Avant-propos
Les associations, qu’elles agissent en faveur de l’accès à l’emploi, pour la protection de l’environnement ou contre les discriminations et l’exclusion, s’appuient assez largement sur le numérique : pour communiquer avec les membres de l’association, pour interagir avec les bénévoles, mobiliser le public et recueillir des fonds et porter leurs initiatives à une plus large échelle.
73 % des associations interrogées disposaient en 2016 d’un site internet propre et 62 % d’entre elles utilisaient les réseaux sociaux. L’année 2018 avait vu le lancement d’un plan national de formation au numérique pour les associations et le lancement de la plateforme collaborative OpenAsso, un outil au service des associations. (voir Secteur associatif : nouvelles initiatives et ressources pour mieux tirer parti du numérique).
La crise sanitaire a marqué en 2020 un tournant pour le monde associatif : 73% des associations avaient alors, sous contrainte, repensé leur fonctionnement. Le travail à distance et la visioconférence avaient ainsi permis à de nombreuses associations de maintenir leurs activités. Deux tiers des bénévoles dans les associations avaient pratiqué le bénévolat à distance, le « télé-bénévolat ». (voir Le numérique bouscule et transforme le secteur associatif).
Selon la dernière enquête de Recherches & Solidarités consacrée à la place du numérique dans le projet associatif, la transformation numérique du secteur associatif se poursuit, avec des difficultés en léger recul, mais toujours présentes.
Si 41 % des associations utilisent des logiciels libres, la question de l’émancipation des associations vis-à-vis des grandes plateformes et des géants du numérique continue de nourrir de vifs débats au sein du monde associatif.
Le monde associatif doit aussi relever le défi des données, avec l’apparition de fonctions organisées explicitement autour de leur traitement et de leur protection: des pratiques en matière de données qu'il convient de replacer dans la longue durée des expérimentations portées par les professionnels issus des champs associatifs ou de l’éducation populaire.
68% des membres d’associations utilisent des outils numériques
L’édition 2023 du Baromètre du numérique a introduit une question relative à l’utilisation du numérique dans le cadre de la vie associative.
Au total, 68% des membres d’une association utilisent des outils numériques dans ce cadre. En regroupant les personnes utilisant ces outils régulièrement (tous les jours ou au moins une fois par semaine) dans le cadre de leur activité associative, le Credoc constate que le recours aux outils numériques décroit avec l’âge. Ainsi, 73% des 18-24 ans utilisent ces outils alors ils sont trois fois moins chez les 70 ans et plus. Il en va de même pour les bas revenus (54%). Les diplômés du supérieur (49%) et les cadres (54%) ainsi que les habitants de l’agglomération parisienne (53%) se démarquent également à cet égard.
Référence :
Outillage et usages numériques des associations : des difficultés en léger recul mais toujours présentes
Le réseau associatif d'experts Recherches & Solidarités dresse tous les trois ans un état des lieux de la place du numérique dans les projets associatifs. Cette 4ème édition s’appuie sur les témoignages directs de 2 776 responsables associatifs.
Inégale maturité numérique selon le domaine d’activité et selon la taille
Une majorité de dirigeants (53%) considèrent que leur association est en bonne voie dans ses pratiques numériques. Les autres se répartissent en deux parts égales : ceux jugent leur association encore éloignée de ces sujets (22%) et ceux qui estiment qu’elle dispose d’une expérience qu’ils jugent suffisante (21%).
Les associations que leurs responsables jugent « expérimentées » sont proportionnellement plus nombreuses dans les domaines de la culture, de l’environnement, de l’enseignement et des services économiques. Inversement, les associations de loisirs, celles qui emploient peu ou pas de salariés, celles qui sont implantées en zone rurale ou en Quartier de la Politique de la Ville sont plus nombreuses à être jugées « peu initiées » par leurs responsables.
Ce jugement des responsables sur la maturité de leur organisation a globalement très peu évolué entre 2019 et 2022.
Les outils numériques les plus utilisés par les associations
Comme en 2019, deux outils arrivent en tête : le site internet et les réseaux sociaux, outils de communication externe qui répondent à l’objectif premier de promouvoir l’association. Ces deux outils sont d’ailleurs souvent associés : plus de 80% des associations ont un site internet et/ou sont présentes sur les réseaux sociaux.
Les outils de visioconférence occupent aujourd’hui la 3ème place, suivis par les outils de partage et de stockage de documents qui se sont largement développés pendant la crise.
Des outils comme les systèmes d’information de ressources humaines- SIRH (pour gérer les paies, les congés, les notes de frais : ils ne concernent que les associations employeuses et plus souvent celles d’une certaine taille), les outils de gestion de projets ( potentiellement intéressants pour un large panel d’associations, mais nécessitant de revoir l’organisation et une initiation), les plateformes de financement participatif, les outils de relation réseau type CRM ou encore les outils d’automatisation des tâches figurent en fin de liste, présents dans moins de 10% des associations.
« Les associations qui souhaitent utiliser le numérique pour gérer plus efficacement leurs activités observent les auteurs de l’enquête, auraient un fort intérêt à utiliser des outils de gestion de projets ou des outils SIRH …. Toutefois, mettre en place de tels outils nécessite une vraie transformation numérique de son organisation qui impacte différents profils d’utilisateurs, de processus/habitudes de travail et donc un investissement initial - en temps et en argent - beaucoup plus fort ».
Des outils numériques d’abord destinés aux communications externes et internes
L’objectif premier assigné par les associations à leur outillage numérique est de communiquer sur les actions menées et de faire connaître l’association (c’était déjà le cas en 2019), suivi par l’animation du réseau (les échanges internes), la gestion (comptabilité, gestion des adhérents, suivi et évaluation des de actions…) et le travail collaboratif.
Les autres objectifs (rechercher des bénévoles, rechercher des financements, AG et CA en ligne, services aux adhérents) sont partagés par moins de 30% des associations.
L’organisation des assemblées générales et des conseils d’administration en ligne concerne aujourd’hui un quart des associations.
Plus le nombre de salariés augmente, plus les tâches numériques sont accomplies par un référent spécialisé
32 % des associations ont désigné un « référent » dédié au numérique, contre 25 % en 2019.
23 % des associations ont quelques personnes initiées qui se chargent des problématiques numériques, contre 34 % en 2019.
Dans 21 % des cas, c'est le conseil d'administration ou le bureau qui s'en occupe. 10 % des associations ont mis en place une « culture partagée du numérique », impliquant la participation de la plupart des membres actifs de l'association.
Seules 5 % des associations déclarent n'avoir personne en interne pour s'occuper des sujets liés au numérique.
« Plus le nombre de salariés d'une association augmente, plus les questions liées au numérique sont prises en charge par un seul référent », observent les auteurs de l’enquête. « Avoir un seul référent leur permet de centraliser l'information et de faire appel à des compétences spécifiques ».
Les difficultés des associations vis-à-vis du numérique reculent
24 % des responsables associatifs déclarent ne rencontrer aucune difficulté concernant le numérique, contre 16% en 2019. Les auteurs de l’enquête esquissent, à ce propos, plusieurs explications : l’accélération des pratiques numériques avec la crise, une offre d’accompagnement élargie en nombre d’intervenants, en thématiques, en expertises et une montée en compétences des acteurs associatifs.
Les difficultés rencontrées sont d'ordre humain pour près de la moitié des dirigeants, liées à des problèmes techniques (34 %), liées au manque de moyens financiers (30 %) ou encore d'ordre stratégique (24 %).
Les difficultés humaines et financières ont reculé depuis 2019. Les auteurs de l’enquête voient dans cette évolution les effets de la crise sanitaire:
- La découverte d’outils gratuits ou peu onéreux
- Une plus grande disponibilité au sein des équipes pour partager les compétences, former les volontaires, revoir l’organisation et les missions de chacun ;
- Une prise de conscience collective des opportunités offertes par le numérique pour poursuivre les activités pendant la crise. « Les personnes qui ont dû franchir le pas, par défaut, ont peut-être moins de frilosité à tester de nouvelles méthodes de travail, à investir le sujet, y compris parmi les plus réfractaires ».
Des leviers d'action pour tirer un meilleur parti du numérique
L'enquête identifie 11 leviers d'action qui pourraient aider les associations à tirer le meilleur parti du numérique.
Près de la moitié des responsables associatifs (47%) souhaiteraient avoir une meilleure connaissance des outils existants. Il peut s’agir, pour certains, d’un manque d’informations sur l’offre en général.
Les associations semblent avoir bien identifié la compétence comme levier d’action : la mise à niveau des membres de l’équipe les moins initiés (45%) ressort en deuxième position des leviers d’action, non loin derrière la connaissance des outils.
Environ un tiers des associations (34%) souhaiteraient disposer de moyens financiers pour s’équiper. Les solutions numériques mutualisées pour partager les coûts y apportent une réponse partielle, avec seulement 19% de dirigeants intéressés.
20% des responsables misent sur un accompagnement personnalisé pour définir une stratégie et un plan d’actions.
Référence :
41 % des associations utilisent des logiciels libres
La notion de logiciel libre « recouvre des dimensions éthiques fortes, en lien direct avec les valeurs du secteur associatif, en faisant des outils numériques un bien commun » observent les auteurs de l’étude consacrée à la place du numérique dans le projets associatif en 2022.
Selon l’enquête réalisée par Recherches & Solidarités, 41% des associations interrogées déclarent utiliser des logiciels libres : une proportion étonnamment stable depuis 2016. L’utilisation de logiciels libres croit avec le niveau de maîtrise du numérique : elle concerne 55% des associations que leurs dirigeants qualifient « d’expérimentées » mais seulement 27 % des associations « peu initiées ».
Parmi les associations qui utilisent des logiciels libres, les motivations pratiques l’emportent sur les motivations éthiques. 15% des répondants seraient disposés à y recourir, mais à condition d’être accompagnés.
Près d’un quart (24%) n’en voit pas l’utilité ou considère qu’ils ne correspondent pas à leurs besoins. « Ce chiffre illustre peut-être une méconnaissance ou une peur des difficultés techniques associées : auto-hébergement des solutions, souscription à des contrats de maintenance ou accès à un support communautaire. Les acteurs de l’accompagnement peuvent avoir un véritable rôle à jouer, pour soutenir et accompagner les associations dans la réflexion sur les raisons pratiques et éthiques de ces logiciels, en s’appuyant sur ces 41% d’associations convaincues et utilisatrices, puis en les guidant dans le choix et la mise en place de ces logiciels » commentent les auteurs de l’étude.
Les propos recueillis dans le cadre de l’enquête témoignent des interrogations qui traversent le monde associatif autour de cette question. Le responsable d’une association de solidarité internationale se demande « comment insérer les considérations éthiques et écologiques sur le choix des outils, du matériel, et plus globalement intégrer ces considérations à la stratégie globale de notre projet associatif ». Un point de vue partagé par la responsable d’une association de protection de l’environnement : « sur le plan stratégique, le principal problème que nous rencontrons, faisant partie d’un réseau national, est la cohérence dans les choix d’outils, en particulier, l’entrisme des GAFAM. Lorsqu’on met, comme nous, les libertés numériques au 1er plan, cela demande une énergie importante pour ramer à contre-courant ». Le dirigeant d’une association de développement local note combien « il est difficile et fastidieux d’identifier des outils numériques respectueux de certaines valeurs associatives (notamment, de nombreux outils numériques sont des aspirateurs de données et sont utilisés par la suite de manière lucrative), des outils français (voire européens), qui favorisent les notions d’éco-conception, de GreenIT, de low/slow-tech, open-source, utilisables en/hors-ligne ».
Dès 2007, l’Association pour la Promotion et la Recherche en Informatique Libre (April) appelait à « construire des ponts entre les logiciels libres et le monde associatif ». A cette fin, elle publiait un guide répertoriant des méthodes et des outils de travail adaptés aux besoins des associations.
Référence :
Une initiative pour accompagner les associations vers un numérique plus éthique
« De nombreuses associations pensent à quitter les services des géants du web pour des alternatives éthiques, libres et décentralisées, davantage en adéquation avec leurs valeurs. Mais elles n’ont pas toujours les connaissances pour se lancer seules dans cette transition » …
Ce constat a conduit deux associations, Animafac, un réseau composé de plus de 4000 associations étudiantes, et Framasoft , a l’origine de nombreux projets numériques libres, ont lancé une initiative baptisée Émancip’Asso « pour favoriser l’émancipation numérique du monde associatif, en permettant aux associations de trouver un accompagnement dans leur démarche de transition numérique ».
Le site emancipasso.org propose
- Un répertoire de prestataires formé·es aux enjeux du monde associatif
- Une communauté d’entraide qui se retrouve sur un forum pour échanger bonnes pratiques, conseils et astuces.
- Des ressources utiles aux association et aux prestataires alimentées par la communauté.
Référence :
Les associations au défi des données numériques
Les Cahiers de l’action, édités par l’Institut national de la jeunesse et de l’éducation populaire (INJEP), consacrent un dossier à la place et aux usages de la donnée au sein du monde associatif : il se concentre, « sur les défis liés à la donnée numérique, en ne les résumant pas à des problèmes techniques mais en les insérant dans une perspective globale de développement du numérique dans la société, et en particulier dans le monde associatif ».
Une première série de contributions donne à voir les évolutions de la « question numérique » dans les associations comprises comme un fait venu percuter les projets associatifs, en interrogeant les manières d’impliquer les citoyen.ne.s dans les projets collectifs (logiques d’adhésion, de bénévolat, de contribution).
Une deuxième série de contributions éclaire l’évolution des pratiques professionnelles à travers l’affirmation de métiers et de fonctions organisés explicitement autour des données.
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Référence :
Comment construire et développer la production et les usages citoyens de la donnée
A partir de son expérience pratique et des réflexions développées au sein de la Fondation Internet nouvelle génération (FING), Jacques-François Marchandise retrace le cheminement d’une partie du monde associatif dans la prise en compte des notions d’acculturation aux données, ou encore de « culture de la donnée ».
Les enjeux de protection et la maîtrise des données changent d’ampleur dans le contexte des années 2010 : « Très vite, nous avons compris que la maîtrise individuelle s’articulait avec des enjeux beaucoup plus collectifs en matière de santé, d’environnement et d’éducation ». Dans cette même période, l’ouverture des données publiques devient un sujet importants pour les collectivités territoriales et pour l’État, mais aussi pour des acteurs associatifs qui se placent dès le début des années 2010, en position d’exiger l’accès aux données et de les réutiliser.
Pour illustrer son propos, l’auteur revient sur le cas emblématique (et déjà ancien) d’une initiative citoyenne en 2011 qui visait a instaurer une transparence sur le prix de l’eau : elle avait permis de recueillir les factures anonymisées de 9000 usagers pour calculer le prix réel de l’eau.
Jacques-François Marchandise pointe ici plusieurs difficultés. « Si les données disponibles sont nombreuses, elles ne sont pas pour autant accessibles ni actionnables par tout un chacun. Nous ne savons pas qu’elles n’existent ni où elles sont ; elles sont souvent mal décrites, conservées dans des formats inutilisables et nous ne savons pas quoi en faire : nous n’avons jamais appris à manier des jeux de données ».
Le cas des données environnementales est très parlant : « la production de données publiques et privées est déjà ancienne et riche, de nombreux organismes institutionnels, scientifiques et professionnels en partagent un grand nombre, et ces mêmes acteurs font souvent le constat que les usages de ces données dans la société sont plutôt modestes et ont des conséquences assez faibles en matière écologique ». Le champ de la biodiversité est l’un des domaines dans lesquels beaucoup de données sont déjà d’origine associative. Le réseau associatif Tela Botanica, par exemple, relie depuis plus de vingt ans un grand nombre de botanistes francophones professionnels et amateurs autour d’inventaires de la flore et qui a contribué à nourrir l’apprentissage de l’algorithme de PlantNet, application développée par les grands instituts de recherche
« Les associations peuvent être demain bien plus qu’aujourd’hui des espaces sociaux de construction de notre maîtrise collective des données », conclut l’auteur. « Si l’on est en droit d’attendre que des données essentielles soient ainsi rendues lisibles par ceux qui les produisent, il sera souvent nécessaire que les associations deviennent elles-mêmes traductrices ou entrent en coproduction avec les producteurs de données, un chemin qui a été facilité par les cartographies collaboratives comme OpenStreetMap ». Ce chemin des coproductions est suivi aujourd’hui, par exemple, par l’Institut national de l’information géographique et forestière (IGN) dans son approche des « Géocommuns ».
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Deux tiers des Français impliqués dans la vie associative
Selon l'Insee, on comptabilise 1,3 million d'associations en activité en France et plus de 16 millions de bénévoles.
Selon une enquête récente de l'Institut National de la Jeunesse et de l'Éducation Populaire (Injep), deux tiers des 16 ans et plus déclarent en 2021 avoir été impliqués comme bénévoles, adhérents ou donateurs dans une association au cours des douze derniers mois.
Le bénévolat, don de temps souvent spontanément associé au secteur associatif, est la forme de participation la plus courante, mais pas la seule : il concerne un quart de la population. Plus largement, quatre personnes sur dix ont participé à une association comme bénévoles, militants, volontaires ou adhérents.
La moitié de la population a effectué au moins un don au cours des douze derniers mois, souvent pour des sommes annuelles inférieures à 50 € (pour les quatre cinquièmes des donateurs). Les seniors (65 ans et plus), qui disposent de davantage de temps libre, sont plus souvent bénévoles, tandis que les plus jeunes (16‑24 ans) sont plus fréquemment adhérents, notamment car ils sont plus souvent inscrits dans un club sportif.
L’héritage familial – avoir un membre de sa famille ou de son entourage impliqué dans une association à l’adolescence – reste déterminant. Le sexe, l’âge, les niveaux de revenus ou de diplômes, ou encore la configuration familiale ont un effet moindre.
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