La direction de l’évaluation, de la prospective et de la performance (DEPP) du Ministère de l’Éducation nationale, de la Jeunesse et des Sports a entrepris de faire le point sur « ce que l’on sait aujourd’hui de la place et l’utilisation du numérique à l’école ».
Cette synthèse s’appuie sur une décennie d’études, sur les publications récentes de la DEPP et sur les évaluations de plusieurs dispositifs mis en place pour développer la place du numérique dans l’enseignement (D’COL, les Collèges connectés, ou plus récemment le Plan numérique).
L’évolution de l'équipement numérique à l’école
Le nombre d’élèves par ordinateur a fortement diminué au cours de la dernière décennie dans le premier degré et au collège :- en maternelle, le nombre d’élèves par ordinateur est passé de 25,3 à 15,9 élèves pour un ordinateur entre 2009 et 2019 ;
- sur la même période, il est passé de 11,6 à 6,9 en élémentaire et de 8,1 à 3 au collège ;
- Au lycée, l’indicateur reste relativement stable depuis 2010, en raison d’un taux d’équipement déjà élevé (il est passé de 3,1 à 2,3 entre 2010 et 2019).
La DEPP observe, en outre, une forte augmentation du pourcentage d’établissements et d’écoles dont le projet fait référence aux technologies de l’information et de la communication.
Les pratiques pédagogiques en lien avec le numérique : fréquence, sentiment d’efficacité et besoins de formation
Si les enseignant.e.s utilisent largement les outils numériques pour préparer leurs cours (94 % pour le premier degré et 88 % pour le second degré), il-elle.s sont moins nombreux.ses à les utiliser pour guider les séances en classe (respectivement, 50 % et 70 %) et encore moins nombreux.ses à laisser les élèves utiliser les TIC pour des projets ou travaux en classe (respectivement, 14 % et 36 %).Une enquête avait porté spécifiquement en 2019 sur les pratiques pédagogiques mises en place dans l’enseignement des mathématiques. En 2019, l’outil numérique le plus utilisé par les collégien.ne.s de 3e en mathématiques était la calculatrice : 56 % des enseignant.e.s déclaraient faire « très souvent » travailler leurs élèves avec une calculatrice, alors qu’il.elle.s n’étaient qu’entre 3 et 5 % à faire utiliser « très souvent » un logiciel de géométrie dynamique, un tableur ou même une banque d’exercice en ligne.
Une moindre intégration pédagogique des outils numériques par les enseignant.e.s
Les données Enquête PériODique sur l’Enseignement (EPODE) indiquent que « l’utilisation pédagogique du numérique est considérée comme la pratique la moins prioritaire et la moins faisable par les professeurs de collège, et se distingue également comme la pratique pédagogique la moins répandue ».L’utilisation du numérique par les enseignant.e.s dans le premier degré où est encore plus faible qu’au collège ; son degré de priorité est pourtant comparable dans les deux degrés.
Des enseignant.e.s de plus en plus formé.e.s au numérique dans le cadre de la formation initiale
En 2018, 53 % des enseignant.e.s exerçant en classe élémentaire (et 51 % des enseignant.e.s de collège) indiquaient que leur formation initiale abordait l’utilisation des TICECe constat masque, toutefois, des disparités selon la date d’obtention de leur diplôme :
- Seulement 21 % des professeur.e.s des écoles ayant obtenu leur diplôme avant 1996 indiquent avoir abordé le numérique dans le cadre de leur formation initiale, contre 85 % de ceux-celles diplômé.e.s après 2008 ;
- Dans le second degré, seulement 18 % des enseignant.e.s ayant obtenu leur diplôme avant 1996 indiquent avoir abordé le numérique durant leur formation initiale, alors qu’il-elle.s sont 74 % parmi ceux-celles diplômé.e.s après 2008.
Mais souvent insatisfait.e.s par cette formation
La DEPP observe aussi des écarts de satisfaction des enseignant.e.s à l’égard de leur formation initiale selon la date d’obtention du diplôme, l’ancienneté ou encore le territoire d’exercice. « Ainsi, les enseignants ayant une plus faible ancienneté (moins de 5 ans) sont plus nombreux que ceux ayant plus d’ancienneté à se sentir très satisfaits de leur formation initiale s’agissant des contenus liés au numérique éducatif (dans le premier comme dans le second degré), mais également plus nombreux à assister à des formations continues dans ce domaine dans le premier degré ».Malgré les évolutions intervenues dans la formation initiale, parmi ceux-celles déclarant avoir abordé l’utilisation des TICE à cette occasion, il-elle.s ne sont que 25 % à déclarer être satisfait.e.s de leur préparation à ce sujet dans le premier degré contre 47 % dans le second degré.
La formation continue au numérique peut pallier les limites de la formation initiale : seuls 34 % des enseignant.e.s français du premier degré et 50 % dans le second degré avaient participé, selon une enquête réalisée en 2018, à une formation liée aux TICE au cours des 12 derniers mois.
« Les limites évoquées en matière de formation peuvent expliquer que les pratiques pédagogiques utilisant le numérique pour l’apprentissage soient peu développées. [….] Il se pourrait alors que l’utilisation des TIC en classe, comme nouvelle méthode d’enseignement, soit freinée par le niveau trop faible de sentiment de préparation dans ce domaine ».Les compétences des élèves en lien avec le numérique
Les élèves sont aujourd’hui, de toute évidence, des élèves « connectés » avec une probabilité importante d’avoir leur propre téléphone portable (smartphone bien souvent) et/ou tablette numérique.83% des parents de collégien.ne.s et lycéen.ne.s déclarent que leur enfant possédait au moment de du confinement son propre téléphone, 45 % qu’il avait son propre ordinateur et 24 % sa propre tablette.
La possession par les élèves d’outils numériques personnels semble toutefois différer selon l’origine sociale des parents et leur établissement de scolarisation. Par exemple, on observe que 34 % des collégien.e.s scolarisé.e.s dans un établissement privé ont leur propre ordinateur, contre 26 % pour ceux scolarisé.e.s en éducation prioritaire.
Les compétences numériques des élèves français dans la moyenne au regard des enquêtes internationales
Selon l’évaluation ICILS (International Computer and Information Literacy Study) 2018 de l’IEA (Association internationale pour l’évaluation du rendement scolaire), la France obtient un score moyen de 499 en littératie numérique, juste un peu au-dessus de la moyenne internationale des pays participant à l’enquête.« Ce score signifie qu’en moyenne, les élèves savent utiliser un ordinateur pour les tâches élémentaires de collecte mais aussi de gestion de l’information. Il est toutefois important de noter que seuls 40 % des élèves français atteignent ce niveau. Ils savent apporter des modifications simples et ajouter du contenu aux documents numériques existants. Ils savent aussi créer des documents d’information simples en respectant les règles de mise en page. Ils manifestent une connaissance des mécanismes de protection des informations. Ces résultats ébranlent le mythe du « digital native » selon lequel les élèves des générations récentes ayant grandi dans un environnement marqué par le développement d’Internet et des nouvelles technologies auraient plus de facilité à utiliser le numérique ».L’évaluation ICILS s’intéresse également à la pensée informatique. « La France obtient un score moyen de 501, un point au-dessus de la moyenne internationale. Cela signifie qu’en moyenne les élèves français savent mettre en place sur l’ordinateur des solutions simples à des problèmes réels ».
La présence plus importante des outils numériques dans le quotidien des jeunes n’est pas toujours associée à une progression dans les apprentissages, commente la DEPP : « Ceci est notamment dû au fait que les tâches requises dans les apprentissages scolaires diffèrent des tâches effectuées par les élèves dans leur utilisation personnelle des outils. En effet, ils utilisent les outils numériques (téléphone, tablette, ordinateur) essentiellement pour envoyer des messages, se connecter sur les réseaux sociaux, jouer ou regarder des vidéos. Dans un cadre scolaire, si les outils numériques sont utilisés, c’est plutôt pour effectuer des recherches, créer des documents écrits ou des présentations orales, ou encore pour programmer en informatique ».
Que ce soit dans les premier ou second degrés, les filles ont de meilleurs scores, en moyenne, que les garçons. D’autre part, les élèves d'Enseignement professionnels sont surreprésentés dans les groupes les moins performants et sous-représentés dans les groupes les plus performants. Il en va de même pour les élèves des établissements à faible indice de position sociale. (Ces résultats sont confirmés par l’évaluation internationale ICILS).
Un bilan nuancé de trois dispositifs récents
Plusieurs études dans la littérature internationale suggèrent que l’utilisation du numérique en classe favoriserait le développement de compétences transversales (persévérance, confiance en soi, autonomie, curiosité, etc.) identifiées comme des atouts pour la réussite scolaire mais aussi pour la "réussite" future.La DEPP s’appuie ici sur les résultats de trois dispositifs mis en place dans le but de développer la place du numérique dans l’enseignement et l’apprentissage : D’COL, les Collèges connectés, le Plan numérique de 2015.
- D’COL, un dispositif numérique d’aide aux élèves de 6e en difficulté, déployé dans les collèges de l’Enseignement professionnel: « si l’on n’observe pas d’effet global du dispositif sur les apprentissages des élèves pris dans leur ensemble, D’COL semble améliorer en revanche, en mathématiques et en anglais principalement, les résultats des élèves les plus faibles. Les équipes pédagogiques, ainsi que les élèves concernés par le dispositif, estiment que celui-ci favorise l’autonomie, la confiance en soi et la motivation des élèves ».
- Dispositif « Collèges connectés » mis en place à partir de la rentrée 2013 : au niveau national, 72 collèges ont été sélectionnés pour bénéficier d'investissements spécifiques et d’un accompagnement pour leur permettre d'intégrer plus largement le numérique dans les enseignements et la vie scolaire. « L’intégration du numérique dans les enseignements et la vie scolaire semble très liée à l’équipement effectif des collèges, à l’action du chef d’établissement, à l’accompagnement dont les enseignants bénéficient ainsi qu’aux représentations qu’ils ont du numérique en général et de son utilisation pour leur métier ». « Les professeurs des collèges connectés de la première phase sont plus nombreux à faire utiliser les outils numériques en classe par leurs élèves. Cette utilisation régulière des outils numériques en classe par les élèves va de pair avec une mise en œuvre plus fréquente de pratiques pédagogiques « actives », mettant en avant des activités d’expérimentation, promouvant le travail de groupe ou la différenciation »
- Plan Numérique pour l’Education de 2015 : le principal volet de ce Plan portait sur la distribution, via des appels à projets, d’équipements numériques mobiles (tablettes principalement) aux collèges pour un usage individuel ou collectif, en classe et/ou à la maison. Ces tablettes ont pu être distribuées de manière individuelle aux collégiens (équipements individuels mobiles – EIM) ou de manière collective aux collèges sous la forme de classes mobiles (CM). En fin de 5e, on observe un effet positif des équipements individuels mobiles (EIM) sur les résultats des élèves en compréhension orale du français et sur leurs compétences numériques. En fin de 4e, les résultats des élèves bénéficiaires d’EIM connaissent également une évolution positive en compréhension écrite du français et en mathématiques par rapport aux élèves non équipés. Un impact positif des Classes mobiles s’observe également sur les compétences mathématiques et numériques des élèves de 4e en fin d’année scolaire. La disponibilité d’équipements individuels mobiles conduit les enseignant.e.s à intégrer davantage le numérique dans leurs pratiques professionnelles, tandis que la disponibilité de Classe mobile reste en revanche sans effet.
- La note de la DEPP propose, en annexe, une bibliographie très détaillée.
- Les jeux de données sur lesquels elle s’appuie sont en open data sur data.education.gouv.fr.
Référence :