Introduction
Contexte et objectifs
Les acteurs publics bénéficient depuis plusieurs années de ressources facilitant et accompagnant la sécurisation de solutions basées sur des logiciels libres dans le cadre de la passation de marchés publics. Il peut s'agir de clauses sur-mesure venant préciser ou déroger au Cahier des Clauses Administratives Générales, ou de bonnes pratiques à mettre en œuvre avant, pendant et après la passation du marché, comme par exemple le choix d'une clause de cession de droits d'auteur. Cet accompagnement est pour partie réalisé par la Mission Appui au patrimoine immatériel de l'État.
Au fur et à mesure du recours aux logiciels libres, on observe un besoin croissant de ces acteurs à aller au-delà en définissant et implémentant une stratégie numérique qui vise l'émergence, la maintenance et la pérennisation dans une logique de commun numérique. Concrètement, il s'agit à la fois d’impliquer les citoyens et acteurs économiques dans la démarche, mais également d’encourager la mutualisation entre acteurs publics et privés.
Enjeux
Il s'agit de compléter les ressources existantes (notamment le Tutoriel aux communs numériques) avec une approche des marchés publics spécifique aux Communs numériques, dans l'esprit des clauses génériques utilisables en matière de logiciels libres. L'objectif est de donner aux acteurs publics les éléments leur permettant de comprendre et intégrer tout ce qui assurera le développement et la pérennité des Communs numériques par les prestataires retenus dans le cadre de marchés publics (et de partager certains standards permettant d’atteindre ces objectifs).
Référence :
Problématique & Méthodologie
Cette publication vise à sensibiliser les acteurs publics adjudicateurs de marchés publics sur les bonnes pratiques juridiques, techniques et organisationnelles à intégrer au marché afin d’y sécuriser le recours aux Communs numériques. Elle s'appuie notamment sur la reconnaissance par le juge des libertés que confère aux administrations l'appel à des logiciels libres en termes de droit de la concurrence (voir billet Marchés publics, Open Source et communs numériques), permettant d'explorer plus avant les autres enjeux et problématiques auxquelles sont confrontés les acteurs publics désireux de recourir à des Communs numériques dans le cadre de marchés publics. Parallèlement, elle dépasse le cadre d'une simple étude théorique afin de proposer un contenu pratique activable directement et facilement par les acteurs de terrain.
Pour ce faire, la publication propose différentes clauses venant déroger ou compléter le CCAG-TIC (dans sa dernière version en date du 30 mars 2021) en sa partie concernant les marchés publics portant sur la fourniture de logiciels, afin de l’adapter au contexte et aux enjeux particuliers des Communs numériques.
Cette publication constitue une première itération d’un travail qui sera amené à évoluer en fonction des retours des acteurs publics qui la mobiliseront dans la passation de marché public.
Sommaire
Cet article se structure autour de 6 enjeux :
- Définition des termes spécifiques employés
- Gestion des contributions antérieures
- Structuration de la gouvernance
- Encadrement de la redistribution
- Gestion de l’interfaçage du marché avec un cadre juridique préexistant
- Encadrement de la réversibilité
Pour chaque enjeu, après avoir exposé son importance à être traité dès la rédaction du marché, des solutions permettant d’y répondre au mieux seront proposées.
1 - Définition des termes spécifiques employés
Enjeux
Afin de s’adapter au contexte et aux enjeux propres au développement de Communs numériques, le marché public proposé par l’acteur public désireux de s’inscrire dans une telle dynamique va devoir déroger au Cahier des clauses administratives générales applicables sur un certain nombre de points (les réflexions qui suivent s'appuient principalement sur le CCAG-TIC).
Si certaines modalités reprennent celles déjà éprouvées dans le contexte du recours aux logiciels libres dans le cadre d’un tel marché, d’autres modalités proposées par la suite par la présente note sont spécifiques aux problématiques et enjeux des communs numériques et ne bénéficient pas d’un tel recul quant à leur mobilisation pratique dans le cadre de la rédaction d’un marché public. De ce fait, il importe en préalable à tout marché public dont l’objectif est le recours à des Communs numériques de bien définir les termes qui seront mobilisés par la suite dans la rédaction des clauses dérogatoires au CCAG-TIC, afin d’assurer la sécurité juridique de l’ensemble pour les parties-prenantes.
Dans ce but, plusieurs termes peuvent utilement bénéficier d’une définition complétée et adaptée au contexte du recours aux Communs numériques dans le cadre d’un marché public.
Propositions de solutions
Dans le préambule
Afin d’adapter le CCAG-TIC aux conditions d’un marché portant sur le développement d’un commun numérique, il conviendra à la fois de compléter le préambule afin de préciser cet objectif, et d’enrichir les définitions standards proposées.
Proposition de clause | Commentaire |
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« L’objet du marché est la réalisation d’un Commun numérique qui fera l’objet d’une mutualisation par le Pouvoir adjudicateur sous une ou plusieurs Licence(s) de logiciel libre, ainsi que d’une gouvernance démocratique et ouverte à tout acteur intéressé. La ou les Licence(s) libre(s) sous laquelle l’administration envisage de mettre à disposition le logiciel, ainsi que les modalités de gouvernance du Commun numérique sont clairement indiquées et annexées au marché afin de cadrer précisément l’exercice. » | Du fait de la spécificité du marché, le préambule revêt une importance toute particulière, puisqu’il va permettre de rappeler le contexte dans lequel s’inscrit l’appel d’offres, mais également de définir ce qu’est un commun numérique. Ainsi, il est conseillé d’insérer un paragraphe rappelant l’objectif poursuivi par le marché . |
Définitions
Le recours à des standards est facteur de sécurité juridique. C’est pourquoi les définitions proposées ci-après sont issues du Guide « Achats informatiques et propriété intellectuelle » , à l’exception de celle de Licence libre – issue des Conseils à la rédaction de clauses de propriété intellectuelle pour les marchés de développement et de maintenance de logiciels libres –, et celle de Communs numériques – suggérée à partir des différentes définitions récurrentes de la notion.
Termes | Définitions |
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Commun numérique | « Un commun numérique se définit comme une ressource numérique développée et maintenue par une communauté d’acteurs selon des règles de gouvernance définies démocratiquement au sein de la communauté. » |
Licence libre | « Une licence libre est un contrat d’adhésion par lequel l’auteur du logiciel concède à titre non exclusif à des tiers tout ou partie de la jouissance de ses droits patrimoniaux, en permettant, sous conditions éventuelles prévues dans la Licence, au moins l’exercice des quatre libertés suivantes : d’utiliser, de copier, de modifier et de diffuser les modifications. » |
Résultats | « Éléments réalisés dans le cadre du marché par le Titulaire pour répondre aux besoins de la personne publique tels que notamment des codes sources nouveaux, de la documentation et des paramétrages. » |
Connaissances antérieures | « Éléments réalisés dans un cadre extérieur au marché et qui appartiennent selon les cas à la personne publique, au Titulaire ou à des tiers, tels notamment que des codes sources extérieurs, de la documentation et des paramétrages. » |
Codes sources extérieurs | « Développements informatiques réalisés dans un cadre extérieur au marché utilisé par le Titulaire pour réaliser l’application et qui ne sont pas des composants logiciels. Ils sont dits dissociables lorsqu’ils sont séparables techniquement du code source nouveau, c’est-à-dire que les codes sources extérieurs et nouveaux figurent dans des documents et fichiers sources distincts, et indissociables lorsque ce n’est pas le cas, c’est-à-dire que les codes sources extérieurs et nouveaux figurent dans des documents et fichiers sources non distincts. » |
Codes Sources propriétaires | Développements informatiques utilisés par le Titulaire pour réaliser le projet et dont les droits sont détenus par un tiers. |
Codes Sources Open Source | Développements informatiques qui sont en open source utilisées par le Titulaire pour réaliser l’application dont les droits sont concédés par son auteur à titre non exclusif à tout tiers, en permettant, sous conditions éventuelles prévues dans la licence, au moins l’exercice des quatre libertés suivantes : utiliser, étudier, modifier et diffuser, y compris commercialement. Le site https://spdx.org/licenses/ référence toutes les licences répondant à cette définition, car conformes aux critères établis par la Free Software Foundation (http://www.fsf.org) ou/et aux principes définis par l’Open Source Initiative (https://opensource.org/). |
Documentation | La documentation désigne le descriptif détaillé des environnements techniques matériels et logiciels de développement, d’intégration et, le cas échéant, de fonctionnement ainsi que les documentations techniques de développement et de maintenance correspondantes ; les procédures de fabrication/intégration du résultat depuis l’installation de l’environnement de développement et d’intégration, la lecture, le chargement, les opérations de compression/décompression des supports fournis ainsi que la compilation des sources déposées, l’intégration, jusqu’à la production d’une version livrable ;le cas échéant, les outils nécessaires au développement et à la compilation ainsi que le système d’exploitation compatible avec les codes sources du résultat ;la documentation de conception et les documentations techniques associées telles que les dossiers techniques de conception, les dossiers d’études techniques, les dossiers de spécifications les schémas de base de données, modèles conceptuels et physiques de données ; les dossiers d’études techniques, de paramétrage, d’installation, de configuration, d’exploitation et de maintenance ;les standards de programmation et de documentation, les dossiers et plans de test ; la documentation préalable à la conception des logiciels telle que notamment le cahier des charges et le document de présentation des besoins standards liés à l’utilisation des logiciels ; la documentation d’utilisation (manuel de l’utilisateur, aide en ligne) ; la documentation d’utilisation (manuel de l’utilisateur, aide en ligne) ;De manière générale tout élément permettant à la personne publique d’utiliser, d’exploiter le résultat ainsi que de maintenir le résultat, seul ou par le biais d’un tiers prestataire. |
2 - Encadrer les modalités de partage des différents Résultats
Enjeux
Plus encore que lorsque des logiciels libres sont mobilisés, la constitution d’une réponse à un marché public par le développement d’un Commun numérique implique une gestion rigoureuse de la propriété intellectuelle des ressources mobilisées. En effet, les notions de Commun numérique et de Logiciel libre ne sont pas équivalentes et ne peuvent être confondues. La principale différence réside dans le fait qu’un commun suppose une gouvernance collective et démocratique de la ressource par la communauté de ses contributeurs et utilisateurs, en plus du respect de la licence sous laquelle est partagée la ressource, à l’instar du logiciel libre.
Dès lors, il importe de bien délimiter quels Résultats relèveront du Commun numérique, du partage sous Licence libre ou du modèle propriétaire le plus en amont possible dans l’élaboration du marché, afin de faciliter la gestion des droits de propriété intellectuelle attachés, et notamment des Connaissances antérieures mobilisées ; mais également de soutenir le choix des licences à appliquer à chaque module en fonction de la compatibilité souhaitée entre eux ; et enfin de rendre le projet final le plus lisible possible pour les tiers de façon à faciliter les réutilisations et contributions.
Le critère de distinction pourra être la finalité générique ou spécifique des développements :
→ finalité générique : mutualisation comme Commun numérique et portage fort par la communauté concernée ;
→ finalité spécifique : partage sous Licence libre afin de permettre une mutualisation ;
→ impératif technique, juridique ou économique : format propriétaire avec une vraie prise en compte des enjeux d'interopérabilité.
Propositions de clauses standardisées et de bonnes pratiques additionnelles
Une bonne pratique à adopter dans cette situation est d’apporter un soin particulier au choix des licences sous lesquelles les ressources seront soumises par la suite ; mais également d’adapter la clause de propriété intellectuelle du marché.
Choisir des licences adaptées
Compte-tenu de la diversité des modalités de partage des Résultats, et de la nécessité d’en assurer la compatibilité entre-eux dans le cadre du projet, il importe de choisir, pour chaque modalité de partage (Logiciel libre, Commun numérique, logiciel propriétaire) des licences compatibles entre elles.
Afin de s’assurer de la bonne compatibilité des licences entre elles, vous pouvez consulter un tableau de compatibilité entre licences, et prendre contact avec votre direction juridique.
Clause | Explications |
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« Afin de répondre aux objectifs de diffusion et mutualisation, le Titulaire s’engage à céder ses droits sur les Résultats selon des modalités compatibles avec l’objectif de constitution d’un commun numérique du Pouvoir adjudicateur. Ces modalités sont détaillées ci-après » | Une importance toute particulière devra être portée à la rédaction de la clause de propriété intellectuelle du marché, afin de rappeler l’objectif de mutualisation poursuivi ; de rappeler que la mutualisation est le principe et que tout développement propriétaire devra être justifiée ; mais également de cloisonner les portefeuilles de droits de propriété intellectuelle relatifs au projet. |
Proposition de clause | Commentaire | |
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Résultats | Connaissances antérieures | |
Dans le cadre du présent marché, les dispositions de l’article 46 du CCAG-TIC 2021 sont applicables et font partie intégrantes du présent marché. Le Titulaire accorde au titre du présent article à l'Acheteur, les droits nécessaires pour utiliser ou faire utiliser les Résultats, en l'état ou modifiés, de façon permanente ou temporaire, en tout ou partie, par tout moyen et sous toutes formes, pour les besoins et finalités d'utilisation exprimés dans les documents particuliers du marché et en toute hypothèse pour les besoins d'utilisation découlant de l'objet des prestations commandées dans le cadre du marché. Pour les Résultats qui sont des logiciels, les besoins d'utilisation comprennent en outre, la possibilité de rétrocéder tout droit à tout tiers à quelque titre que ce soit, et à quelques conditions que soit, ainsi que la possibilité de pouvoir les diffuser sous une licence libre/open source. Cette cession a pour objet de permettre à l’Acheteur de distribuer notamment auprès de tiers les Résultats sous le régime de la licence attachée au Projet. La cession prévue par l’article 46.1.1 du CCAG-TIC se fera à titre exclusif au profit due l’Acheteur. | Si dans le cadre du marché, le Titulaire fait appel à des Connaissances antérieures telles que définies par l’article 43.2 du CCAG-TIC, il s’engage à ne pas utiliser de Connaissances antérieures qui sont soumises à une licence ou à des conditions incompatibles avec une diffusion selon la licence attachée au Projet. Le Titulaire doit faire en sorte que les Connaissances antérieures soient parfaitement dissociables (c’est-à-dire indépendantes et séparables) techniquement du Projet, ce qui inclut notamment qu’elles figurent dans des documents et fichiers sources distincts. Dans l’hypothèse où les Connaissances antérieures seraient indissociables du Projet, par dérogation à l’article 44 du CCAG-TIC, le Titulaire cède à titre non exclusif à l’Acheteur les droits mentionnés aux articles L.122-1 et suivants et L. 122-6 du code de la propriété intellectuelle dans les mêmes conditions que pour les Codes Sources nouveaux. | La cession exclusive des droits sur les Résultats est nécessaire afin de permettre à l’Acheteur de jouer le rôle de tiers de confiance lors de l’initiation du Commun et la structuration de la communauté autour. Le caractère exclusif de la cession pourra être limité à cette phase d’initiation ; voir il sera possible de convenir d'une licence non exclusive aussi, le but était seulement de s'assurer, au moment du lancement du projet, une direction unique. |
Proposition de clause | Commentaire | |
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Résultats | Connaissances antérieures | |
Dans le cadre du présent marché, les dispositions de l’article 46 CCAG-TIC 2021 sont applicables et font partie intégrantes du présent marché.Le Titulaire accorde au titre du présent article à l'Acheteur, les droits nécessaires pour utiliser ou faire utiliser les Résultats, en l'état ou modifiés, de façon permanente ou temporaire, en tout ou partie, par tout moyen et sous toutes formes, pour les besoins et finalités d'utilisation exprimés dans les documents particuliers du marché et en toute hypothèse pour les besoins d'utilisation découlant de l'objet des prestations commandées dans le cadre du marché.Les besoins d'utilisation de l'Acheteur comprennent le droit de :publier et utiliser les résultats consistant en des documents préparatoires, tels que plans, études préalables ou spécifications, pour la mise en œuvre des besoins auxquels ils répondent ;évaluer ou faire évaluer par tout tiers à tout moment les résultats ;pouvoir procéder aux opérations d'archivage public ;permettre à tout service au sein de la même personne morale que l'Acheteur de pouvoir utiliser les résultats dans les mêmes conditions et finalités d'utilisation ;assurer ou faire assurer par tout tiers l'évolution de tous résultats, en ce compris réaliser ou faire réaliser par tout tiers, la maintenance (corrective, préventive, adaptative et évolutive) des résultats consistant en des logiciels ;transférer les droits sur les résultats à tout tiers bénéficiaire d'un transfert de compétences de l'Acheteur.Pour les Résultats qui sont des logiciels, les besoins d'utilisation comprennent en outre, la possibilité de rétrocéder tout droit à tout tiers à quelque titre que ce soit, et à quelques conditions que soit, ainsi que la possibilité de pouvoir les diffuser sous une licence libre/open source.Ainsi cette cession se fera selon des modalités assurant la compatibilité des Résultats avec la licence attachée au Projet. | Si dans le cadre du marché, le Titulaire fait appel à des Connaissances antérieures telles que définies par l’article 43.2 du CCAG-TIC, il s’engage à ne pas utiliser de Connaissances antérieures qui sont soumises à une licence ou à des conditions incompatibles avec une diffusion selon la icence attachée au Projet..Le Titulaire doit faire en sorte que les Connaissances antérieures soient parfaitement dissociables (c’est-à-dire indépendantes et séparables) techniquement du Projet, ce qui inclut notamment qu’elles figurent dans des documents et fichiers sources distincts. Dans l’hypothèse où les Connaissances antérieures seraient indissociables du Projet, par dérogation à l’article 44 du CCAG-TIC, le Titulaire cède à titre non exclusif à l’Acheteur les droits mentionnés aux articles L.122-1 et suivants et L. 122-6 du code de la propriété intellectuelle dans les mêmes conditions que pour les Codes Sources nouveaux.Le Titulaire s’engage à ce que les Codes Sources nouveaux puissent être diffusés sous une licence ou à des conditions qui sont compatibles avec la diffusion sous la licence attachée au Projet..Par exception, le Titulaire peut néanmoins prévoir d’exclure en tout ou partie certains Codes Sources nouveaux de cette diffusion Open Source s’il justifie de considérations techniques, juridiques ou économiques précises et qu’une telle mise en œuvre ne constitue pas un obstacle ni ne porte de préjudice à la réversibilité du projet. Cette exception au principe doit être clairement exprimée et argumentée dès la remise de l’offre du Titulaire, le régime Open Source s’appliquant par défaut à tous les Codes sources nouveaux.En tout état de cause, le Titulaire concédera à l’Acheteur une licence sur les interfaces logicielles utilisées au sein des Codes Sources nouveaux dans une mesure nécessaire pour permettre leur réutilisation dans le cadre d’une substitution ou en cas d’adaptation de tout ou partie du Projet par l’Acheteur ou d’un prestataire missionné par lui. | La cession des droits sur les Résultats est nécessaire afin de permettre à l’Acheteur de mutualiser ceux-ci au sein du Commun ; mais le caractère exclusif ne se justifie pas du point de vue stratégique. |
Clause | Commentaire | |
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« Le Titulaire peut prévoir d’exclure en tout ou partie certains Codes Sources nouveaux de la diffusion sous Licence libre s’il justifie de considérations techniques, juridiques ou économiques précises et qu’une telle mise en œuvre ne constitue pas un obstacle ni ne porte de préjudice à la réversibilité du projet. Cette exception au principe doit être clairement exprimée et argumentée dès la remise de l’offre du Titulaire, la Licence libre s’appliquant par défaut à tous les Codes sources nouveaux.Le Titulaire peut prévoir que certaines Connaissances antérieures, dissociables ou non, ne soient pas des Codes Sources Open Source s’il justifie de considérations techniques, juridiques ou économiques précises et qu’une telle mise en œuvre ne constitue pas un obstacle ni ne porte de préjudice à la réversibilité du projet. Cette exception au principe doit être clairement exprimée et argumentée dès la remise de l’offre du Titulaire. » | Le principe exposé dans le préambule et dans la clause de propriété intellectuelle étant la mutualisation des Résultats, tout développement propriétaire devra être justifié. | |
3 - Anticiper la gestion des Connaissances antérieures
Enjeux
La constitution, le développement et la pérennité d’un Commun numérique reposent sur les contributions de ses utilisateurs, et donc le plus souvent sur une politique de gestion de la propriété intellectuelle qui suppose un partage dans les mêmes conditions des développements qui seraient produits sur la base de la ressource mise en commun.
Ainsi, il importe d’avoir une bonne vision d’ensemble des licences attachées aux Connaissances antérieures mobilisées par le prestataire dans l’élaboration de sa réponse au marché, afin d’une part de s’assurer de la compatibilité des licences des composants réutilisés avec les conditions de partage envisagées ; et d’autre part d’assurer une traçabilité dans la gestion des droits de propriété intellectuelle attachés au Commun numérique.
Propositions de clauses standardisées et de bonnes pratiques additionnelles
Bonnes pratiques
S’assurer de la compatibilité des licences régissant les Connaissances antérieures avec les conditions de partage du Commun numérique telles que souhaitées par l’acteur public est essentiel afin d’éviter tout conflit de licence qui pourrait conduire à un litige et nuire à l’acteur public.
Cette étape suppose au préalable d’avoir une vision claire et précise des conditions de partage de chaque composant du Commun numérique (cf. Encadrer les modalités de partage des différents Résultats)
Afin de sécuriser la compatibilité des licences des Connaissances antérieures avec les objectifs de mutualisation du commun, plusieurs actions peuvent être menées :
→ sensibiliser en interne au fonctionnement des Licences libres ;
→ mettre en place un label pour les licences conformes aux objectifs du marché ;
→ nommer un référent sur ces questions ;
→ envisager la mise en place d'un Developer Certificate of Origin (DCO), voir d'un Contributor License Agreement (CLA), pour s’assurer de la paternité des Connaissances antérieures.
Suggestions de clauses
Concernant l’adaptation du marché public à ces enjeux particuliers, plusieurs clauses doivent êtres considérées.
Proposition de clause | Commentaire |
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« Par dérogation au CCAG-TIC, son article 36.7 ne sera pas appliqué. » | L’article 36.7 du CCAG-TIC stipule que « Les logiciels libres sont utilisés en l'état. Le Titulaire n'est pas responsable des dommages qui pourraient être causés par l'utilisation, par l’Acheteur, de logiciels libres dont il n'est pas l'éditeur». Il est donc indispensable d’y déroger dans le cadre d’un marché public dont l’objet est l’utilisation et le développement de logiciels libres. Le Titulaire du marché doit en effet garantir l’Acheteur si des composants sous licence libre sont intégrés au logiciel développé. |
Proposition de clause | Commentaire |
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« Si dans le cadre du marché, le Titulaire du marché met en œuvre des logiciels qui peuvent recevoir la qualification de connaissances antérieures au sens de l’article 43.2 du CCAG-TIC, il s’engage à ne pas utiliser de connaissances antérieures qui sont soumises à une licence ou à des conditions qui ne sont pas compatibles avec les objectifs de mutualisation du projet. Le Titulaire du marché doit faire en sorte que les connaissances antérieures soient parfaitement séparables techniquement du Logiciel, c’est-à-dire qu’elles figurent dans des documents et fichiers sources distincts. Dans l’hypothèse où les connaissances antérieures seraient indissociables du Logiciel, par dérogation à l’article 44 du CCAG-TIC, le Titulaire du marché cède à titre non exclusif au pouvoir adjudicateur les droits mentionnés aux articles L.122-1 et suivants et L. 122-6 du code de la propriété intellectuelle à savoir notamment :le droit de reproduction et d’utilisation pour quelque usage que ce soit, par quelque procédé que ce soit, sur tout support actuel ou futur et ce sans limitation de nombre tel que notamment papier, magnétique, optique, vidéographique ou autre, pour toute exploitation, y compris en réseau ;le droit de représentation et de diffusion, de quelque façon que ce soit, sur quelque support, réseau que ce soit, édition ;le droit d’adaptation, de traduction en toute langue ou langage, le droit de corriger de faire évoluer, de réaliser de nouvelles versions ou de nouveaux développements, de maintenir, décompiler, modifier, assembler, transcrire ;le droit de distribution à des tiers pour être réutilisés.Cette cession des droits sur les logiciels qualifiés de connaissances antérieures est effective tant pour la France que pour l’étranger et pour toute la durée de protection desdits logiciels par le droit d’auteur.Cette cession permet à l’Acheteur de mettre à disposition des tiers le Logiciel sous le régime de la Licence.Les codes sources des logiciels qui peuvent recevoir la qualification de connaissances antérieures indissociables ainsi que la documentation nécessaire à la mise en œuvre des droits sur ces logiciels (le cahier des charges tel que le document de présentation des besoins standards liés à l’utilisation du logiciel), la documentation d’utilisation (manuel de l’utilisateur, aide en ligne), sont livrés simultanément à la remise du code objet (code exécutable). » | Cette cession de droits est nécessaire afin de sécuriser le partage des Résultats sous licence libre par la suite |
Proposition de clause | Commentaire |
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« Le Titulaire s’engage à livrer à l’Acheteur les Résultats selon les modalités prévues au fur et à mesure de leur création. Ces livraisons devront s’accompagner de la fourniture de la liste des Codes Sources, des composants logiciels et de la Documentation utilisés, accompagnés de leur régime juridique.Le non-respect des droits de propriété intellectuelle de tiers par le Titulaire, notamment dans le cas de mise en œuvre de Connaissances antérieures (y compris le non-respect de licences de Codes Sources Open Source) constitue un motif de non-conformité de la livraison. Pour le cas où un livrable comporte des Codes Sources Open Source, en aucun cas l’acceptation par l’Acheteur ne peut diminuer les engagements et garanties du Titulaire. Il revient donc au Titulaire de mettre tout en œuvre pour assurer le bon respect des licences et de garantir le Pouvoir adjudicateur du respect de ces conditions pendant la durée de la propriété intellectuelle applicable. » | Il conviendra également de prévoir une livraison des résultats au fur et à mesure, afin de pouvoir s’assurer progressivement de la compatibilité des licences des connaissances antérieures mobilisées dans leur élaboration. |
Proposition de clause | Commentaire |
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« Le Titulaire s’engage à reverser les Résultats aux projets constituant des Connaissances antérieures afin de contribuer au développement et au maintien de celles-ci, indépendamment des obligations fixées par la Licence libre sous laquelle sont partagées les Connaissances antérieures. » | Enfin, le marché devra prévoir la contribution par le Titulaire des Résultats aux Connaissances antérieures mobilisées, afin de contribuer au développement et au maintien de celles-ci. |
4 - Structurer la gouvernance
Enjeux
La constitution d’un Commun numérique, à la différence du développement d’un Logiciel libre, suppose une coopération accrue des différentes parties-prenantes intéressées au développement de la ressource au centre du commun. Cette coopération passe notamment par une gouvernance partagée et démocratique de la ressource, qui nécessite un minimum de structuration. Une telle structuration permet en effet d’accroître la transparence quant à la gestion du projet et donc d’augmenter la confiance mutuelle des parties-prenantes. Par ailleurs, une gouvernance structurée autour d’une ressource est un facteur de confiance dans le projet ainsi porté, et favorise l’utilisation et la contribution par des acteurs tiers, qui seront par la suite plus enclins à prendre part au développement et au maintien du commun via une implication accrue dans sa gouvernance.
Propositions de clauses standardisées et de bonnes pratiques additionnelles
Bonnes pratiques
Il sera intéressant d’adopter une charte de collaboration spécifique aux développements mutualisés sous la forme de Communs numériques, qui définit notamment les rôles et droits des différentes parties prenantes.
→Tutoriel aux communs numériques
→Charte Federation. Dans certains cas, la charte de collaboration pourra être complétée par la mise en place d’une structure juridique venant structurer la gouvernance du projet
Suggestions de clauses
Enjeux | Clause | Commentaire |
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Mettre en place une gouvernance ouverte et démocratique | « Les Logiciel(s) Libre(s) principaux et nécessaires à la bonne conduite du marché doivent être soumis à une gouvernance partagée répartie entre une pluralité d’acteurs. De même, la mise en œuvre des résultats du marché ne devra pas dépendre d’un seul acteur. Le prestataire apportera la preuve par tous moyens (à cet égard, l’implication dans la gouvernance d’une fondation Open Source constitue un élément de preuve significatif). » | Il est important que la gouvernance du projet soit partagée de telle sorte qu’il n’y ait pas de rupture de concurrence entre les acteurs susceptibles de répondre au marché. Ainsi, tout acteur doit pouvoir bénéficier et contribuer à la solution si le souhaite, dans des conditions similaires aux autres contributeurs du projet (c’est-à-dire sans « prime à l’entrée » pour les contributeurs historiques).Une telle gouvernance peut être assurée par la formalisation d’une politique de contribution spécifique au projet qui sera idéalement appliquée par une organisation tierce neutre, susceptible d’orchestrer les relations entre tous les contributeurs.Une gouvernance claire doit être formalisée afin d’assurer que les prises de décision soient réalisées au regard de facteurs objectifs tels que la contribution financière et humaine dans le projet (par un organe tiers comme la Fondation Linux ou la Fondation Eclipse, ou une organisation spécifique). |
Spécifier les outils utilisés dans la gestion du code | « Le Titulaire s’engage à préciser dans la Documentation les outils utilisés dans le développement et la gestion du code source du Projet. » | Il est recommandé d’exiger du Titulaire qu’il spécifie les outils utilisés dans la gestion du code, afin de faciliter la contribution d’acteurs tiers au d”développement et maintien de ce dernier, une fois constitué en commun. |
Mettre en place un wiki | « Le Titulaire s’engage à tenir à disposition de tout acteur intéressé un wiki regroupant toutes les informations utiles et nécessaire à la contribution aux développements du Projet constitués en commun numérique, ainsi qu’à l’implication dans la gouvernance du commun numérique. » | Il pourra être utile de requérir la création d’un wiki regroupant toutes les informations utiles à l’implication d’acteurs extérieurs au développement et au maintien du commun numérique. |
5 - Gérer l’interfaçage du marché avec un cadre juridique préexistant
Les Communs numériques se caractérisent notamment par les cadres de collaboration relatifs à l'utilisation et la maintenance de leurs ressources. Ainsi, il est nécessaire de s'assurer que les contributions réalisées dans le cadre du marché soient conformes à ce cadre, au risque sinon de ne pas être acceptées et maintenues par la communauté. Inversement, le respect de ce cadre est un prérequis pour que les développements réalisés dans le cadre du marché puissent effectivement être utiles à la communauté qui souhaite pouvoir bénéficier de telles contributions. Plus globalement, imposer spécifiquement le respect de ce cadre de collaboration est une solution optimale pour permettre à différents acteurs -- publics comme privés -- de mutualiser leurs investissements.
Ainsi, pour chaque commun considéré, il pourra être étudié l'ajout de l'obligation pour l'attributaire de se conformer aux cadres de collaboration relatifs aux ressources utilisées.
6 - Prévoir la réversibilité
Enjeux
La réversibilité, dans un contexte de marché public de développement informatique, désigne la faculté du pouvoir adjudicateur de pouvoir récupérer, à la cessation du contrat, toutes les données et la Documentation liée nécessaires à la continuité de l’exploitation des développements objets du marché, en interne ou via la passation d’un nouveau marché. Dans le cadre d’un développement de ressources sous Licence libre, la réversibilité désigne également la faculté pour le pouvoir adjudicateur de faire évoluer la politique open source appliquée à ces développements. Elle peut être facilitée et sécurisée par l'ajout de clauses spécifiques.
Suggestions de clauses
Clause | Commentaire |
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« Le Titulaire devra communiquer au Pouvoir adjudicateur toutes informations destinées à lui permettre de reprendre ou de faire reprendre le développement et le maintien du Projet, et notamment :le référentiel applicatif (logiciel et documentaire), dont un état de configuration ;les spécifications relatives aux interfaces logicielles utilisées par les Connaissances antérieures afin de permettre leur réutilisation dans le cadre d’une substitution ou en cas d’adaptation de tout ou partie du Projet par le Pouvoir adjudicateur ou un prestataire missionné par lui ;les contrats portant sur les Connaissances antérieures utilisées dans le SI, la documentation nécessaire, les bases de données, les fichiers, les scénarios de recette, jeux d’essais, documentation et tout autre élément utile au titre de cette réversibilité ;le transfert des droits que détient le Titulaire sur les résultats nécessaires à la réversibilité et à la transférabilité, sans frais nécessaires ;toutes les documentations de maintenance et d’exploitation, les rapports d’activité et d’exploitation ;toutes les données du Pouvoir adjudicateur qui devront être supprimées des systèmes du Titulaire qui devra les transférer àau Pouvoir adjudicateur sur un support préalablement défini ;les documents de suivi (registre des incidents, risques, plannings, tableaux de bord, etc.), de toutes les actions de maintenance, au minimum au format électronique (dump des bases de données, etc.) et le cas échéant au format “papier” ;les procédures et/ou scripts développés dans le cadre du projet ;la base de connaissances développée dans le cadre de l’assistance ;participer à une réunion de clôture avec un bilan finalisé détaillé et argumenté présentant les risques identifiés de reprise des prestations de TMA ;fournir dans le mois qui suit la fin de la période de réversibilité un document formel, émis par l’officier de sécurité des systèmes d’information (OSSI) du Titulaire, certifiant la destruction des données ou du support physique de stockage des données.et, plus généralement, livrer tout document et/ou élément qui aurait été mis à sa disposition par le Pouvoir adjudicateur.Le Titulaire s’engage à ne pas en conserver de copies si le Pouvoir adjudicateur. a donné au Titulaire l’instruction écrite de les effacer ou de les détruire. » | La rédaction d’une clause de réversibilité au sein du marché public est ainsi indispensable, et pourra être utilement soutenue par d’autres mesures à exiger du Titulaire. |
Clause | Commentaire |
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« Les différents éléments devront être partagés par le Titulaire sous une licence libre adaptée à un partage et/ou une mutualisation des développements constitués en logiciels libres et/ou communs numériques. » | Le choix de la licence doit permettre un partage et garantir une reprise en main par un prestataire tiers par la suite, condition sine qua non de l'effectivité de la réversibilité. |
Clause | Commentaire |
« Le Titulaire s’engage à partager les données nécessaires à la réversibilité du Projet en ayant recours à des Standards ouverts.Selon la définition promue par la Free Software Foundation, est entendu par Standard Ouvert un format ou protocole qui est :sujet à la pleine appréciation du public, libre de toute contrainte d’utilisation et accessible sans discrimination à toutes les parties ;dénué de tout composant ou extension dépendant de formats ou protocoles qui ne répondent pas eux-mêmes à la définition d’un Standard Ouvert ;affranchi de toute clause légale ou technique qui limite son utilisation pour un utilisateur donné ou une situation commerciale donnée ;administré et développé indépendamment de tout fournisseur dans un processus ouvert, sans discrimination à la participation des concurrents et des tierces parties ;disponible sous différentes implémentations complètes réalisées par des fournisseurs concurrents, ou sous une seule implémentation complète accessible sans discrimination à toutes les parties. » | Le recours à des standards ouverts garanti l'interfaçage ou l'intégration du projet à d'autres projets, et évite le phénomène dit de "vendor lock-in" |
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Le Labo Société Numérique propose de porter un regard critique sur les défis éthiques et sociaux du numérique. Dans ce cadre, le cabinet Inno³ produit une série de ressources à destination d’acteurs publics souhaitant mobiliser le potentiel des communs numériques dans leur stratégie. Ces articles décryptent tout au long de l’année les enjeux juridiques et économiques des communs numériques.Destinée à favoriser l'émergence d'une doctrine juridique commune en matière de communs produits ou soutenus par l'administration, elles s'adressent à la fois aux acteurs porteurs de communs ainsi qu'aux personnes en charge d'accompagner ces démarches. Destinée à être mise à jour en fonction notamment des évolutions législatives et jurisprudentielles et à être complétée en fonction des contributions et remarques, elle ne constitue pas un conseil juridique et ne se substitue en aucun cas aux avis qu'il est nécessaire de prendre auprès des personnes compétentes au sein de chaque service. Enfin, n'hésitez pas à consulter le site http://labo.societenumerique.gouv.fr afin de prendre connaissance des dernières versions de ces documents, de consulter toute autre ressource à destination d’acteurs publics souhaitant mobiliser le potentiel des communs numériques dans leur stratégie ou encore contribuer à cette dynamique.
Ce billet est une publication réalisée par le cabinet inno³ pour le compte du Labo Société Numérique de l'ANCT. Destinée à favoriser la structuration de communs numériques produits ou soutenus par l’administration, elle s’adresse à la fois aux acteurs porteurs de communs ainsi qu’aux personnes en charge d’accompagner ces démarches.
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Introduction
Contexte et objectifs
Les acteurs publics bénéficient depuis plusieurs années de ressources facilitant et accompagnant la sécurisation de solutions basées sur des logiciels libres dans le cadre de la passation de marchés publics. Il peut s'agir de clauses sur-mesure venant préciser ou déroger au Cahier des Clauses Administratives Générales, ou de bonnes pratiques à mettre en œuvre avant, pendant et après la passation du marché, comme par exemple le choix d'une clause de cession de droits d'auteur. Cet accompagnement est pour partie réalisé par la Mission Appui au patrimoine immatériel de l'État.
Au fur et à mesure du recours aux logiciels libres, on observe un besoin croissant de ces acteurs à aller au-delà en définissant et implémentant une stratégie numérique qui vise l'émergence, la maintenance et la pérennisation dans une logique de commun numérique. Concrètement, il s'agit à la fois d’impliquer les citoyens et acteurs économiques dans la démarche, mais également d’encourager la mutualisation entre acteurs publics et privés.
Enjeux
Il s'agit de compléter les ressources existantes (notamment le Tutoriel aux communs numériques) avec une approche des marchés publics spécifique aux Communs numériques, dans l'esprit des clauses génériques utilisables en matière de logiciels libres. L'objectif est de donner aux acteurs publics les éléments leur permettant de comprendre et intégrer tout ce qui assurera le développement et la pérennité des Communs numériques par les prestataires retenus dans le cadre de marchés publics (et de partager certains standards permettant d’atteindre ces objectifs).
Référence :
Problématique & Méthodologie
Cette publication vise à sensibiliser les acteurs publics adjudicateurs de marchés publics sur les bonnes pratiques juridiques, techniques et organisationnelles à intégrer au marché afin d’y sécuriser le recours aux Communs numériques. Elle s'appuie notamment sur la reconnaissance par le juge des libertés que confère aux administrations l'appel à des logiciels libres en termes de droit de la concurrence (voir billet Marchés publics, Open Source et communs numériques), permettant d'explorer plus avant les autres enjeux et problématiques auxquelles sont confrontés les acteurs publics désireux de recourir à des Communs numériques dans le cadre de marchés publics. Parallèlement, elle dépasse le cadre d'une simple étude théorique afin de proposer un contenu pratique activable directement et facilement par les acteurs de terrain.
Pour ce faire, la publication propose différentes clauses venant déroger ou compléter le CCAG-TIC (dans sa dernière version en date du 30 mars 2021) en sa partie concernant les marchés publics portant sur la fourniture de logiciels, afin de l’adapter au contexte et aux enjeux particuliers des Communs numériques.
Cette publication constitue une première itération d’un travail qui sera amené à évoluer en fonction des retours des acteurs publics qui la mobiliseront dans la passation de marché public.
Sommaire
Cet article se structure autour de 6 enjeux :
- Définition des termes spécifiques employés
- Gestion des contributions antérieures
- Structuration de la gouvernance
- Encadrement de la redistribution
- Gestion de l’interfaçage du marché avec un cadre juridique préexistant
- Encadrement de la réversibilité
Pour chaque enjeu, après avoir exposé son importance à être traité dès la rédaction du marché, des solutions permettant d’y répondre au mieux seront proposées.
1 - Définition des termes spécifiques employés
Enjeux
Afin de s’adapter au contexte et aux enjeux propres au développement de Communs numériques, le marché public proposé par l’acteur public désireux de s’inscrire dans une telle dynamique va devoir déroger au Cahier des clauses administratives générales applicables sur un certain nombre de points (les réflexions qui suivent s'appuient principalement sur le CCAG-TIC).
Si certaines modalités reprennent celles déjà éprouvées dans le contexte du recours aux logiciels libres dans le cadre d’un tel marché, d’autres modalités proposées par la suite par la présente note sont spécifiques aux problématiques et enjeux des communs numériques et ne bénéficient pas d’un tel recul quant à leur mobilisation pratique dans le cadre de la rédaction d’un marché public. De ce fait, il importe en préalable à tout marché public dont l’objectif est le recours à des Communs numériques de bien définir les termes qui seront mobilisés par la suite dans la rédaction des clauses dérogatoires au CCAG-TIC, afin d’assurer la sécurité juridique de l’ensemble pour les parties-prenantes.
Dans ce but, plusieurs termes peuvent utilement bénéficier d’une définition complétée et adaptée au contexte du recours aux Communs numériques dans le cadre d’un marché public.
Propositions de solutions
Dans le préambule
Afin d’adapter le CCAG-TIC aux conditions d’un marché portant sur le développement d’un commun numérique, il conviendra à la fois de compléter le préambule afin de préciser cet objectif, et d’enrichir les définitions standards proposées.
Proposition de clause | Commentaire |
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« L’objet du marché est la réalisation d’un Commun numérique qui fera l’objet d’une mutualisation par le Pouvoir adjudicateur sous une ou plusieurs Licence(s) de logiciel libre, ainsi que d’une gouvernance démocratique et ouverte à tout acteur intéressé. La ou les Licence(s) libre(s) sous laquelle l’administration envisage de mettre à disposition le logiciel, ainsi que les modalités de gouvernance du Commun numérique sont clairement indiquées et annexées au marché afin de cadrer précisément l’exercice. » | Du fait de la spécificité du marché, le préambule revêt une importance toute particulière, puisqu’il va permettre de rappeler le contexte dans lequel s’inscrit l’appel d’offres, mais également de définir ce qu’est un commun numérique. Ainsi, il est conseillé d’insérer un paragraphe rappelant l’objectif poursuivi par le marché . |
Définitions
Le recours à des standards est facteur de sécurité juridique. C’est pourquoi les définitions proposées ci-après sont issues du Guide « Achats informatiques et propriété intellectuelle » , à l’exception de celle de Licence libre – issue des Conseils à la rédaction de clauses de propriété intellectuelle pour les marchés de développement et de maintenance de logiciels libres –, et celle de Communs numériques – suggérée à partir des différentes définitions récurrentes de la notion.
Termes | Définitions |
---|---|
Commun numérique | « Un commun numérique se définit comme une ressource numérique développée et maintenue par une communauté d’acteurs selon des règles de gouvernance définies démocratiquement au sein de la communauté. » |
Licence libre | « Une licence libre est un contrat d’adhésion par lequel l’auteur du logiciel concède à titre non exclusif à des tiers tout ou partie de la jouissance de ses droits patrimoniaux, en permettant, sous conditions éventuelles prévues dans la Licence, au moins l’exercice des quatre libertés suivantes : d’utiliser, de copier, de modifier et de diffuser les modifications. » |
Résultats | « Éléments réalisés dans le cadre du marché par le Titulaire pour répondre aux besoins de la personne publique tels que notamment des codes sources nouveaux, de la documentation et des paramétrages. » |
Connaissances antérieures | « Éléments réalisés dans un cadre extérieur au marché et qui appartiennent selon les cas à la personne publique, au Titulaire ou à des tiers, tels notamment que des codes sources extérieurs, de la documentation et des paramétrages. » |
Codes sources extérieurs | « Développements informatiques réalisés dans un cadre extérieur au marché utilisé par le Titulaire pour réaliser l’application et qui ne sont pas des composants logiciels. Ils sont dits dissociables lorsqu’ils sont séparables techniquement du code source nouveau, c’est-à-dire que les codes sources extérieurs et nouveaux figurent dans des documents et fichiers sources distincts, et indissociables lorsque ce n’est pas le cas, c’est-à-dire que les codes sources extérieurs et nouveaux figurent dans des documents et fichiers sources non distincts. » |
Codes Sources propriétaires | Développements informatiques utilisés par le Titulaire pour réaliser le projet et dont les droits sont détenus par un tiers. |
Codes Sources Open Source | Développements informatiques qui sont en open source utilisées par le Titulaire pour réaliser l’application dont les droits sont concédés par son auteur à titre non exclusif à tout tiers, en permettant, sous conditions éventuelles prévues dans la licence, au moins l’exercice des quatre libertés suivantes : utiliser, étudier, modifier et diffuser, y compris commercialement. Le site https://spdx.org/licenses/ référence toutes les licences répondant à cette définition, car conformes aux critères établis par la Free Software Foundation (http://www.fsf.org) ou/et aux principes définis par l’Open Source Initiative (https://opensource.org/). |
Documentation | La documentation désigne le descriptif détaillé des environnements techniques matériels et logiciels de développement, d’intégration et, le cas échéant, de fonctionnement ainsi que les documentations techniques de développement et de maintenance correspondantes ; les procédures de fabrication/intégration du résultat depuis l’installation de l’environnement de développement et d’intégration, la lecture, le chargement, les opérations de compression/décompression des supports fournis ainsi que la compilation des sources déposées, l’intégration, jusqu’à la production d’une version livrable ;le cas échéant, les outils nécessaires au développement et à la compilation ainsi que le système d’exploitation compatible avec les codes sources du résultat ;la documentation de conception et les documentations techniques associées telles que les dossiers techniques de conception, les dossiers d’études techniques, les dossiers de spécifications les schémas de base de données, modèles conceptuels et physiques de données ; les dossiers d’études techniques, de paramétrage, d’installation, de configuration, d’exploitation et de maintenance ;les standards de programmation et de documentation, les dossiers et plans de test ; la documentation préalable à la conception des logiciels telle que notamment le cahier des charges et le document de présentation des besoins standards liés à l’utilisation des logiciels ; la documentation d’utilisation (manuel de l’utilisateur, aide en ligne) ; la documentation d’utilisation (manuel de l’utilisateur, aide en ligne) ;De manière générale tout élément permettant à la personne publique d’utiliser, d’exploiter le résultat ainsi que de maintenir le résultat, seul ou par le biais d’un tiers prestataire. |
2 - Encadrer les modalités de partage des différents Résultats
Enjeux
Plus encore que lorsque des logiciels libres sont mobilisés, la constitution d’une réponse à un marché public par le développement d’un Commun numérique implique une gestion rigoureuse de la propriété intellectuelle des ressources mobilisées. En effet, les notions de Commun numérique et de Logiciel libre ne sont pas équivalentes et ne peuvent être confondues. La principale différence réside dans le fait qu’un commun suppose une gouvernance collective et démocratique de la ressource par la communauté de ses contributeurs et utilisateurs, en plus du respect de la licence sous laquelle est partagée la ressource, à l’instar du logiciel libre.
Dès lors, il importe de bien délimiter quels Résultats relèveront du Commun numérique, du partage sous Licence libre ou du modèle propriétaire le plus en amont possible dans l’élaboration du marché, afin de faciliter la gestion des droits de propriété intellectuelle attachés, et notamment des Connaissances antérieures mobilisées ; mais également de soutenir le choix des licences à appliquer à chaque module en fonction de la compatibilité souhaitée entre eux ; et enfin de rendre le projet final le plus lisible possible pour les tiers de façon à faciliter les réutilisations et contributions.
Le critère de distinction pourra être la finalité générique ou spécifique des développements :
→ finalité générique : mutualisation comme Commun numérique et portage fort par la communauté concernée ;
→ finalité spécifique : partage sous Licence libre afin de permettre une mutualisation ;
→ impératif technique, juridique ou économique : format propriétaire avec une vraie prise en compte des enjeux d'interopérabilité.
Propositions de clauses standardisées et de bonnes pratiques additionnelles
Une bonne pratique à adopter dans cette situation est d’apporter un soin particulier au choix des licences sous lesquelles les ressources seront soumises par la suite ; mais également d’adapter la clause de propriété intellectuelle du marché.
Choisir des licences adaptées
Compte-tenu de la diversité des modalités de partage des Résultats, et de la nécessité d’en assurer la compatibilité entre-eux dans le cadre du projet, il importe de choisir, pour chaque modalité de partage (Logiciel libre, Commun numérique, logiciel propriétaire) des licences compatibles entre elles.
Afin de s’assurer de la bonne compatibilité des licences entre elles, vous pouvez consulter un tableau de compatibilité entre licences, et prendre contact avec votre direction juridique.
Clause | Explications |
---|---|
« Afin de répondre aux objectifs de diffusion et mutualisation, le Titulaire s’engage à céder ses droits sur les Résultats selon des modalités compatibles avec l’objectif de constitution d’un commun numérique du Pouvoir adjudicateur. Ces modalités sont détaillées ci-après » | Une importance toute particulière devra être portée à la rédaction de la clause de propriété intellectuelle du marché, afin de rappeler l’objectif de mutualisation poursuivi ; de rappeler que la mutualisation est le principe et que tout développement propriétaire devra être justifiée ; mais également de cloisonner les portefeuilles de droits de propriété intellectuelle relatifs au projet. |
Proposition de clause | Commentaire | |
---|---|---|
Résultats | Connaissances antérieures | |
Dans le cadre du présent marché, les dispositions de l’article 46 du CCAG-TIC 2021 sont applicables et font partie intégrantes du présent marché. Le Titulaire accorde au titre du présent article à l'Acheteur, les droits nécessaires pour utiliser ou faire utiliser les Résultats, en l'état ou modifiés, de façon permanente ou temporaire, en tout ou partie, par tout moyen et sous toutes formes, pour les besoins et finalités d'utilisation exprimés dans les documents particuliers du marché et en toute hypothèse pour les besoins d'utilisation découlant de l'objet des prestations commandées dans le cadre du marché. Pour les Résultats qui sont des logiciels, les besoins d'utilisation comprennent en outre, la possibilité de rétrocéder tout droit à tout tiers à quelque titre que ce soit, et à quelques conditions que soit, ainsi que la possibilité de pouvoir les diffuser sous une licence libre/open source. Cette cession a pour objet de permettre à l’Acheteur de distribuer notamment auprès de tiers les Résultats sous le régime de la licence attachée au Projet. La cession prévue par l’article 46.1.1 du CCAG-TIC se fera à titre exclusif au profit due l’Acheteur. | Si dans le cadre du marché, le Titulaire fait appel à des Connaissances antérieures telles que définies par l’article 43.2 du CCAG-TIC, il s’engage à ne pas utiliser de Connaissances antérieures qui sont soumises à une licence ou à des conditions incompatibles avec une diffusion selon la licence attachée au Projet. Le Titulaire doit faire en sorte que les Connaissances antérieures soient parfaitement dissociables (c’est-à-dire indépendantes et séparables) techniquement du Projet, ce qui inclut notamment qu’elles figurent dans des documents et fichiers sources distincts. Dans l’hypothèse où les Connaissances antérieures seraient indissociables du Projet, par dérogation à l’article 44 du CCAG-TIC, le Titulaire cède à titre non exclusif à l’Acheteur les droits mentionnés aux articles L.122-1 et suivants et L. 122-6 du code de la propriété intellectuelle dans les mêmes conditions que pour les Codes Sources nouveaux. | La cession exclusive des droits sur les Résultats est nécessaire afin de permettre à l’Acheteur de jouer le rôle de tiers de confiance lors de l’initiation du Commun et la structuration de la communauté autour. Le caractère exclusif de la cession pourra être limité à cette phase d’initiation ; voir il sera possible de convenir d'une licence non exclusive aussi, le but était seulement de s'assurer, au moment du lancement du projet, une direction unique. |
Proposition de clause | Commentaire | |
---|---|---|
Résultats | Connaissances antérieures | |
Dans le cadre du présent marché, les dispositions de l’article 46 CCAG-TIC 2021 sont applicables et font partie intégrantes du présent marché.Le Titulaire accorde au titre du présent article à l'Acheteur, les droits nécessaires pour utiliser ou faire utiliser les Résultats, en l'état ou modifiés, de façon permanente ou temporaire, en tout ou partie, par tout moyen et sous toutes formes, pour les besoins et finalités d'utilisation exprimés dans les documents particuliers du marché et en toute hypothèse pour les besoins d'utilisation découlant de l'objet des prestations commandées dans le cadre du marché.Les besoins d'utilisation de l'Acheteur comprennent le droit de :publier et utiliser les résultats consistant en des documents préparatoires, tels que plans, études préalables ou spécifications, pour la mise en œuvre des besoins auxquels ils répondent ;évaluer ou faire évaluer par tout tiers à tout moment les résultats ;pouvoir procéder aux opérations d'archivage public ;permettre à tout service au sein de la même personne morale que l'Acheteur de pouvoir utiliser les résultats dans les mêmes conditions et finalités d'utilisation ;assurer ou faire assurer par tout tiers l'évolution de tous résultats, en ce compris réaliser ou faire réaliser par tout tiers, la maintenance (corrective, préventive, adaptative et évolutive) des résultats consistant en des logiciels ;transférer les droits sur les résultats à tout tiers bénéficiaire d'un transfert de compétences de l'Acheteur.Pour les Résultats qui sont des logiciels, les besoins d'utilisation comprennent en outre, la possibilité de rétrocéder tout droit à tout tiers à quelque titre que ce soit, et à quelques conditions que soit, ainsi que la possibilité de pouvoir les diffuser sous une licence libre/open source.Ainsi cette cession se fera selon des modalités assurant la compatibilité des Résultats avec la licence attachée au Projet. | Si dans le cadre du marché, le Titulaire fait appel à des Connaissances antérieures telles que définies par l’article 43.2 du CCAG-TIC, il s’engage à ne pas utiliser de Connaissances antérieures qui sont soumises à une licence ou à des conditions incompatibles avec une diffusion selon la icence attachée au Projet..Le Titulaire doit faire en sorte que les Connaissances antérieures soient parfaitement dissociables (c’est-à-dire indépendantes et séparables) techniquement du Projet, ce qui inclut notamment qu’elles figurent dans des documents et fichiers sources distincts. Dans l’hypothèse où les Connaissances antérieures seraient indissociables du Projet, par dérogation à l’article 44 du CCAG-TIC, le Titulaire cède à titre non exclusif à l’Acheteur les droits mentionnés aux articles L.122-1 et suivants et L. 122-6 du code de la propriété intellectuelle dans les mêmes conditions que pour les Codes Sources nouveaux.Le Titulaire s’engage à ce que les Codes Sources nouveaux puissent être diffusés sous une licence ou à des conditions qui sont compatibles avec la diffusion sous la licence attachée au Projet..Par exception, le Titulaire peut néanmoins prévoir d’exclure en tout ou partie certains Codes Sources nouveaux de cette diffusion Open Source s’il justifie de considérations techniques, juridiques ou économiques précises et qu’une telle mise en œuvre ne constitue pas un obstacle ni ne porte de préjudice à la réversibilité du projet. Cette exception au principe doit être clairement exprimée et argumentée dès la remise de l’offre du Titulaire, le régime Open Source s’appliquant par défaut à tous les Codes sources nouveaux.En tout état de cause, le Titulaire concédera à l’Acheteur une licence sur les interfaces logicielles utilisées au sein des Codes Sources nouveaux dans une mesure nécessaire pour permettre leur réutilisation dans le cadre d’une substitution ou en cas d’adaptation de tout ou partie du Projet par l’Acheteur ou d’un prestataire missionné par lui. | La cession des droits sur les Résultats est nécessaire afin de permettre à l’Acheteur de mutualiser ceux-ci au sein du Commun ; mais le caractère exclusif ne se justifie pas du point de vue stratégique. |
Clause | Commentaire | |
---|---|---|
« Le Titulaire peut prévoir d’exclure en tout ou partie certains Codes Sources nouveaux de la diffusion sous Licence libre s’il justifie de considérations techniques, juridiques ou économiques précises et qu’une telle mise en œuvre ne constitue pas un obstacle ni ne porte de préjudice à la réversibilité du projet. Cette exception au principe doit être clairement exprimée et argumentée dès la remise de l’offre du Titulaire, la Licence libre s’appliquant par défaut à tous les Codes sources nouveaux.Le Titulaire peut prévoir que certaines Connaissances antérieures, dissociables ou non, ne soient pas des Codes Sources Open Source s’il justifie de considérations techniques, juridiques ou économiques précises et qu’une telle mise en œuvre ne constitue pas un obstacle ni ne porte de préjudice à la réversibilité du projet. Cette exception au principe doit être clairement exprimée et argumentée dès la remise de l’offre du Titulaire. » | Le principe exposé dans le préambule et dans la clause de propriété intellectuelle étant la mutualisation des Résultats, tout développement propriétaire devra être justifié. | |
3 - Anticiper la gestion des Connaissances antérieures
Enjeux
La constitution, le développement et la pérennité d’un Commun numérique reposent sur les contributions de ses utilisateurs, et donc le plus souvent sur une politique de gestion de la propriété intellectuelle qui suppose un partage dans les mêmes conditions des développements qui seraient produits sur la base de la ressource mise en commun.
Ainsi, il importe d’avoir une bonne vision d’ensemble des licences attachées aux Connaissances antérieures mobilisées par le prestataire dans l’élaboration de sa réponse au marché, afin d’une part de s’assurer de la compatibilité des licences des composants réutilisés avec les conditions de partage envisagées ; et d’autre part d’assurer une traçabilité dans la gestion des droits de propriété intellectuelle attachés au Commun numérique.
Propositions de clauses standardisées et de bonnes pratiques additionnelles
Bonnes pratiques
S’assurer de la compatibilité des licences régissant les Connaissances antérieures avec les conditions de partage du Commun numérique telles que souhaitées par l’acteur public est essentiel afin d’éviter tout conflit de licence qui pourrait conduire à un litige et nuire à l’acteur public.
Cette étape suppose au préalable d’avoir une vision claire et précise des conditions de partage de chaque composant du Commun numérique (cf. Encadrer les modalités de partage des différents Résultats)
Afin de sécuriser la compatibilité des licences des Connaissances antérieures avec les objectifs de mutualisation du commun, plusieurs actions peuvent être menées :
→ sensibiliser en interne au fonctionnement des Licences libres ;
→ mettre en place un label pour les licences conformes aux objectifs du marché ;
→ nommer un référent sur ces questions ;
→ envisager la mise en place d'un Developer Certificate of Origin (DCO), voir d'un Contributor License Agreement (CLA), pour s’assurer de la paternité des Connaissances antérieures.
Suggestions de clauses
Concernant l’adaptation du marché public à ces enjeux particuliers, plusieurs clauses doivent êtres considérées.
Proposition de clause | Commentaire |
---|---|
« Par dérogation au CCAG-TIC, son article 36.7 ne sera pas appliqué. » | L’article 36.7 du CCAG-TIC stipule que « Les logiciels libres sont utilisés en l'état. Le Titulaire n'est pas responsable des dommages qui pourraient être causés par l'utilisation, par l’Acheteur, de logiciels libres dont il n'est pas l'éditeur». Il est donc indispensable d’y déroger dans le cadre d’un marché public dont l’objet est l’utilisation et le développement de logiciels libres. Le Titulaire du marché doit en effet garantir l’Acheteur si des composants sous licence libre sont intégrés au logiciel développé. |
Proposition de clause | Commentaire |
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« Si dans le cadre du marché, le Titulaire du marché met en œuvre des logiciels qui peuvent recevoir la qualification de connaissances antérieures au sens de l’article 43.2 du CCAG-TIC, il s’engage à ne pas utiliser de connaissances antérieures qui sont soumises à une licence ou à des conditions qui ne sont pas compatibles avec les objectifs de mutualisation du projet. Le Titulaire du marché doit faire en sorte que les connaissances antérieures soient parfaitement séparables techniquement du Logiciel, c’est-à-dire qu’elles figurent dans des documents et fichiers sources distincts. Dans l’hypothèse où les connaissances antérieures seraient indissociables du Logiciel, par dérogation à l’article 44 du CCAG-TIC, le Titulaire du marché cède à titre non exclusif au pouvoir adjudicateur les droits mentionnés aux articles L.122-1 et suivants et L. 122-6 du code de la propriété intellectuelle à savoir notamment :le droit de reproduction et d’utilisation pour quelque usage que ce soit, par quelque procédé que ce soit, sur tout support actuel ou futur et ce sans limitation de nombre tel que notamment papier, magnétique, optique, vidéographique ou autre, pour toute exploitation, y compris en réseau ;le droit de représentation et de diffusion, de quelque façon que ce soit, sur quelque support, réseau que ce soit, édition ;le droit d’adaptation, de traduction en toute langue ou langage, le droit de corriger de faire évoluer, de réaliser de nouvelles versions ou de nouveaux développements, de maintenir, décompiler, modifier, assembler, transcrire ;le droit de distribution à des tiers pour être réutilisés.Cette cession des droits sur les logiciels qualifiés de connaissances antérieures est effective tant pour la France que pour l’étranger et pour toute la durée de protection desdits logiciels par le droit d’auteur.Cette cession permet à l’Acheteur de mettre à disposition des tiers le Logiciel sous le régime de la Licence.Les codes sources des logiciels qui peuvent recevoir la qualification de connaissances antérieures indissociables ainsi que la documentation nécessaire à la mise en œuvre des droits sur ces logiciels (le cahier des charges tel que le document de présentation des besoins standards liés à l’utilisation du logiciel), la documentation d’utilisation (manuel de l’utilisateur, aide en ligne), sont livrés simultanément à la remise du code objet (code exécutable). » | Cette cession de droits est nécessaire afin de sécuriser le partage des Résultats sous licence libre par la suite |
Proposition de clause | Commentaire |
---|---|
« Le Titulaire s’engage à livrer à l’Acheteur les Résultats selon les modalités prévues au fur et à mesure de leur création. Ces livraisons devront s’accompagner de la fourniture de la liste des Codes Sources, des composants logiciels et de la Documentation utilisés, accompagnés de leur régime juridique.Le non-respect des droits de propriété intellectuelle de tiers par le Titulaire, notamment dans le cas de mise en œuvre de Connaissances antérieures (y compris le non-respect de licences de Codes Sources Open Source) constitue un motif de non-conformité de la livraison. Pour le cas où un livrable comporte des Codes Sources Open Source, en aucun cas l’acceptation par l’Acheteur ne peut diminuer les engagements et garanties du Titulaire. Il revient donc au Titulaire de mettre tout en œuvre pour assurer le bon respect des licences et de garantir le Pouvoir adjudicateur du respect de ces conditions pendant la durée de la propriété intellectuelle applicable. » | Il conviendra également de prévoir une livraison des résultats au fur et à mesure, afin de pouvoir s’assurer progressivement de la compatibilité des licences des connaissances antérieures mobilisées dans leur élaboration. |
Proposition de clause | Commentaire |
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« Le Titulaire s’engage à reverser les Résultats aux projets constituant des Connaissances antérieures afin de contribuer au développement et au maintien de celles-ci, indépendamment des obligations fixées par la Licence libre sous laquelle sont partagées les Connaissances antérieures. » | Enfin, le marché devra prévoir la contribution par le Titulaire des Résultats aux Connaissances antérieures mobilisées, afin de contribuer au développement et au maintien de celles-ci. |
4 - Structurer la gouvernance
Enjeux
La constitution d’un Commun numérique, à la différence du développement d’un Logiciel libre, suppose une coopération accrue des différentes parties-prenantes intéressées au développement de la ressource au centre du commun. Cette coopération passe notamment par une gouvernance partagée et démocratique de la ressource, qui nécessite un minimum de structuration. Une telle structuration permet en effet d’accroître la transparence quant à la gestion du projet et donc d’augmenter la confiance mutuelle des parties-prenantes. Par ailleurs, une gouvernance structurée autour d’une ressource est un facteur de confiance dans le projet ainsi porté, et favorise l’utilisation et la contribution par des acteurs tiers, qui seront par la suite plus enclins à prendre part au développement et au maintien du commun via une implication accrue dans sa gouvernance.
Propositions de clauses standardisées et de bonnes pratiques additionnelles
Bonnes pratiques
Il sera intéressant d’adopter une charte de collaboration spécifique aux développements mutualisés sous la forme de Communs numériques, qui définit notamment les rôles et droits des différentes parties prenantes.
→Tutoriel aux communs numériques
→Charte Federation. Dans certains cas, la charte de collaboration pourra être complétée par la mise en place d’une structure juridique venant structurer la gouvernance du projet
Suggestions de clauses
Enjeux | Clause | Commentaire |
---|---|---|
Mettre en place une gouvernance ouverte et démocratique | « Les Logiciel(s) Libre(s) principaux et nécessaires à la bonne conduite du marché doivent être soumis à une gouvernance partagée répartie entre une pluralité d’acteurs. De même, la mise en œuvre des résultats du marché ne devra pas dépendre d’un seul acteur. Le prestataire apportera la preuve par tous moyens (à cet égard, l’implication dans la gouvernance d’une fondation Open Source constitue un élément de preuve significatif). » | Il est important que la gouvernance du projet soit partagée de telle sorte qu’il n’y ait pas de rupture de concurrence entre les acteurs susceptibles de répondre au marché. Ainsi, tout acteur doit pouvoir bénéficier et contribuer à la solution si le souhaite, dans des conditions similaires aux autres contributeurs du projet (c’est-à-dire sans « prime à l’entrée » pour les contributeurs historiques).Une telle gouvernance peut être assurée par la formalisation d’une politique de contribution spécifique au projet qui sera idéalement appliquée par une organisation tierce neutre, susceptible d’orchestrer les relations entre tous les contributeurs.Une gouvernance claire doit être formalisée afin d’assurer que les prises de décision soient réalisées au regard de facteurs objectifs tels que la contribution financière et humaine dans le projet (par un organe tiers comme la Fondation Linux ou la Fondation Eclipse, ou une organisation spécifique). |
Spécifier les outils utilisés dans la gestion du code | « Le Titulaire s’engage à préciser dans la Documentation les outils utilisés dans le développement et la gestion du code source du Projet. » | Il est recommandé d’exiger du Titulaire qu’il spécifie les outils utilisés dans la gestion du code, afin de faciliter la contribution d’acteurs tiers au d”développement et maintien de ce dernier, une fois constitué en commun. |
Mettre en place un wiki | « Le Titulaire s’engage à tenir à disposition de tout acteur intéressé un wiki regroupant toutes les informations utiles et nécessaire à la contribution aux développements du Projet constitués en commun numérique, ainsi qu’à l’implication dans la gouvernance du commun numérique. » | Il pourra être utile de requérir la création d’un wiki regroupant toutes les informations utiles à l’implication d’acteurs extérieurs au développement et au maintien du commun numérique. |
5 - Gérer l’interfaçage du marché avec un cadre juridique préexistant
Les Communs numériques se caractérisent notamment par les cadres de collaboration relatifs à l'utilisation et la maintenance de leurs ressources. Ainsi, il est nécessaire de s'assurer que les contributions réalisées dans le cadre du marché soient conformes à ce cadre, au risque sinon de ne pas être acceptées et maintenues par la communauté. Inversement, le respect de ce cadre est un prérequis pour que les développements réalisés dans le cadre du marché puissent effectivement être utiles à la communauté qui souhaite pouvoir bénéficier de telles contributions. Plus globalement, imposer spécifiquement le respect de ce cadre de collaboration est une solution optimale pour permettre à différents acteurs -- publics comme privés -- de mutualiser leurs investissements.
Ainsi, pour chaque commun considéré, il pourra être étudié l'ajout de l'obligation pour l'attributaire de se conformer aux cadres de collaboration relatifs aux ressources utilisées.
6 - Prévoir la réversibilité
Enjeux
La réversibilité, dans un contexte de marché public de développement informatique, désigne la faculté du pouvoir adjudicateur de pouvoir récupérer, à la cessation du contrat, toutes les données et la Documentation liée nécessaires à la continuité de l’exploitation des développements objets du marché, en interne ou via la passation d’un nouveau marché. Dans le cadre d’un développement de ressources sous Licence libre, la réversibilité désigne également la faculté pour le pouvoir adjudicateur de faire évoluer la politique open source appliquée à ces développements. Elle peut être facilitée et sécurisée par l'ajout de clauses spécifiques.
Suggestions de clauses
Clause | Commentaire |
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« Le Titulaire devra communiquer au Pouvoir adjudicateur toutes informations destinées à lui permettre de reprendre ou de faire reprendre le développement et le maintien du Projet, et notamment :le référentiel applicatif (logiciel et documentaire), dont un état de configuration ;les spécifications relatives aux interfaces logicielles utilisées par les Connaissances antérieures afin de permettre leur réutilisation dans le cadre d’une substitution ou en cas d’adaptation de tout ou partie du Projet par le Pouvoir adjudicateur ou un prestataire missionné par lui ;les contrats portant sur les Connaissances antérieures utilisées dans le SI, la documentation nécessaire, les bases de données, les fichiers, les scénarios de recette, jeux d’essais, documentation et tout autre élément utile au titre de cette réversibilité ;le transfert des droits que détient le Titulaire sur les résultats nécessaires à la réversibilité et à la transférabilité, sans frais nécessaires ;toutes les documentations de maintenance et d’exploitation, les rapports d’activité et d’exploitation ;toutes les données du Pouvoir adjudicateur qui devront être supprimées des systèmes du Titulaire qui devra les transférer àau Pouvoir adjudicateur sur un support préalablement défini ;les documents de suivi (registre des incidents, risques, plannings, tableaux de bord, etc.), de toutes les actions de maintenance, au minimum au format électronique (dump des bases de données, etc.) et le cas échéant au format “papier” ;les procédures et/ou scripts développés dans le cadre du projet ;la base de connaissances développée dans le cadre de l’assistance ;participer à une réunion de clôture avec un bilan finalisé détaillé et argumenté présentant les risques identifiés de reprise des prestations de TMA ;fournir dans le mois qui suit la fin de la période de réversibilité un document formel, émis par l’officier de sécurité des systèmes d’information (OSSI) du Titulaire, certifiant la destruction des données ou du support physique de stockage des données.et, plus généralement, livrer tout document et/ou élément qui aurait été mis à sa disposition par le Pouvoir adjudicateur.Le Titulaire s’engage à ne pas en conserver de copies si le Pouvoir adjudicateur. a donné au Titulaire l’instruction écrite de les effacer ou de les détruire. » | La rédaction d’une clause de réversibilité au sein du marché public est ainsi indispensable, et pourra être utilement soutenue par d’autres mesures à exiger du Titulaire. |
Clause | Commentaire |
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« Les différents éléments devront être partagés par le Titulaire sous une licence libre adaptée à un partage et/ou une mutualisation des développements constitués en logiciels libres et/ou communs numériques. » | Le choix de la licence doit permettre un partage et garantir une reprise en main par un prestataire tiers par la suite, condition sine qua non de l'effectivité de la réversibilité. |
Clause | Commentaire |
« Le Titulaire s’engage à partager les données nécessaires à la réversibilité du Projet en ayant recours à des Standards ouverts.Selon la définition promue par la Free Software Foundation, est entendu par Standard Ouvert un format ou protocole qui est :sujet à la pleine appréciation du public, libre de toute contrainte d’utilisation et accessible sans discrimination à toutes les parties ;dénué de tout composant ou extension dépendant de formats ou protocoles qui ne répondent pas eux-mêmes à la définition d’un Standard Ouvert ;affranchi de toute clause légale ou technique qui limite son utilisation pour un utilisateur donné ou une situation commerciale donnée ;administré et développé indépendamment de tout fournisseur dans un processus ouvert, sans discrimination à la participation des concurrents et des tierces parties ;disponible sous différentes implémentations complètes réalisées par des fournisseurs concurrents, ou sous une seule implémentation complète accessible sans discrimination à toutes les parties. » | Le recours à des standards ouverts garanti l'interfaçage ou l'intégration du projet à d'autres projets, et évite le phénomène dit de "vendor lock-in" |
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Le Labo Société Numérique propose de porter un regard critique sur les défis éthiques et sociaux du numérique. Dans ce cadre, le cabinet Inno³ produit une série de ressources à destination d’acteurs publics souhaitant mobiliser le potentiel des communs numériques dans leur stratégie. Ces articles décryptent tout au long de l’année les enjeux juridiques et économiques des communs numériques.Destinée à favoriser l'émergence d'une doctrine juridique commune en matière de communs produits ou soutenus par l'administration, elles s'adressent à la fois aux acteurs porteurs de communs ainsi qu'aux personnes en charge d'accompagner ces démarches. Destinée à être mise à jour en fonction notamment des évolutions législatives et jurisprudentielles et à être complétée en fonction des contributions et remarques, elle ne constitue pas un conseil juridique et ne se substitue en aucun cas aux avis qu'il est nécessaire de prendre auprès des personnes compétentes au sein de chaque service. Enfin, n'hésitez pas à consulter le site http://labo.societenumerique.gouv.fr afin de prendre connaissance des dernières versions de ces documents, de consulter toute autre ressource à destination d’acteurs publics souhaitant mobiliser le potentiel des communs numériques dans leur stratégie ou encore contribuer à cette dynamique.
Ce billet est une publication réalisée par le cabinet inno³ pour le compte du Labo Société Numérique de l'ANCT. Destinée à favoriser la structuration de communs numériques produits ou soutenus par l’administration, elle s’adresse à la fois aux acteurs porteurs de communs ainsi qu’aux personnes en charge d’accompagner ces démarches.
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