Sortir les métiers du social de la crise de sens et d’attractivité
Le Livre blanc du Travail social (314 pages), remis au Gouvernement par le Haut Conseil du Travail Social (HCTS) le 5 décembre 2023, dresse le constat d’une crise inédite du travail social : difficultés sérieuses de recrutement, turn-over, désaffection des jeunes générations pour les formations. « Cette dégradation est une alerte sur la situation d’état d’urgence qui touche le secteur. Elle engendre également une baisse de la qualité des accompagnements et du service rendu à la population ».
Le premier chapitre traite des conditions de travail et de l’attractivité des organisations. Le deuxième concerne les pratiques et les approches professionnelles nécessaires face aux défis sociaux d’aujourd’hui. Le troisième aborde les enjeux de la formation initiale et continue. Enfin, le quatrième chapitre anticipe les conditions d’attractivité des métiers dans les transitions écologiques, démographique et numérique. Le HCTS émet 14 recommandations en ce sens (ci-dessous).
Alors que 90% des 1,3 million de travailleurs sociaux sont des femmes, les auteurs du Livre Blanc ont choisi d’utiliser le féminin pluriel pour les désigner.
Référence :
Le numérique, entre potentialités et perte de lisibilité
Si le numérique est « un outil de travail avec de nombreuses potentialités », la dématérialisation des démarches administratives contribue à cette perte de sens et d’attractivité, en engendrant « parfois des processus incontrôlés, source de charge de travail supplémentaire ».
Dans le prolongement des travaux du HCTS consacrés aux transformations numériques des pratiques professionnelles dans les métiers du social (Pourquoi et comment les travailleurs sociaux se saisissent des outils numériques en 2018), le Livre Blanc aborde le numérique sous trois angles :
- Les difficultés d’accompagnement des personnes dans un contexte de dématérialisation ;
- La place croissante qu’occupent les activités de reporting dans l’activité des travailleuses sociales ;
- Les bouleversements prévisibles des métiers du social liés au développement de l’Intelligence artificielle.
« Au millefeuille administratif s’ajoute un millefeuille d’outils numériques développant chacun sa propre logique »
La démultiplication des plateformes de services et l’impératif de passer par leur entremise peut éloigner les personnes vulnérables de l’accès à leurs droits, rappelle le Livre Blanc : « les travailleuses sociales assurent de fait une fonction de relai en vue de développer l’autonomie numérique des personnes qu’elles reçoivent. Il leur faut pour cela pouvoir être reliées au réseau d’acteurs territoriaux qui permettent l’acquisition de ces compétences ou l’accès à d’autres services ».
Si « les nouvelles professionnelles sont à l’aise avec l’informatisation de leur pratique… le remplacement parfois des permanences physiques assurées dans les organismes par des espaces de « libre-service », où l’interaction avec un agent devient ponctuelle, pose la question de la gestion de l’illectronisme des publics ».
Le HCTS, plaide, ici, à la suite du Défenseur des droits, pour le maintien de guichets physiques à côté des services numériques. « Les personnes en difficulté face à la dématérialisation des démarches administratives doivent être soutenues et accompagnées. Elles ont besoin d’une relation avant tout humaine, compréhensive et non-jugeante. Les formations des aidants numériques invités à travailler avec les professionnelles de l’action sociale intègrent aussi la dimension relationnelle de l’aide et de l’évaluation de la demande ».
La dématérialisation expose aussi les professionnelles à toutes sortes de difficultés, comme la nécessité de « naviguer entre les différents services, en soutien aux personnes qu’elles accompagnent (…). Dans de nombreuses situations, elles ne disposent plus d’interlocuteurs en dehors de plateformes numériques (…). Les modalités de communication peuvent devenir un facteur de perte de temps au détriment de l’accompagnement du projet de vie de la personne ».
« Pour un certain nombre de professionnelles, la dématérialisation des démarches est synonyme de perte de lisibilité, à tel point que l’aide des publics dans le décryptage administratif devient une mission à part entière. (…) Pour chaque situation, il est désormais nécessaire de passer un temps conséquent pour comprendre les éléments du dossier avec les opérateurs concernés et tenter de résoudre les difficultés qui bloquent le système (les identifiants, les adresses mails, l’absence d’interlocuteur…). Les professionnelles ne maitrisent pas toujours la navigation au sein de plateformes souvent guère intuitives. La complexité administrative additionnée à la logique informatique conduit les personnes en difficulté à multiplier les demandes de rendez- vous ».
Si le numérique, comme outil de travail présente de nombreuses potentialités (source de précieuses informations sur les publics accompagnés, capacité à accéder à des ressources plus fiables que par le passé, espaces de partage permettant de valoriser et de capitaliser des pratiques innovantes, forums d’entraide), son accélération engendre aussi une multiplication des outils d’évaluation et de suivi. « Au millefeuille administratif s’ajoute un millefeuille d’outils numériques développant chacun sa propre logique ».
Le Livre Blanc, regrette, à ce sujet « l’absence d’application unique soumise à des normes nationales pour gérer de tels procédés, laissant proliférer une diversité de systèmes qui n’interroge pas toujours les conséquences de leur mise en place ».
Le Livre Blanc souligne l’importance d’adapter les formations en continu aux difficultés des professionnelles. Il pointe aussi la difficulté des directions d’établissement « à cerner la capacité des logiciels à répondre aux besoins (…) Il serait utile de désigner des référents au sein des établissements pour faciliter la traduction des outils numériques dans la réalité de l’activité ».
Crise inédite du travail social : quelle est la place du numérique ?
Sortir les métiers du social de la crise de sens et d’attractivité
Le Livre blanc du Travail social (314 pages), remis au Gouvernement par le Haut Conseil du Travail Social (HCTS) le 5 décembre 2023, dresse le constat d’une crise inédite du travail social : difficultés sérieuses de recrutement, turn-over, désaffection des jeunes générations pour les formations. « Cette dégradation est une alerte sur la situation d’état d’urgence qui touche le secteur. Elle engendre également une baisse de la qualité des accompagnements et du service rendu à la population ».
Le premier chapitre traite des conditions de travail et de l’attractivité des organisations. Le deuxième concerne les pratiques et les approches professionnelles nécessaires face aux défis sociaux d’aujourd’hui. Le troisième aborde les enjeux de la formation initiale et continue. Enfin, le quatrième chapitre anticipe les conditions d’attractivité des métiers dans les transitions écologiques, démographique et numérique. Le HCTS émet 14 recommandations en ce sens (ci-dessous).
Alors que 90% des 1,3 million de travailleurs sociaux sont des femmes, les auteurs du Livre Blanc ont choisi d’utiliser le féminin pluriel pour les désigner.
Référence :
Le numérique, entre potentialités et perte de lisibilité
Si le numérique est « un outil de travail avec de nombreuses potentialités », la dématérialisation des démarches administratives contribue à cette perte de sens et d’attractivité, en engendrant « parfois des processus incontrôlés, source de charge de travail supplémentaire ».
Dans le prolongement des travaux du HCTS consacrés aux transformations numériques des pratiques professionnelles dans les métiers du social (Pourquoi et comment les travailleurs sociaux se saisissent des outils numériques en 2018), le Livre Blanc aborde le numérique sous trois angles :
- Les difficultés d’accompagnement des personnes dans un contexte de dématérialisation ;
- La place croissante qu’occupent les activités de reporting dans l’activité des travailleuses sociales ;
- Les bouleversements prévisibles des métiers du social liés au développement de l’Intelligence artificielle.
« Au millefeuille administratif s’ajoute un millefeuille d’outils numériques développant chacun sa propre logique »
La démultiplication des plateformes de services et l’impératif de passer par leur entremise peut éloigner les personnes vulnérables de l’accès à leurs droits, rappelle le Livre Blanc : « les travailleuses sociales assurent de fait une fonction de relai en vue de développer l’autonomie numérique des personnes qu’elles reçoivent. Il leur faut pour cela pouvoir être reliées au réseau d’acteurs territoriaux qui permettent l’acquisition de ces compétences ou l’accès à d’autres services ».
Si « les nouvelles professionnelles sont à l’aise avec l’informatisation de leur pratique… le remplacement parfois des permanences physiques assurées dans les organismes par des espaces de « libre-service », où l’interaction avec un agent devient ponctuelle, pose la question de la gestion de l’illectronisme des publics ».
Le HCTS, plaide, ici, à la suite du Défenseur des droits, pour le maintien de guichets physiques à côté des services numériques. « Les personnes en difficulté face à la dématérialisation des démarches administratives doivent être soutenues et accompagnées. Elles ont besoin d’une relation avant tout humaine, compréhensive et non-jugeante. Les formations des aidants numériques invités à travailler avec les professionnelles de l’action sociale intègrent aussi la dimension relationnelle de l’aide et de l’évaluation de la demande ».
La dématérialisation expose aussi les professionnelles à toutes sortes de difficultés, comme la nécessité de « naviguer entre les différents services, en soutien aux personnes qu’elles accompagnent (…). Dans de nombreuses situations, elles ne disposent plus d’interlocuteurs en dehors de plateformes numériques (…). Les modalités de communication peuvent devenir un facteur de perte de temps au détriment de l’accompagnement du projet de vie de la personne ».
« Pour un certain nombre de professionnelles, la dématérialisation des démarches est synonyme de perte de lisibilité, à tel point que l’aide des publics dans le décryptage administratif devient une mission à part entière. (…) Pour chaque situation, il est désormais nécessaire de passer un temps conséquent pour comprendre les éléments du dossier avec les opérateurs concernés et tenter de résoudre les difficultés qui bloquent le système (les identifiants, les adresses mails, l’absence d’interlocuteur…). Les professionnelles ne maitrisent pas toujours la navigation au sein de plateformes souvent guère intuitives. La complexité administrative additionnée à la logique informatique conduit les personnes en difficulté à multiplier les demandes de rendez- vous ».
Si le numérique, comme outil de travail présente de nombreuses potentialités (source de précieuses informations sur les publics accompagnés, capacité à accéder à des ressources plus fiables que par le passé, espaces de partage permettant de valoriser et de capitaliser des pratiques innovantes, forums d’entraide), son accélération engendre aussi une multiplication des outils d’évaluation et de suivi. « Au millefeuille administratif s’ajoute un millefeuille d’outils numériques développant chacun sa propre logique ».
Le Livre Blanc, regrette, à ce sujet « l’absence d’application unique soumise à des normes nationales pour gérer de tels procédés, laissant proliférer une diversité de systèmes qui n’interroge pas toujours les conséquences de leur mise en place ».
Le Livre Blanc souligne l’importance d’adapter les formations en continu aux difficultés des professionnelles. Il pointe aussi la difficulté des directions d’établissement « à cerner la capacité des logiciels à répondre aux besoins (…) Il serait utile de désigner des référents au sein des établissements pour faciliter la traduction des outils numériques dans la réalité de l’activité ».