En 2021, l’Agence de la transition écologique (ADEME) a proposé une nouvelle façon pour l’acteur public de participer au financement du développement et du maintien des communs : l’Appel à communs.
L’Appel à communs vise à soutenir la réalisation de communs, c’est-à-dire des ressources (donnée, logiciel, matériel) mises en partage et alimentées par une communauté qui développe une gouvernance et des règles (notamment la licence) pour les gérer et les protéger. En cela, un commun peut aussi être regardé comme une ressource nécessaire et non compétitive dans un domaine. Les acteurs ont donc intérêt à s’organiser pour mutualiser son développement, à le faire grandir et éventuellement à en faire un standard. L’Appel à commun permet ainsi de synchroniser des dynamiques individuelles et collectives, des contributeurs, des besoins et des ressources, en s’appuyant sur l’expérience de l’ADEME en matière de Fabriques (notamment fabriques des Mobilités et de la Logistique).
L’Appel à commun se distingue des Appels à projets traditionnels en ce qu’il n’a pas pour intention première de susciter de nouveaux projets, mais au contraire vise-t-il à maximiser l’effet de réseau entre projets existants. Cela passe par la promotion et l’accompagnement à la diffusion sous licences ouvertes des productions ; l’encouragement au développement des communautés autour des projets ; la mutualisation des outils et ressources entre projets ; et la co-construction des problématiques à adresser.
Cette initiative, qui associe un nombre croissant de financeurs publics, constitue une avancée importante relativement aux formes que peut prendre la participation des acteurs publics au développement et au maintien de communs numériques. La démarche est encore jeune, mais il est dès à présent de revenir sur l’édition de 2021 et de présenter la seconde récemment lancée.
Retour sur la première édition de l’Appel à communs
En 2021, l’ADEME a déployé son premier Appel à communs sur le sujet de la résilience des territoires.
Une première édition consacrée à la résilience des territoires
La résilience des territoires se définit comme la capacité à anticiper des perturbations, brutales ou lentes ; d’en atténuer ou absorber les effets ; de se relever et de rebondir grâce à l’apprentissage, l’adaptation et l’innovation ; et d’évoluer vers un nouvel état en « équilibre dynamique » préservant ses fonctionnalités. Elle reflète ainsi des propriétés particulièrement intéressantes en matière de prévention des risques et des catastrophes : capacités d’apprentissage collectif et individuel, capacités d’agir en conciliant des échelles de temps très différentes, aptitude à la gouvernance, dynamisme et créativité, démocratie et ouverture.
Ce premier Appel à communs avait ainsi pour objectif de rassembler tous les acteurs volontaires pour produire des ressources ouvertes – les communs numériques ou matériels – permettant d’accroître la résilience des territoires, dans une logique d’adaptation aux changements climatiques, par la création et le partage de ces communs. Cette production collaborative de ressources ouvertes supposait la création d’outils numériques : plateformes technologiques, données ouvertes, logiciels libres, etc. Afin d’accompagner cette action, plusieurs outils dédiés ont été mis en place : un wiki (regroupant connaissances, retours d’expérience, protocoles, territoires d’expérimentation, etc.), un forum d’échanges et des webinaires réguliers destinés à favoriser les échanges au sein de la communauté.
La volonté de participer au développement de communs opérationnels
Afin de répondre à l’objectif qu’elle s’était fixé de participer au développement de communs apportant des solutions concrètes à la problématique de la résilience des territoires, l’ADEME, a identifié en lien avec la communauté concernée plusieurs défis concrets à adresser. Chacun de ces défis devait trouver une réponse qui réponde à un certain nombre de caractéristiques complémentaires :
justifier d’un ancrage au sein d’un territoire du monde francophone ;
présenter un plan de financement incluant 30 % de co-financement ou d’autofinancement – l’aide apportée dans le cadre de l’Appel à communs ne pouvant excéder 70 % – ainsi que les modalités de financement post-Appel à communs ;
détailler les impacts environnementaux du projet, à court et moyen termes et s’engager à publier certaines données en open data ;
justifier de l’intérêt du commun pour répondre à la problématique : expérience des porteurs, taille et dynamisme de la communauté, description des actions et livrables envisagés, estimation du rapport coût/impact du commun, participation du commun à l’intérêt général, etc.
garantir l’éligibilité du projet, notamment en assurant l’existence d’une structure juridique à-même de recevoir des aides publiques.
Une méthode d’évaluation innovante
Au-delà du financement, l’ADEME a envisagé l’Appel à communs comme un outil de développement des communs par la mutualisation de ressources et d’expériences. Ainsi, chaque projet désirant candidater à l’Appel devait renseigner un wiki, afin de se faire connaître des autres candidats, de sorte que des initiatives similaires se regroupent et se renforcent. La complétion du wiki emportait aussi une exigence de description exhaustive du commun, et notamment les acteurs liés ; la licence sous laquelle le projet sera partagé ; les besoins identifiés (hors financement dans un premier temps).
En parallèle et en s’appuyant sur cette complétion, chaque porteur de commun devait réaliser un diagnostic de son projet (dit auto-diagnostic) pour en identifier le niveau de développement, en répondant à une série de questions prédéfinies.
En plus de cet auto-diagnostic devant assurer que seuls des projets pertinents candidateront à l’Appel à communs, l’ADEME a mobilisé une équipe-conseil composée d’experts sur différents aspects des communs (juridique, communauté, financement) afin à la fois d’accompagner et d’évaluer les candidats à l’Appel à communs. Cette évaluation s’est faite selon des critères pondérés dont la liste était ouverte et accessible à tous via le wiki, dans un souci de transparence, et avait lieu par « vague » tous les trois mois, permettant aux projets d’apporter des modifications nécessaires dans le cas où ils n’auraient pas été retenus à la première candidature.
La mutualisation au cœur du dispositif
Nous l’avons vu, la mutualisation est centrale à l’Appel à communs dès la phase de candidature. Cette volonté de mise en commun des ressources et expériences souhaitée par l’ADEME se poursuit une fois les projets retenus, puisque ceux-ci doivent s’engager d’une part à documenter sur le wiki le projet de commun, tous les livrables, la démarche retenue et les méthodes mobilisées ; et d’autre part à animer 3 ateliers publics durant le déroulé des projets en cherchant à faire connaître leur projet de commun, élargir leur communauté et faire des liens entre communs. Dans la même logique, il est attendu des porteurs de projets qu’ils partagent ces derniers sous une licence ouverte de façon à s’inscrire dans la démarche d’intérêt général des communs.
Un premier retour d’expérience encourageant
De nombreuses ressources produites, mutualisées ou financées
À l’issue de ce premier Appel à communs, l’ADEME a produit avec l’équipe-conseil un retour d’expérience encourageant. En effet, outre le financement de 25 % des 80 projets candidats, ce premier Appel à communs a été l’occasion de produire et/ou mutualiser des ressources directement activables par les communs, au-delà du seul Appel à communs : une bibliothèque des communs et un annuaire des acteurs ayant participé à l’Appel, ainsi qu’une cartographie des ressources existantes ; mais surtout l’ensemble de la documentation produite par les communs ou l’équipe-conseil, partagée dans le wiki et sous licence libre de façon à pouvoir être réutilisée par tout projet de commun. En plus de cette mutualisation de ressource à l’échelle de l’ensemble des projets, l’Appel à communs a été vecteur de mutualisation renforcée entre projets. Ainsi, les communs CRISALIM et FILECO ont pu se partager réciproquement des compétences, tandis que les communs Bio-Scène et Data Patch sont allés encore plus loin puisqu’ils ont fusionné, appartenant tous deux au même secteur d’activité : la documentation des risques.
Par ailleurs, l’Appel à communs s’adresse également à des acteurs qui ne sont pas forcément sensibilisés au concept même de communs. En cela, l’Appel à communs est également vecteur d’acculturation aux communs comme mode d’action et de développement de ressources.
Par ailleurs, la mise en place de l’Appel à communs a également permis la montée en compétences des personnels de l’ADEME impliqués, relativement aux communs. Ainsi, 100% des expert·e·s de l'ADEME interrogé·e·s, ayant participé à l’Appel à communs déclarent que le maintien et le développement de commun leur paraît important pour accélérer la transition écologique dans leur domaine.
100% des expert·e·s ADEME sont convaincu·e·s de l'importance des communs dans la transition écologique
Selon une enquête menée en interne.
Sur le sujet concret de la résilience des territoires, de nombreux outils ont été proposés par les communs, allant de guides méthodologies à un jeu sérieux, en passant par des solutions logicielles ; toutes étant librement réutilisables et modifiables par les acteurs le souhaitant. Cette diversité se retrouve parmi la vingtaine de projets retenus au cours des trois vagues de sélection organisées, puisqu’y figurent notamment :
La Boîte à outils FILECO, conçue pour l’accompagnateur de projets de filières alimentaires de territoires. Elle propose trois outils :
un recueil de schémas d’organisation de filières, donnant une idée du niveau d’intégration et de coopération au sein de la filière, afin de permettre la construction d’un langage commun et de différents schémas types adaptables à une diversité de filières agricoles et alimentaires ;
des références technico-économiques simples sur les investissements et les postes de charges ;
une liste de points de vigilance à connaître en amont pour amener un collectif à se poser les bonnes questions et à se projeter dans un modèle d’entrepreneuriat en collectif adapté en réponse aux besoins du territoire.
Le Kit d’Alerte et d’Action pour la Résilience des Territoires (KAART), conçu pour alerter les décideurs locaux sur les enjeux de résilience de leurs territoires par des cahiers chocs différenciés et une campagne d’interpellation nationale et locale.
Le Diagnostic Mobilités, un guide méthodologique et un outil en open source pour réaliser un premier niveau de diagnostic territorial standardisé rapide sur la base de données EMD et INSEE ainsi que sur des données de trafics routiers quand elles sont disponibles à partir de la base nationale, et de l’appliquer sur différents territoires.
Le serious game Resilience, dont l’objectif est de faciliter l’appropriation par les territoires désireux de s’engager dans une démarche de résilience des nombreuses ressources qui pourraient les y aider mais qui demeurent éclatées, peu connues, peu accessibles.
LocoMotion, commun permettant à des voisin·e·s de se partager des voitures, vélos cargos, remorques à vélo tout en favorisant le lien social et l’émergence de communautés moins dépendantes de l’automobile individuelle. Lancé par l’organisme à but non-lucratif québecois Solon, il a été rejoint par Mobicoop avec pour objectifs :
de permettre son déploiement dans des territoires en dehors du Québec en renforçant sa robustesse
de poser les jalons d’un premier cas d’usage hors Québec, avec un pilote d’autopartage entre particuliers en zone rural porté par Mobicoop
Pas de vacance pour la vacance, un outil web qui permet d’intégrer la vacance longue durée dans un aménagement circulaire des territoires, en valorisant ses existants.
La rue commune, un guide permettant aux territoires et aux acteurs de la ville de développer un nouveau standard de rue ordinaire métropolitaine – post-carbone et post-covid – s’appuyant sur une transition forte des mobilités, et sur deux leviers d’action : la transformation du sol et la transformation de ses usages.
La première édition a fait ressortir quelques pistes d’amélioration formulées par l’équipe-conseil dont inno³ est membre, pour les éditions futures. Ainsi, il a été recommandé notamment de simplifier la phase d’instruction des projets et la contractualisation nécessaire à leur financement.
La co-construction des défis a aussi permis d’identifier et d’adresser des problématiques auxquelles sont confrontés un grand nombre d’acteurs. Ensuite, l’Appel à commun, en finançant uniquement des projets partagés sous licence ouverte, assure le développement de projets qui seront amenés à se diffuser et à fédérer une large communauté, jusqu’à devenir des standards. Enfin, l’Appel à commun permet la rencontre d’acteurs d’un même écosystème, facilitant la mutualisation de ressources existantes et le développement de coopérations par la suite.
De ce fait, l’Appel à communs semble constituer un outil extrêmement intéressant pour développer des communs qui continueront à évoluer et se développer hors du cadre initial de l’Appel. En effet, plus que le financement – pourtant essentiel – des projets, l’intérêt majeur de l’Appel à projet comme nouvelle modalité de participation de l’acteur public aux communs est la dynamique de coopération et de mutualisation entre acteurs qu’il impulse.
Quelles suites ?
Un des objectifs poursuivis par l’ADEME avec cette première édition de l’Appel à commun était d’en faire une preuve de concept, afin de favoriser la dissémination du dispositif et sa reprise par d’autres acteurs publics, notamment l’AFD et l’ANCT, partenaires de cette première édition.
Associant un nombre de partenaires publics plus important l’IGN (Institut national de l’information géographique et forestière) et l’ANCT et en collaboration avec la même équipe-conseil que lors de la première édition.,, l’ADEME a lancé une seconde édition dédiée cette année à la sobriété et la résilience des territoires.
Outre l’accompagnement de projets de communs, ce second appel à communs, dans la continuité du premier, nourrit des ambitions complémentaires. Il s’agit ainsi notamment de construire des formations à destinations des personnels de l’ADEME, afin de les encapaciter dans le recours et l’accompagnement aux communs. L’Appel à communs doit également permettre la constitution d’une base de connaissances communes, constituée notamment des apports de chaque projet au wiki, ainsi que des formations et accompagnements prodigués par l’équipe-conseil et mis à disposition sur le même outil.
L’accompagnement et la valorisation des communs restent cependant au cœur du dispositif. Ainsi, après évaluation des 25 projets éligibles, le 1ᵉʳ relevé de ce second Appel à communs « Sobriété et résilience des territoires » a abouti à la sélection par l’ADEME, l’IGN et l’ANCT de 6 communs lauréats :
Aequilibrae
Un outil libre et gratuit de simulation des déplacements permettant d’estimer les déplacements sur un territoire en fonction de situations (actuelles ou projetées) décrites à partir de données socio-économiques et de la prise en compte des différentes infrastructures de transport.
Aménagements prioritaires pour les véhicules intermédiaires
Un outil cartographique web associé à une méthodologie, permettant de caractériser, les zones à aménager en priorité en se basant sur des données existantes.
Baromètre du traitement médiatique des enjeux écologiques
Un outil alimenté par la communauté à son origine, et rendu disponible en libre accès sur un site ouvert qui permet de quantifier et d’analyser le traitement médiatique (audiovisuel et presse écrite) des enjeux écologiques.
Une plateforme de ressources open source sur la mesure d’impacts et l’évaluation à destination des tiers lieux et des lieux hybrides : ressources bibliographiques, état de l’art sur les enjeux d’évaluation, méthodologies et outils opérationnels y sont partagés afin d’encapaciter les lieux et leurs gestionnaires et de permettre la réalisation d’une première auto-évaluation des effets des lieux sur ces enjeux.
Une seconde vague de sélection de projets de communs est prévue pour le 24 novembre. Si vous êtes porteur d’un projet qui pourrait être récipiendaire d’un financement, toutes les modalités de candidature sont à retrouver ici.
Ce billet est une publication réalisée par le cabinet inno³ pour le compte du Labo Société Numérique de l'ANCT. Destinée à favoriser la structuration de communs numériques produits ou soutenus par l’administration, elle s’adresse à la fois aux acteurs porteurs de communs ainsi qu’aux personnes en charge d’accompagner ces démarches.
Qu'est-ce qu'un "Appel à communs" ? Retour sur l'initiative innovante de l'ADEME
En 2021, l’Agence de la transition écologique (ADEME) a proposé une nouvelle façon pour l’acteur public de participer au financement du développement et du maintien des communs : l’Appel à communs.
L’Appel à communs vise à soutenir la réalisation de communs, c’est-à-dire des ressources (donnée, logiciel, matériel) mises en partage et alimentées par une communauté qui développe une gouvernance et des règles (notamment la licence) pour les gérer et les protéger. En cela, un commun peut aussi être regardé comme une ressource nécessaire et non compétitive dans un domaine. Les acteurs ont donc intérêt à s’organiser pour mutualiser son développement, à le faire grandir et éventuellement à en faire un standard. L’Appel à commun permet ainsi de synchroniser des dynamiques individuelles et collectives, des contributeurs, des besoins et des ressources, en s’appuyant sur l’expérience de l’ADEME en matière de Fabriques (notamment fabriques des Mobilités et de la Logistique).
L’Appel à commun se distingue des Appels à projets traditionnels en ce qu’il n’a pas pour intention première de susciter de nouveaux projets, mais au contraire vise-t-il à maximiser l’effet de réseau entre projets existants. Cela passe par la promotion et l’accompagnement à la diffusion sous licences ouvertes des productions ; l’encouragement au développement des communautés autour des projets ; la mutualisation des outils et ressources entre projets ; et la co-construction des problématiques à adresser.
Cette initiative, qui associe un nombre croissant de financeurs publics, constitue une avancée importante relativement aux formes que peut prendre la participation des acteurs publics au développement et au maintien de communs numériques. La démarche est encore jeune, mais il est dès à présent de revenir sur l’édition de 2021 et de présenter la seconde récemment lancée.
Retour sur la première édition de l’Appel à communs
En 2021, l’ADEME a déployé son premier Appel à communs sur le sujet de la résilience des territoires.
Une première édition consacrée à la résilience des territoires
La résilience des territoires se définit comme la capacité à anticiper des perturbations, brutales ou lentes ; d’en atténuer ou absorber les effets ; de se relever et de rebondir grâce à l’apprentissage, l’adaptation et l’innovation ; et d’évoluer vers un nouvel état en « équilibre dynamique » préservant ses fonctionnalités. Elle reflète ainsi des propriétés particulièrement intéressantes en matière de prévention des risques et des catastrophes : capacités d’apprentissage collectif et individuel, capacités d’agir en conciliant des échelles de temps très différentes, aptitude à la gouvernance, dynamisme et créativité, démocratie et ouverture.
Ce premier Appel à communs avait ainsi pour objectif de rassembler tous les acteurs volontaires pour produire des ressources ouvertes – les communs numériques ou matériels – permettant d’accroître la résilience des territoires, dans une logique d’adaptation aux changements climatiques, par la création et le partage de ces communs. Cette production collaborative de ressources ouvertes supposait la création d’outils numériques : plateformes technologiques, données ouvertes, logiciels libres, etc. Afin d’accompagner cette action, plusieurs outils dédiés ont été mis en place : un wiki (regroupant connaissances, retours d’expérience, protocoles, territoires d’expérimentation, etc.), un forum d’échanges et des webinaires réguliers destinés à favoriser les échanges au sein de la communauté.
La volonté de participer au développement de communs opérationnels
Afin de répondre à l’objectif qu’elle s’était fixé de participer au développement de communs apportant des solutions concrètes à la problématique de la résilience des territoires, l’ADEME, a identifié en lien avec la communauté concernée plusieurs défis concrets à adresser. Chacun de ces défis devait trouver une réponse qui réponde à un certain nombre de caractéristiques complémentaires :
justifier d’un ancrage au sein d’un territoire du monde francophone ;
présenter un plan de financement incluant 30 % de co-financement ou d’autofinancement – l’aide apportée dans le cadre de l’Appel à communs ne pouvant excéder 70 % – ainsi que les modalités de financement post-Appel à communs ;
détailler les impacts environnementaux du projet, à court et moyen termes et s’engager à publier certaines données en open data ;
justifier de l’intérêt du commun pour répondre à la problématique : expérience des porteurs, taille et dynamisme de la communauté, description des actions et livrables envisagés, estimation du rapport coût/impact du commun, participation du commun à l’intérêt général, etc.
garantir l’éligibilité du projet, notamment en assurant l’existence d’une structure juridique à-même de recevoir des aides publiques.
Une méthode d’évaluation innovante
Au-delà du financement, l’ADEME a envisagé l’Appel à communs comme un outil de développement des communs par la mutualisation de ressources et d’expériences. Ainsi, chaque projet désirant candidater à l’Appel devait renseigner un wiki, afin de se faire connaître des autres candidats, de sorte que des initiatives similaires se regroupent et se renforcent. La complétion du wiki emportait aussi une exigence de description exhaustive du commun, et notamment les acteurs liés ; la licence sous laquelle le projet sera partagé ; les besoins identifiés (hors financement dans un premier temps).
En parallèle et en s’appuyant sur cette complétion, chaque porteur de commun devait réaliser un diagnostic de son projet (dit auto-diagnostic) pour en identifier le niveau de développement, en répondant à une série de questions prédéfinies.
En plus de cet auto-diagnostic devant assurer que seuls des projets pertinents candidateront à l’Appel à communs, l’ADEME a mobilisé une équipe-conseil composée d’experts sur différents aspects des communs (juridique, communauté, financement) afin à la fois d’accompagner et d’évaluer les candidats à l’Appel à communs. Cette évaluation s’est faite selon des critères pondérés dont la liste était ouverte et accessible à tous via le wiki, dans un souci de transparence, et avait lieu par « vague » tous les trois mois, permettant aux projets d’apporter des modifications nécessaires dans le cas où ils n’auraient pas été retenus à la première candidature.
La mutualisation au cœur du dispositif
Nous l’avons vu, la mutualisation est centrale à l’Appel à communs dès la phase de candidature. Cette volonté de mise en commun des ressources et expériences souhaitée par l’ADEME se poursuit une fois les projets retenus, puisque ceux-ci doivent s’engager d’une part à documenter sur le wiki le projet de commun, tous les livrables, la démarche retenue et les méthodes mobilisées ; et d’autre part à animer 3 ateliers publics durant le déroulé des projets en cherchant à faire connaître leur projet de commun, élargir leur communauté et faire des liens entre communs. Dans la même logique, il est attendu des porteurs de projets qu’ils partagent ces derniers sous une licence ouverte de façon à s’inscrire dans la démarche d’intérêt général des communs.
Un premier retour d’expérience encourageant
De nombreuses ressources produites, mutualisées ou financées
À l’issue de ce premier Appel à communs, l’ADEME a produit avec l’équipe-conseil un retour d’expérience encourageant. En effet, outre le financement de 25 % des 80 projets candidats, ce premier Appel à communs a été l’occasion de produire et/ou mutualiser des ressources directement activables par les communs, au-delà du seul Appel à communs : une bibliothèque des communs et un annuaire des acteurs ayant participé à l’Appel, ainsi qu’une cartographie des ressources existantes ; mais surtout l’ensemble de la documentation produite par les communs ou l’équipe-conseil, partagée dans le wiki et sous licence libre de façon à pouvoir être réutilisée par tout projet de commun. En plus de cette mutualisation de ressource à l’échelle de l’ensemble des projets, l’Appel à communs a été vecteur de mutualisation renforcée entre projets. Ainsi, les communs CRISALIM et FILECO ont pu se partager réciproquement des compétences, tandis que les communs Bio-Scène et Data Patch sont allés encore plus loin puisqu’ils ont fusionné, appartenant tous deux au même secteur d’activité : la documentation des risques.
Par ailleurs, l’Appel à communs s’adresse également à des acteurs qui ne sont pas forcément sensibilisés au concept même de communs. En cela, l’Appel à communs est également vecteur d’acculturation aux communs comme mode d’action et de développement de ressources.
Par ailleurs, la mise en place de l’Appel à communs a également permis la montée en compétences des personnels de l’ADEME impliqués, relativement aux communs. Ainsi, 100% des expert·e·s de l'ADEME interrogé·e·s, ayant participé à l’Appel à communs déclarent que le maintien et le développement de commun leur paraît important pour accélérer la transition écologique dans leur domaine.
100% des expert·e·s ADEME sont convaincu·e·s de l'importance des communs dans la transition écologique
Selon une enquête menée en interne.
Sur le sujet concret de la résilience des territoires, de nombreux outils ont été proposés par les communs, allant de guides méthodologies à un jeu sérieux, en passant par des solutions logicielles ; toutes étant librement réutilisables et modifiables par les acteurs le souhaitant. Cette diversité se retrouve parmi la vingtaine de projets retenus au cours des trois vagues de sélection organisées, puisqu’y figurent notamment :
La Boîte à outils FILECO, conçue pour l’accompagnateur de projets de filières alimentaires de territoires. Elle propose trois outils :
un recueil de schémas d’organisation de filières, donnant une idée du niveau d’intégration et de coopération au sein de la filière, afin de permettre la construction d’un langage commun et de différents schémas types adaptables à une diversité de filières agricoles et alimentaires ;
des références technico-économiques simples sur les investissements et les postes de charges ;
une liste de points de vigilance à connaître en amont pour amener un collectif à se poser les bonnes questions et à se projeter dans un modèle d’entrepreneuriat en collectif adapté en réponse aux besoins du territoire.
Le Kit d’Alerte et d’Action pour la Résilience des Territoires (KAART), conçu pour alerter les décideurs locaux sur les enjeux de résilience de leurs territoires par des cahiers chocs différenciés et une campagne d’interpellation nationale et locale.
Le Diagnostic Mobilités, un guide méthodologique et un outil en open source pour réaliser un premier niveau de diagnostic territorial standardisé rapide sur la base de données EMD et INSEE ainsi que sur des données de trafics routiers quand elles sont disponibles à partir de la base nationale, et de l’appliquer sur différents territoires.
Le serious game Resilience, dont l’objectif est de faciliter l’appropriation par les territoires désireux de s’engager dans une démarche de résilience des nombreuses ressources qui pourraient les y aider mais qui demeurent éclatées, peu connues, peu accessibles.
LocoMotion, commun permettant à des voisin·e·s de se partager des voitures, vélos cargos, remorques à vélo tout en favorisant le lien social et l’émergence de communautés moins dépendantes de l’automobile individuelle. Lancé par l’organisme à but non-lucratif québecois Solon, il a été rejoint par Mobicoop avec pour objectifs :
de permettre son déploiement dans des territoires en dehors du Québec en renforçant sa robustesse
de poser les jalons d’un premier cas d’usage hors Québec, avec un pilote d’autopartage entre particuliers en zone rural porté par Mobicoop
Pas de vacance pour la vacance, un outil web qui permet d’intégrer la vacance longue durée dans un aménagement circulaire des territoires, en valorisant ses existants.
La rue commune, un guide permettant aux territoires et aux acteurs de la ville de développer un nouveau standard de rue ordinaire métropolitaine – post-carbone et post-covid – s’appuyant sur une transition forte des mobilités, et sur deux leviers d’action : la transformation du sol et la transformation de ses usages.
La première édition a fait ressortir quelques pistes d’amélioration formulées par l’équipe-conseil dont inno³ est membre, pour les éditions futures. Ainsi, il a été recommandé notamment de simplifier la phase d’instruction des projets et la contractualisation nécessaire à leur financement.
La co-construction des défis a aussi permis d’identifier et d’adresser des problématiques auxquelles sont confrontés un grand nombre d’acteurs. Ensuite, l’Appel à commun, en finançant uniquement des projets partagés sous licence ouverte, assure le développement de projets qui seront amenés à se diffuser et à fédérer une large communauté, jusqu’à devenir des standards. Enfin, l’Appel à commun permet la rencontre d’acteurs d’un même écosystème, facilitant la mutualisation de ressources existantes et le développement de coopérations par la suite.
De ce fait, l’Appel à communs semble constituer un outil extrêmement intéressant pour développer des communs qui continueront à évoluer et se développer hors du cadre initial de l’Appel. En effet, plus que le financement – pourtant essentiel – des projets, l’intérêt majeur de l’Appel à projet comme nouvelle modalité de participation de l’acteur public aux communs est la dynamique de coopération et de mutualisation entre acteurs qu’il impulse.
Quelles suites ?
Un des objectifs poursuivis par l’ADEME avec cette première édition de l’Appel à commun était d’en faire une preuve de concept, afin de favoriser la dissémination du dispositif et sa reprise par d’autres acteurs publics, notamment l’AFD et l’ANCT, partenaires de cette première édition.
Associant un nombre de partenaires publics plus important l’IGN (Institut national de l’information géographique et forestière) et l’ANCT et en collaboration avec la même équipe-conseil que lors de la première édition.,, l’ADEME a lancé une seconde édition dédiée cette année à la sobriété et la résilience des territoires.
Outre l’accompagnement de projets de communs, ce second appel à communs, dans la continuité du premier, nourrit des ambitions complémentaires. Il s’agit ainsi notamment de construire des formations à destinations des personnels de l’ADEME, afin de les encapaciter dans le recours et l’accompagnement aux communs. L’Appel à communs doit également permettre la constitution d’une base de connaissances communes, constituée notamment des apports de chaque projet au wiki, ainsi que des formations et accompagnements prodigués par l’équipe-conseil et mis à disposition sur le même outil.
L’accompagnement et la valorisation des communs restent cependant au cœur du dispositif. Ainsi, après évaluation des 25 projets éligibles, le 1ᵉʳ relevé de ce second Appel à communs « Sobriété et résilience des territoires » a abouti à la sélection par l’ADEME, l’IGN et l’ANCT de 6 communs lauréats :
Aequilibrae
Un outil libre et gratuit de simulation des déplacements permettant d’estimer les déplacements sur un territoire en fonction de situations (actuelles ou projetées) décrites à partir de données socio-économiques et de la prise en compte des différentes infrastructures de transport.
Aménagements prioritaires pour les véhicules intermédiaires
Un outil cartographique web associé à une méthodologie, permettant de caractériser, les zones à aménager en priorité en se basant sur des données existantes.
Baromètre du traitement médiatique des enjeux écologiques
Un outil alimenté par la communauté à son origine, et rendu disponible en libre accès sur un site ouvert qui permet de quantifier et d’analyser le traitement médiatique (audiovisuel et presse écrite) des enjeux écologiques.
Une plateforme de ressources open source sur la mesure d’impacts et l’évaluation à destination des tiers lieux et des lieux hybrides : ressources bibliographiques, état de l’art sur les enjeux d’évaluation, méthodologies et outils opérationnels y sont partagés afin d’encapaciter les lieux et leurs gestionnaires et de permettre la réalisation d’une première auto-évaluation des effets des lieux sur ces enjeux.
Une seconde vague de sélection de projets de communs est prévue pour le 24 novembre. Si vous êtes porteur d’un projet qui pourrait être récipiendaire d’un financement, toutes les modalités de candidature sont à retrouver ici.
Ce billet est une publication réalisée par le cabinet inno³ pour le compte du Labo Société Numérique de l'ANCT. Destinée à favoriser la structuration de communs numériques produits ou soutenus par l’administration, elle s’adresse à la fois aux acteurs porteurs de communs ainsi qu’aux personnes en charge d’accompagner ces démarches.