : professionnelle et positionnée plus spécifiquement sur les enjeux liés à la recherche d’emploi dans la commune ; bénévole, et réalisant des ateliers à la demande des adhérents, dans le Centre Social.Dans le territoire E, on trouve parmi les structures recruteuses, d’une part des structures labellisées, dans lesquelles sont intégrés les CnFS, avec un enjeu de répartition des rôles avec les agents France service. D’autre part, des structures associatives qui ont leurs problématiques propres, très locales et centrées sur leurs publics. Globalement, il est d’ailleurs notable que les structures recruteuses pensent le rôle de leur CnFS à partir de leurs structures et de leurs publics ; même si, comme cela est évoqué ci-après, la notion de besoin renvoie en fait à des instances différentes.Enfin sur le territoire C, on trouve deux villes très opposées : la première possède un service structuré et intègre facilement, et rapidement, le dispositif dans sa stratégie locale ; la seconde se sert du dispositif pour amorcer une réflexion en interne, et mettre en place des actions dans les équipements municipaux".Des coordinations en cascade autour de la question de clés de répartitionDe manière intéressante, là encore, la génération de séquences d’intéressements multiples sur les territoires dotés d’un acteur coordinateur au niveau départemental "se confirme en se déclinant « en cascade », quand on l’examine au niveau méso".Plus précisément, "sur le territoire A, aux négociations autour des clés de répartition par communautés de communes orchestrée par le Conseil départemental (niveau macro), font suite à l’échelle des communautés de communes enquêtées, d’autres réunions rassemblant les acteurs du territoire concerné (communes, médiathèques, centres sociaux, etc.). Ces réunions ont pour objectif de questionner les acteurs sur leurs besoins, afin de parvenir à répartir au plus juste le temps de présence des CnFS sur les différentes communes composant la communauté de communes. Elles permettent de formaliser et de visibiliser les besoins du territoire (propositions de cartographie, de listes, etc.), et peuvent donner lieu à des explicitations des interventions ou ajustements entre structures (complémentarités). La discussion autour des clés de répartition à l’échelle intercommunales apparaît cependant régie par une logique souvent « comptable » : chaque commune participant de fait au financement des postes (puisqu’elles abondent le budget intercommunal), a tendance à demander par principe, un poste ou le maximum de temps d’intervention sur sa commune.Compte tenu du « contrat de coordination », la situation est différente sur le territoire C. La collectivité a engagé un travail sur les clés de répartition, mais celui-ci s’est davantage basé sur des chiffres (ceux disponibles des habitants en QPV), en l’absence de retours circonstanciés des villes sur leur offre existant en matière d’accompagnement numérique sur leur commune (projet de venir abonder la cartographie existante du Hub.) En revanche, la reconnaissance, formelle, du rôle d’animateur de la mission numérique à l’échelle intercommunale a donné lieu à un programme assez dense de rencontres, de formats différents : webinaires, diffusion d’outils, séminaires de réflexion sur la communication globale sur le dispositif, programmation de formations France Service, temps de rencontres entre les CnFS, etc.Il en est de même sur le Territoire D, avec la programmation d’un certain nombre de rencontres : rencontre territoriale de lancement de la démarche autour de l’AMI avec structures locales, rencontre territoriale après rendu du projet à l’ANCT, Forum de pré-recrutement, Forum Réseau n° 1, Rencontre inter-structure employeuse, Rencontre Inter-CnFS, Rencontre inter-structure employeuse n° 2, Rencontre Inter-CnFS n° 2, etc".Une triple instanciation de la notion de besoinsOn trouve par ailleurs dans les entretiens menés auprès des structures, la mention récurrente de la notion de besoins, qui s’étalonne à 3 instances différentes :"Les besoins des territoires" (communes essentiellement) en matière de temps de présence d’un(e) CnFS ;"Les besoins des services internes à une collectivité" ;"Les besoins des publics".Sur tous les territoires dotés d’un coordinateur, les besoins sont évoqués dans le cadre des clés de répartition, afin de sonder les villes/communes sur leurs besoins en termes de CnFS : tant pour calibrer le nombre de CnFS demandé à l’échelle de la collectivité, que pour assurer une répartition équilibrée selon les CC à partir d’un volume défini de CnFS par l’ANCT.Dans certains cas, le questionnement des besoins des communes peut avoir pour objectif plus spécifique de définir le périmètre des interventions des CnFS.Quelques usages d’outil de diagnostic territorialQuelques territoires ont eu recours à des outils afin d’estimer plus finement, ou sur des bases objectivées, les besoins de la population en matière d’accompagnement au numérique. Seule la Métropole du Territoire D a utilisé l’indice de fragilité numérique, pourtant disponible nationalement ; l’EPT du Territoire C s’est basé sur les chiffres des QPV pour pondérer le calcul de la distribution des CnFS par commune. Le CD du Territoire A a quant à lui utilisé sa propre cartographie des structures et lieux de médiations (médiathèques, centre social etc.).Par ailleurs, l'enquête montre que "dans l’une des communes du Territoire C, la ville met régulièrement à disposition, dans divers équipements municipaux (médiathèques, maisons de quartier), des questionnaires à direction des habitants afin de sonder leurs besoins. Le chargé de projet missionné sur l’accompagnement des CnFS a pu remarquer que les ateliers et/ou permanences mis en place laissaient de côté toute une frange de publics : les jeunes. Les actions des CnFS sont de ce point de vue suivies, et rapportées aux enjeux et axes fixés dans la stratégie locale ; rappelons que cette commune dispose d’un poste de chargé de projet comprenant le suivi de la démarche d’inclusion numérique, et que celle-ci s’insère dans un projet plus large d’amélioration de la qualité de service aux usagers. Antérieurement à la parution de l’AMI, une autre commune du Territoire A, a réalisé un diagnostic sur la question numérique, lequel a montré un retard certain en matière d’accompagnement numérique au niveau de la commune, ce qui l’a poussé à candidater au dispositif".Trois types d’appropriation du dispositifLes éléments recueillis dans le cadre de l'enquête conduisent à identifier "3 grands types d’appropriation du dispositif : ils ne sont pas exclusifs les uns des autres, et certains territoires poursuivent plusieurs logiques simultanément et traduisent le dispositif sur des modes mixtes. Ces types permettent de poser des pôles dans la manière dont les territoires utilisent et s’engagent dans le dispositif. Ils marquent par ailleurs une manière pour les acteurs de le situer et de se situer dans une dimension et une perspective temporelle : d’une part, parce que les acteurs conçoivent différemment le dispositif dans le temps ; d’autre part, parce que le dispositif s’inscrit différemment dans le développement temporel d’une stratégie numérique locale ou l’atteinte d’objectifs d’inclusion numérique dans leur structure et parfois sur le territoire".1) Un dispositif pour déployer et passer à l’échelle, lorsque le dispositif est encastré dans une stratégie antérieure, formalisée : travail préalable de préparation, et d’identification d’objectifs, déploiement d’actions opérationnelles, et/ ou outillage d’une démarche d’inclusion numérique, etc.2) Un dispositif qui permet de tester et d’expérimenter. Sur un certain nombre de terrains, généralement moins préparés ou avancés en matière d’inclusion numérique, le dispositif apparaît davantage dans une logique expérimentatrice, permettant de s’engager sur la thématique, et de la tester en interne des organisations. C’est moins en réponse aux besoins des habitants que pour engager l’organisation (une collectivité le plus souvent) sur le sujet de l’inclusion numérique. Il s’agit de « voir ce que ça donne ». Dans certains cas, la poursuite de l’action parait fortement conditionnée à la « réussite » du dispositif.3) Un dispositif d’opportunité. Enfin, pour les structures associatives en particulier, le dispositif apparaît clairement comme une opportunité. Soit que la fonction, large, de médiation numérique, était déjà assurée (généralement par un bénévole), et que le dispositif offre une opportunité de financement. Soit le dispositif rend de fait possible la reconnaissance du besoin d’accompagner leurs publics sur les dimensions numériques, parce qu’il offre une possibilité de rémunération et de formation d’une personne dédiée. Cet effet d’opportunité vaut aussi pour certaines collectivités, les communes en particulier.La formationConformément aux résultats de l'enquête quantitative, il ressort des entretiens que la formation a constitué un mauvais enrôleur du dispositif tant pour les structures recruteuses que pour les CnFS, conduisant à un certain nombre de sorties du dispositif parmi ces derniers.Un certain nombre d’éléments pourraient expliquer les difficultés à produire un modèle de formation standard, qui satisferait chacun dans la totalité des déclinaisons possibles d’un « métier de CnFS », de fait encore en voie d’émergence et de constitution : la diversité des profils de recrutement des conseiller(e)s, et de leurs connaissances et compétences numériques ; mais aussi la diversité des attendus parmi les personnes recrutées, à l’égard du contenu de cette formation ; ou encore la variété des contextes d’intervention et de définition des missions des CnFS localement. Mais cette hypothèse basée sur l'opposition entre modèle standard et diversité des interventions et des profils ne semble pas être soutenue par les propos des CnFS concernant les manques de la formation, puisqu'ils identifient clairement et unanimement les dimensions manquantes, qui constitueraient alors une partie centrale de leurs interventions.4 - Le regard des CnFS sur leur travailDans leur très grande majorité, les CnFS rencontrés apprécient le travail qu’ils effectuent : ils y trouvent ce pour quoi ils ont candidaté, une dimension de contact et d’aide des personnes en difficultés numériques.Entre utilité sociale et manque de reconnaissanceSur le territoire B, les CnFS rencontrés, et notamment ceux ayant travaillé dans des services commerciaux, expriment une satisfaction certaine vis-à-vis de leur travail, associée à une impression d’utilité sociale qui tranche avec ce qu’ils faisaient auparavant (verbatims tirés de l’enquête) :« J’ai eu une personne avec une mutuelle, qui avait une option qu’il fallait retirer dans son abonnement. Une personne qui était chez EDF, et qui payait 87 euros par mois. Toutes ces personnes fragiles. Je le sais, car quand j’étais dans la vente, tous mes objectifs, je le faisais sur les personnes les plus pauvres. Donc c’est intéressant de pouvoir les défendre ». (CnFS, collectivité).« J’en ai entendu parler aux infos sur M6 [du recrutement de CnFS] et j’ai postulé sur le site Internet. Je me suis dit que c’était intéressant, j’ai travaillé dans la téléphonie, service client, mon boulot ce n’était pas de renseigner, c’était de vendre, peu importe que les gens comprennent ou pas ce qu’ils venaient d’acheter. Je me suis dit que c’était exactement ce qui manquait, et avec le premier confinement, on voyait que toutes les personnes qui n’ont pas l’habitude d’aller sur internet, qui se retrouvaient obligées d’y aller. J’avais une proposition de CDI. Mais j’ai préféré ce poste. Je voyais tellement les questions des gens, et on nous demandait de ne surtout pas y répondre, de se concentrer sur la vente ». (CnFS collectivité).On retrouve le même sentiment dans l’une des communes du Territoire C, où l’un des CnFS, qui travaillait auparavant pour une plateforme téléphonique d’assistance et de dépannage d’ordinateurs, a vu dans le poste l’opportunité de sortir d’une dimension marchande, et de pouvoir rencontrer les publics à accompagner. La dimension d’aide constitue, chez tous les CnFS interviewés, un facteur positif d’enrôlement à leur poste. Comme le dit C :« On est quand même des gens qui veulent aider les autres, je veux dire, les gens qui font ce métier-là, ce n’est pas pour gagner de l’argent, ce n’est pas qu’on a envie d’avoir une carrière de ouf, c’est pour aider les autres ». (CnFS, Territoire C)Certains CnFS expriment déjà, peu de temps après leur prise de poste, une forme d’attachement à leur « métier » et appellent à ce qu’il soit soutenu, au regard des besoins auxquels il répond :« CnFS 1 : pour toutes les personnes qu’on accompagne, c’est une question, vous êtes là dans deux ans, mais pour la suite ? Et après, si ça peut continuer, ça serait bien, moi j’aime mon métier.CnFS 2 : moi aussi, et s’il n’y a pas ce travail, je pense que je partirai de (département), c’est le seul boulot qui me fait rester.CnFS 1 : je pense que c’est un boulot qui ne peut pas s’arrêter. Des personnes sont perdues, ne serait-ce qu’avec la mise à jour des systèmes d’exploitation. Les interfaces changent ».Si tous les CnFS partagent le sentiment que la place qu’ils occupent correspond à un véritable besoin, certains considèrent en revanche que le travail n’est pas assez reconnu, notamment sur le plan financier : les conditions de reconnaissance salariale sont parfois jugées insatisfaisantes.« Pour moi, le dispositif doit se pérenniser parce qu’il y a des besoins. Après, personnellement, continuer après deux ans, oui, mais si la gestion est mieux faite et avec des conditions salariales qui seraient autres. Moi, c’est quelque chose qui me plaît parce qu’avec les usagers, j’aime bien le contact ». (CnFS, Collectivité Territoire A).
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