De nombreux rapports ont été publiés ces dernières années alertant sur l’empreinte carbone du secteur et son évolution. Selon le rapport de la mission d’information sur l’empreinte environnementale du numérique du Sénat, l’empreinte carbone de celui-ci pourrait augmenter de manière significative si rien n’est fait pour la limiter (+ 60 % d’ici à 2040 soit 6,7 % de l’empreinte carbone nationale).
Si toutes les études concordent dans les tendances et ordres de grandeur à l’œuvre, en particulier concernant la question de l’empreinte carbone, elles comprennent néanmoins des variations importantes. Ces variations tiennent pour l’essentiel aux méthodologies d’évaluation et aux données mobilisées.
Le Gouvernement a confié à l’ ADEME (Agence de la transition écologique) et à l’Arcep (Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse) la réalisation d’une étude conjointe sur l’évaluation de l’impact environnemental du numérique en France.
Un impact environnemental concentré sur les terminaux
L’essentiel de l’impact environnemental du numérique provient des terminaux, quel que soit l’indicateur considéré parmi les quatre identifiés. Ils représentent a minima 65 % des impacts et jusqu’à plus de 90 % pour l’épuisement des ressources abiotiques naturelles (métaux et minéraux).Si l’impact des téléphones est substantiel, il est loin d’être majoritaire. Les mesures visant l’allongement de la durée d’usage des terminaux doivent en conséquence aller bien au-delà de ces derniers.
Les équipements IoT (Internet des Objets) représentent pour l’heure une part assez faible (moins de 7 %) de l’empreinte des terminaux. Leur potentiel de développement de marché pourrait cependant modifier les effets environnementaux associés.
Au sein de la catégorie « écrans et matériel audiovisuel », les box TV représentent une part assez marginale de l’impact environnemental alors que les téléviseurs représentent une part largement majoritaire (probablement liée aussi, à un niveau d’équipement des foyers français supérieur aux autres écrans considérés) suivis des écrans d’ordinateurs. « Il paraît donc nécessaire d’adresser l’impact environnemental de l’ensemble des terminaux et notamment des plus dimensionnants d’entre eux (téléviseurs, ordinateurs, etc.). »
La part prépondérante des serveurs dans l’empreinte environnementale des centres de données
Les centres de données représentent le second vecteur d’impacts environnementaux.En analysant plus en détail les équipements constituant un centre de données, ce sont les serveurs en particulier et le stockage dans une moindre mesure qui génèrent le plus d’impact sur l’épuisement des ressources abiotiques naturelles (métaux et minéraux) et l’empreinte carbone. « L’impact des centres de données sur l’épuisement des ressources abiotiques naturelles (fossiles) et les radiations ionisantes est essentiellement dû à la consommation d’énergie des serveurs et des lots techniques. Ce sont les serveurs qui dans tous les cas génèrent le plus d’impact via leur fabrication et leur utilisation ».
L’étude met en évidence le rôle des serveurs d’entreprises et de colocation (centres de données au sein desquels plusieurs clients hébergent et opèrent leurs propres équipements informatiques) qui sont à l’origine de l’essentiel des impacts (plus de 80 % pour chaque indicateur environnemental). « L’étude ne permet cependant pas de déterminer dans quelle mesure ces résultats sont le fruit d’un effet « volume » lié au nombre de serveurs d’entreprises et de colocation ou si un sujet particulier doit être adressé. Par ailleurs, il convient de noter que ce sont uniquement les centres de données présents sur le territoire national qui sont modélisés ».
Les réseaux, troisième vecteur d’impacts environnementaux
Sur l’ensemble des trois briques (terminaux, centres de données, réseaux), ces derniers représentent le dernier vecteur d’impacts environnementaux pour les quatre indicateurs considérés : de l’ordre de 5 % des impacts environnementaux du numérique pour l’empreinte carbone et un peu plus de 10 % pour l’épuisement des ressources abiotiques naturelles et les radiations ionisantes.Les réseaux fixes concentrent la majorité des impacts (entre 75 et 90 % des impacts suivant l’indicateur). « Rapporté à la quantité de Go consommée sur chaque réseau, l’impact environnemental des réseaux fixes devient inférieur à celui des réseaux mobiles. Par Go consommé, les réseaux mobiles ont près de trois fois plus d’impact que les réseaux fixes pour l’ensemble des indicateurs environnementaux étudiés ».
En effet, ajoutent les auteurs du rapport, « les réseaux ont une consommation très largement fixe et indépendante du trafic (plutôt fonction du degrés de couverture géographique). L’augmentation du trafic a donc pour effet de baisser l’impact environnemental par Go de données et peut augmenter l’impact environnemental total associé aux réseaux mais pas de manière proportionnelle ».
« Tous les acteurs de l’écosystème doivent prendre leur part pour un numérique soutenable »
« Cette étude permet d’affiner l’évaluation de l’impact environnemental du numérique », observent, en conclusion les auteur.trice.s du rapport.« Au-delà de l’évaluation elle-même, observe en conclusion les auteurs, l’étude confirme la complexité de l’exercice et identifie les obstacles les plus structurants à lever afin d’améliorer la mesure. (…) Elle a ainsi permis d’identifier quatre indicateurs environnementaux pertinents pour décrire l’impact environnemental du numérique en France renforçant la nécessité d’avoir une approche ACV multicritère :
- les radiations ionisantes,
- l’épuisement des ressources abiotiques naturelles (métaux et minéraux),
- l’épuisement des ressources abiotiques naturelles (fossiles),
- l’empreinte carbone. »
Pour autant, la question doit être adressée globalement :
« En effet, cette répartition d’impact ne doit pas occulter la dimension écosystémique du numérique : l’interdépendance entre terminaux, réseaux et centres de données créée par les usages doit être prise en compte dans l’élaboration de politiques publiques adressant le sujet de l’impact environnemental du numérique dans son ensemble. Tous les acteurs de l’écosystème doivent prendre leur part pour un numérique soutenable ».
Les travaux de l’Ademe et de l’Arcep devraient aider à lever certains des obstacles identifiés. En particulier, les travaux de l’ADEME afin de préciser les méthodologies existantes pour des catégories de produits continuent. De son côté, l’Arcep poursuit ses travaux pour la définition d’un baromètre environnemental du numérique.
« L’ADEME et l’Arcep continueront leur collaboration dans la dernière phase de cette étude, relative à l’élaboration de scénarii prospectifs, et plus généralement dans le cadre de l’observatoire des impacts du numérique » (créé par la loi visant réduire l'empreinte environnementale du numérique en France).
Références :