Le Secrétariat général à la planification écologique (SGPE) a publié en décembre 2023 une proposition de feuille de route intitulée «Numérique et données pour la planification écologique ».
Réalisée avec plus de 300 agents publics nationaux et territoriaux, cette feuille de route propose des pistes, secteur par secteur thématique, pour mieux utiliser les données à disposition et assurer leur partage à des fins de pilotage et d’analyse des politiques publiques.
Ce document très dense (259 pages) identifie et détaille 147 actions au total.
Référence :
« Le numérique doit aider à changer le système actuel, non à l’optimiser encore davantage »
Dans une introduction en forme de manifeste, les auteurs de la feuille de route abordent, longuement, la raison d’être (le « pourquoi ?») de cette feuille de route : « Face au défi majeur et systémique que représente la transition écologique et compte tenu de l’urgence avec laquelle on doit agir, le numérique est un outil indispensable pour cibler les actions les plus efficaces, gérer la complexité, réduire les délais, modéliser, anticiper les crises, mettre en réseau, mobiliser (…) Le numérique doit aider à changer le système actuel, non à l’optimiser encore davantage ».
Ils s'attachent ensuite à expliquer la méthode (le « comment ») pour mettre en oeuvre la feuille de route : « Pour qu’un projet numérique soit un succès, il est souvent nécessaire qu’un grand nombre d’acteurs fassent leur part de façon coordonnée (développer les standards nécessaires, mettre à disposition les données, créer l’interface, déployer l’outil, former les utilisateurs…) ».
Dans la logique de « plateforme publique » qui sous-tend la feuille de route, « la puissance publique édicte des règles socles relatives à l’éthique, la sécurité et l’interopérabilité des outils numériques. Elle construit également les infrastructures socles. Il s’agit de bases de données d’identité ou métier, qui sont diffusées en open data ou partagées à un cercle donné d’acteurs via des infrastructures ad hoc. Ces fondations doivent être robustes et pragmatiques. Sans elles, on construit tout le reste sur du sable ».
Cette logique de plateforme publique « permet de répartir les rôles entre le public et le privé. (…) Cette collaboration passe par les briques numériques mutualisées, en situation de monopole sur le périmètre géographique pertinent, publiques, auxquelles se raccordent des services numériques, souvent de l’ordre du secteur concurrentiel et privés ».
Huit thématiques cartographiées
Les travaux ont été structurés autour des huit thématiques de la planification écologique France Nation Verte. : « mieux se déplacer », « mieux se loger », « mieux préserver les ressources », « mieux préserver la biodiversité «, « mieux produire », « mieux se nourrir », « mieux consommer » et « transversal ».
Soucieux de représenter visuellement les objectifs et les chantiers de la feuille de route, ses auteurs ont mobilisé les métaphores du bâtiment et des « briques » pour cartographier chacune des huit thématiques.
A chaque thématique (bâtiment) sont ainsi associées plusieurs types de « briques numériques » : fondations (règles et infrastructures-socles), « murs » (les services numériques), toit (les observatoires). « Chaque brique repose sur celles situées en-dessous. Les dysfonctionnements observés sur la partie émergée de l’iceberg, par exemple le manque d’interopérabilité des services numériques (murs du bâtiment) ou le manque de cohérence des données des observatoires (toit du bâtiment), sont très souvent dus aux dysfonctionnements ou à l’absence de fondations robustes ».
Chacune des 147 briques identifiées comme prioritaires fait l’objet d’une « action » numérotée. Chaque brique (action) est documentée : enjeux métier, état des lieux, sous-actions à entreprendre, porteurs (administrations centrales, opérateurs, territoires), un porteur principal et un calendrier indicatif.
Et des cas d’usage pour chaque thématique
A chacune des huit thématiques, sont associés, par ailleurs, des cas d’usage que la feuille deroute ebisage de traiter prioritairement :
- Mieux se déplacer : « Analyser et planifier la mobilité »
- Mieux se loger : « la consommation énergétique des logements », « Améliorer le parcours citoyen pour la rénovation »
- Mieux préserver les ressources : « Prévoir la ressource en eau et gérer les crises », « Gérer le recul du trait de côte »
- Mieux préserver la biodiversité : « Prendre en compte la biodiversité dans les décisions d’urbanisme »
- Mieux produire : « Déployer efficacement les énergies renouvelables »
- Mieux se nourrir : « Valoriser la qualité des sols »
- Mieux consommer : « Fiabiliser et harmoniser la mesure d’un coût environnemental »
- Cas d’usage transversaux : « Outiller les citoyens », « Outiller les territoires »
Chaque cas d’usage donne lieu à une explicitation des enjeux métier et de l’état des lieux relatif à l’outillage numérique et aux données associés, ainsi que les indicateurs d’impact.
« Ce travail sur les cas d’usage permet de définir quelles sont les actions prioritaires de la thématique. A l’inverse, le travail cartographique permet de savoir tout ce qui existe (..) et de penser l’urbanisation des briques de façon systémique : qui repose sur quoi ? qui doit être interopérable avec quoi ?».
Identifier les briques manquantes ou à consolider
Le principal apport de cette feuille de route est qu’elle permet de dévoiler « ces briques souterraines pour initier, débloquer, sécuriser ou accélérer leur développement et leur intégration dans toutes les briques supérieures ». Elle s’attaque ainsi « à plusieurs serpents de mer dont le bon fonctionnement est essentiel si on souhaite professionnaliser, industrialiser et passer rapidement à l’échelle pour être au rendez-vous de l’urgence écologique ».
Parmi les briques manquantes ou à renforcer figurent ainsi des identifiants clé (comme les identifiants des locaux et des bâtiments ou l’identifiant parcellaire agricole), des bases de données métier (comme l’information temps réel des transports publics, la qualité des sols, les impacts environnementaux des produits alimentaires réels ou les données sur la réparabilité, la durabilité et l’impact environnemental des produits réels.
« Faire évoluer les gouvernances des communs numériques vers des modèles davantage publics ou les constituer lorsqu’ils n’existent pas »
« Toutes les thématiques ont fait émerger le besoin de partager des données entre un cercle restreint d’acteurs privés et publics pour mettre en œuvre leurs politiques de planification écologique ». La feuille de route pointe ici l’importance des infrastructures de diffusion de données qui permettent de distribuer de façon sécurisée et encadrée juridiquement les données en open data, de les partager ou de les rendre accessibles à un cercle restreint d’acteurs, lorsqu’elles n’ont pas vocation à être ouvertes.
« Historiquement, pour faire face à cette nécessité, ce sont souvent des acteurs externes privés ou associatifs qui ont construits les infrastructures de partage nécessaires. Néanmoins, les gouvernances associées posent des problèmes de continuité, de souveraineté et de neutralité. Pour permettre le déploiement de ces infrastructures et l’industrialisation des politiques publiques associées, il est donc essentiel de faire évoluer leur gouvernance vers des modèles davantage publics, ou de les constituer lorsqu’elles n’existent pas. Les acteurs privés numériques peuvent contribuer à construire ces infrastructures, mais en tant que prestataires non en leur nom, sans quoi les critères (continuité, souveraineté ne peuvent être assurés ».
Rationaliser les observatoires pour le suivi et le pilotage de la planification écologique
« Le foisonnement des observatoires publics et privés rend difficilement lisible le suivi et l’évaluation de l’impact des actions menées ». Ce foisonnement des observatoires répond au foisonnement des objectifs et des plans nationaux concourant à la transition écologique (stratégies transversales ou sectorielles, feuilles de route, programmes pluriannuels, etc.).
Si la feuille de route annonce mise en place de nouveaux observatoires (comme celui de la haie ou celui de la décarbonation de l’industrie, et du transport de marchandise et de la logistique), elle prévoit aussi la rationalisation des observatoires existants et leur mise en cohérence avec le tableau de bord de la planification écologique, qui accompagne le Plan Nation Verte.
Anticiper les données pour l’adaptation et la gestion de crise
La feuille de route est aussi l’occasion de renforcer une approche systémique dans l’utilisation des données pour l’anticipation et la gestion des crises environnementales. Un groupe de travail interministériel a identifié une dizaine de grands types de crises relatives au changement climatique et à l’effondrement de la biodiversité : inondations, glissements de terrain, cavités souterraines et érosion du trait de côte, événements météorologiques atmosphériques, feux de forêts, sécheresse, canicule, dégradation de la qualité de l’air, risques sanitaires, épizooties et épidémies vectorielles, crises dites prospectives
Il arrive que les données ne soient pas disponibles sur tout le territoire (comme, l’ensemble des terrains susceptibles d’être impactés par le détachement d’un glacier) ou encore que la fréquence d’actualisation des données ne soit pas au rendez-vous. S’agissant, par exemple, du suivi de l’apparition de nouvelles espèces exotiques envahissantes ou de nuisibles, « les dispositifs actuels imposent une qualification très avancée des données qui est certes nécessaire à leur réutilisation scientifique mais qui entraîne des délais d’exposition souvent longs, incompatibles avec un suivi rapproché du sujet ».
« De façon générale, les sources d’informations sont très dispersées et rarement accessibles de façon fluide. Cela entraîne la construction de canaux de remontées parfois complexes, pensés au cas par cas plutôt que dans une logique systémique », ajoutent les auteurs de la Feuille de route. « Il est donc nécessaire d’identifier l’ensemble des sources de données et de les exploiter de façon satisfaisante (…). Il est également indispensable de mettre en place des retours d’expérience s’intéressant au croisement des crises entre elles afin de traiter ces cas particulièrement complexes ».
La création de nouveaux dispositifs pendant la crise même est toujours délicate : le Centre national de commandement stratégique travaille ainsi à la conception d’un outil national de pilotage de la crise par la donnée, dimensionné et adapté à tout type de crise.
Un « comité stratégique Numérique et Données » et des comités thématiques
Pour répondre au besoin de décloisonnement et de portage politique, un « comité stratégique Numérique et Données » France Nation Verte sera créé. Co-présidé par le SGPE et la DINUM, il rassemblera régulièrement les parties prenantes du dispositif pour répartir les fonds, coordonner et sécuriser l’ensemble du programme.
La structuration des nouveaux moyens financiers alloués au chantier sera cohérente avec cette gouvernance. Ces moyens ne seront pas répartis acteur par acteur, mais action par action, afin de décloisonner les projets et donc les données. Comme les financements globaux de la planification écologique, ils s’inscriront dans une logique pluriannuelle. 120 postes (ETP) seront alloués aux administrations centrales impliquées.
En raison de la portée et de l’ampleur de la feuille de route, des comités thématiques structurés seront mis en place autour des thématiques de France Nation Verte.
Vers une territorialisation de la feuille de route « numérique et données »
Le chantier « numérique et données » de France Nation Verte a impliqué les services de l’état et les représentants des collectivités territoriales pour co-construire dès l’amont une feuille de route commune. « Néanmoins, les cartographies produites se contentent d’une description générique des briques régionales. Elles ne rentrent pas dans les spécificités territoriales afin de garder une forme de lisibilité ». Pour territorialiser la feuille de route, compte tenu de la complexité du sujet et du nombre d’acteurs impliqués, une méthode de travail a été testée avec le territoire breton en mai et juin 2023.
Une offre d’ingénierie relative au Numérique et aux Données sera mise à disposition des territoires par l’IGN, le Cerema, l’ADEME, l’OFB, l’ANCT et la CDC.
Prochaines étapes
Cette frise reprend les actions principales des 147 actions de la feuille de route.
Le calendrier est indicatif : en fonction de la poursuite des travaux en interne, il pourra évoluer.