Le numérique facilite la collaboration en invitant les organisations provenant de tout secteur confondu, à se rapprocher sous ce langage commun. Ainsi, la transformation numérique des organisations les amène à entrer dans une démarche d’ouverture et de collaboration, facilitée par le perfectionnement d’outils de travail collaboratif. Toutes les organisations sont naturellement amenées à s’ouvrir vers l’extérieur afin de développer en interne des projets externes, et réciproquement de valoriser à l’extérieur des projets initiés en interne. Pour toutes ces raisons, des acteurs de secteurs très divers s'intéressent aujourd'hui de près aux modèles ouverts. Conscients qu’ils ne peuvent plus maintenir leur compétitivité en innovant seuls, ils souhaitent aborder le marché sous un angle nouveau.
Le numérique est la source d’un nouvel élan pour les mouvements des communs, ce n’est donc pas une surprise si de plus en plus d’acteurs publics et privés se regroupent afin de faire émerger de tels communs comme alternatives viables aux logiques des acteurs dominants du numérique.
Ce phénomène repose néanmoins sur d’importants changements culturels, afin que tous les acteurs puissent pleinement bénéficier et contribuer à ces ressources communes.
Ce tutoriel s’adresse à toutes celles et tous ceux qui souhaitent développer un projet de commun numérique, ainsi qu’à toutes les personnes – publiques comme privées – impliquées dans le maintien ou le développement de tels projets. Il a pour objectif de répondre aux principales questions qui entourent l’émergence et la pérennisation de ces communs numériques.
Cet article s'appuie la version en constante évolution du tutoriel que vous retrouverez sur la boite à outils.
Préambule
Pourquoi un Tutoriel des Communs Numériques ?
Pour répondre à un besoin croissant d’acteurs, publics, mais également privés, qui souhaitent initier des démarches de communs numériques (soit pour ouvrir des ressources qu’ils développent ou détiennent, soit pour contribuer à des ressources tierces pré-existantes ou à construire, etc.) et qui cherchent un accompagnement.
Il s’agit donc d’apporter des pistes réponses concrètes à leurs interrogations, de lever peu à peu les barrières culturelles, techniques, organisationnelles, économiques souvent associées aux démarches d’ouverture et de mutualisation.
La conception du Tutoriel des Communs Numériques
Cet article est issu de la démarche menée autour de la conception collaborative du « Tutoriel aux Communs Numériques ».
Ce Tutoriel des Communs Numériques est issu de deux jours d'ateliers coordonnés par Inno³ au cours de la première édition de Numérique en commun(s) réunissant une vingtaine d'acteurs des communs issus de différents milieux, privés comme publics, tous désireux de partager leurs difficultés dans la mise en place d'un projet de commun numérique, et d'y apporter collectivement des pistes de solutions.
Il a ensuite été augmenté de contributions collectées en ligne ou produites au cours d'ateliers postérieurs à NEC. Une version est présentée ici, mais il s’agit d’une démarche collaborative en cours, n’hésitez pas à réagir et augmenter en partageant en commentaires ou en contribuant depuis votre espace personnel vos retours d’expériences, vos outils, vos réflexions.
Ce Tutoriel aux Communs est organisé autour de deux parties, chaque partie est structurée autour de points d’entrée pragmatiques numérotés permettant de souligner les enjeux et méthodes à déployer.
Une première partie adopte le point de vue d’un acteur public ou privé souhaitant se lancer dans une démarche de commun numérique, qu’il s’agisse d’utiliser, contribuer ou amorcer un Commun
La deuxième partie adopte le point de vue de la communauté d’acteurs réunie autour d’un projet de Commun, de son amorçage, à sa valorisation, en passant par sa pérennisation.
Chaque fois que la démarche collaborative a produit des outils contribuant à opérationnaliser les projets, ceux-ci sont signalés dans un encart à gauche et disponibles sur le site. Ces éléments pourront être enrichis au fur et à mesure des contributions et retours d’expérience de tou.te.s celles et ceux qui s’en saisiront.
La structure du Tutoriel des Communs peut être résumée par le schéma ci-dessous :
Le Tutoriel
I. Acteur public ou privé : pourquoi et comment rejoindre ou lancer une démarche de Commun Numérique ?
Cette partie aborde les enjeux d'une démarche de Commun Numérique depuis le point de vue d'un acteur public ou privé, depuis l'identification d'un besoin numérique ou d'une ressource numérique à partager à l'évaluation de l'opportunité de contribuer à un Commun ou d'ouvrir la ressource en Commun.
I. 1. J’ai un besoin numérique
I. 1.A. Pourquoi utiliser un commun numérique ?
Le choix d'un commun numérique plutôt que d'une solution propriétaire peut procéder d'un certain nombre de facteurs : volonté de mutualiser les coûts de conception et de maintenance en premier lieu, mais pas seulement. En effet, le commun numérique permet de créer des ponts entre différents secteurs par la coopération nécessaire à sa pérennisation, et permet également une meilleure répartition de la valeur produite par la communauté.
I. 1.B. Où trouver des communs numériques susceptibles de répondre à mes besoins ?
La première étape, pour qui souhaite initier un projet de commun numérique, consiste à rechercher s’il n’existe pas une ressource susceptible de répondre complètement ou partiellement à ses besoins. En effet, il sera plus aisé de contribuer à un commun numérique existant de manière à l’adapter à ses besoins en participant à l’effort collectif, plutôt que de créer une nouvelle ressource susceptible de diviser les efforts d’une communauté.
Par ailleurs, dans le cas où cette recherche ne permettrait pas d’identifier un commun répondant aux besoins formulés, elle aura pour bénéfice d’identifier des projets complémentaires ou inspirants dont il serait intéressant de se rapporter par la suite.
Il n’existe pas à l’heure actuelle d’annuaires répertoriant tous les projets de communs numériques, ainsi faut-il généralement se rapprocher des initiatives sectorielles (telles que la Fabrique des mobilités, Federation-Open Space Maker, Fabrique de la logistique, Transiscope, etc.) ou encore transverses (telle que Plateformes en communs). En l’absence d’un telle initiative pour le secteur dans lequel s’inscrit votre besoin, il peut alors être intéressant de se tourner vers des acteurs plus généralistes, tels que l’Assemblée des communs ou la Coop des communs, qui relient de nombreux projets.
I. 1.C. J’ai trouvé un commun numérique qui correspond (partiellement) à mes besoins : pourquoi contribuer ?
L'intérêt d'un commun numérique par rapport à une solution propriétaire réside dans la liberté qu'il laisse aux utilisateurs de l'adapter à leurs besoins particuliers, et de faire profiter la communauté de ces améliorations. Ainsi, en sortant du rôle de simple utilisateur pour devenir contributeur, on améliore la ressource à la fois pour soi et pour les autres, augmentant ainsi ses possibilités d'usages et enclenchant un cercle vertueux d'enrichissement permanent de la ressource.
I. 1. D. Je souhaite contribuer : quels enjeux ?
Que vous souhaitiez renforcer le développement d’un commun numérique et/ou l’adapter à vos besoins particuliers, la question de la contribution – qui peut prendre plusieurs formes et dimensions – se posera nécessairement. L’intérêt d’une telle ressource étant d’accepter et de cadrer de telles contributions, il est fort utile qu’un document présente les règles associées à chaque type de contributions potentielles. À noter que tout le monde peut contribuer sans forcément avoir des compétences techniques poussées !
Pour un contributeur potentiel, l’évaluation de l’opportunité de contribuer à un commun numérique doit ainsi être adaptée à l’aune :
De la ressource à laquelle une telle contribution pourrait être apportée : tous les projets ne sont pas forcément outillés pour recevoir de telles contributions et, parfois, la première contribution utile peut être de favoriser un tel cadre collaboratif.
Des contraintes rattachées à sa propre organisation : même si les communs numériques sont, par nature, favorables à la libre concurrence, à la coopération et à l’innovation, il est nécessaire de faire valider en interne à l’organisation (sauf pour les enseignants auteurs de leurs contenus) le principe d’une telle contribution (notamment lorsque celle-ci génère des droits de propriété intellectuelle). Ces précautions d’usage mises en œuvre – autant pour le contributeur que la communauté concernée –, il sera relativement simple d’évaluer l’opportunité et la faisabilité d’une telle approche (voir l’outil « Grille d’évaluation... »)
I. 2. J’ai une ressource numérique
I. 2.A. Pourquoi la partager dans un commun ?
Plusieurs raisons peuvent être avancées (politique, éthique, sociétales, etc.), la plus pragmatique étant de rendre collective la production ET la maintenance d'une ressource numérique susceptible d'intéresser aussi d'autres acteurs. En effet, et même si notre culture est plutôt celle de la propriété, le partage d'une ressource génère généralement des inconvénients bien moindres que les avantages ainsi suscités.
I. 2. B. Je souhaite amorcer un commun : quels enjeux ?
Dans le cas où il n’existerait pas de commun numérique adapté à des besoins pourtant collectivement partagés (c’est encore malheureusement souvent le cas), il est toujours possible de partager une ressource existante et/ou d’initier une démarche de conception d’un commun.
De telles démarches supposent une évaluation en amont, à plusieurs niveaux : Par ailleurs, une autre solution peut consister, non pas à développer votre ressource pour ensuite l’ouvrir aux contributions tierces, mais à développer dès l’origine cette ressource de manière collective avec d’autres acteurs intéressés (voir l’outil « Grille d’évaluation de l'opportunité d'amorcer un commun »).
Le premier niveau concerne l'existence d'une communauté réelle ou pressentie, cela s'appréciant notamment par l’intérêt que la ressource est susceptible de générer au profit des autres acteurs du secteur (voir 2/A/).
Le second niveau concerne la ressource, afin de déterminer dans quelle mesure celle-ci se prête à un développement collaboratif.
Le troisième niveau concerne l'organisation, pour déterminer dans quelle mesure sont réunies la qualité (spécialement juridique) et les compétences nécessaires (en interne ou externe) pour le faire. La réponse n’est pas binaire, ces réflexions sont seulement là pour permettre de prendre du recul sur ces démarches afin d’anticiper les leviers et obstacles. Ainsi, à défaut de communauté, il est toujours possible de commencer seul puis ouvrir à d'autres.
II. Collectif d'acteurs d’un Commun Numérique : comment amorcer, pérenniser et valoriser le Commun Numérique ?
Cette deuxième partie adopte désormais le point de vue de la communauté d’acteurs réunie autour d’un projet de Commun à ses différentes phases : comment collectivement amorcer un Commun, comment le pérenniser, comment le valoriser ?
II. 1. Amorcer le commun
Afin d’amorcer une démarche de commun, il est nécessaire d’évaluer le potentiel de la ressource et de son développement pour une communauté (voir 2.B.). En effet, la communauté, son animation et sa structure constituent l’un des piliers majeurs d’un commun numérique.II. 1.A. Constituer une communauté autour d’un projet
Afin de favoriser l’émergence puis la pérénnisation d’une communauté autour de la ressource numérique, il convient d’identifier et d’adresser en amont les deux éléments suivants :
Un objectif clair : il est indispensable de formaliser le ou les objectif(s) collectivement poursuivi(s) dans le cadre du projet et de le(s) rendre public(s). Cela permet notamment :
Un socle de valeurs partagées : les valeurs auxquelles la communauté adhère constituent la colonne vertébrale de votre projet. Co-construit par les contributeur.rice.s au projet, le socle de valeurs est à la base de toute la gouvernance du projet et guide les grands principes de son fonctionnement. Il donne confiance aux contributeur.rice.s mais également aux utilisateur.rice.s et aux éventuel.le.s partenaires, et contribue au rayonnement du projet au-delà de sa communauté.
II. 1. B. Financer le commun
Que la pérennité du commun repose sur la définition d’un modèle économique (cf. supra I.2.B.) ou non, il y aura toujours un certain nombre de financements à assurer : directement par l’organisation conçue pour soutenir le commun, ou indirectement, grâce aux contributeurs du commun numérique.
À cet égard, les possibilités de financements externes du projet, si elles doivent être mûrement réfléchies afin de participer à renforcer ce commun numérique et non à le faire vivre artificiellement, gagnent à être connues et maîtrisées. De tels financements doivent cependant être strictement limités aux besoins réels de financement, et ne pas faire courir de charges trop importantes à l’égard du projet, au risque sinon que ce qui était un moyen devient une fin. Le choix d’un mode de financement externe dépendra alors à la fois de la manière dont le commun numérique est structuré (et plus spécifiquement de l’existence d’une personnalité juridique), du type de besoin à financer et de la personnalité juridique de celui qui souhaite financer le développement du commun.
D’un point de vue du commun numérique, il est opportun d’anticiper les différentes modalités de financements organisés ainsi que les différents besoins susceptibles d’être ainsi pourvus. Compte tenu des enjeux en termes de transparence et de gouvernance, et des valeurs associées aux communs numériques, de telles sources de financement devront être clairement définies ainsi que les modalités d’affectation des sommes. Par nature, les documents standardisés utilisés par les différents communs sont autant de sources de mutualisation possible, permettant notamment d’opérer une véritable transversalité technique, juridique et économique entre les différents communs. Il y a ainsi une sorte de mutualisation by design.
Il n’existe en revanche pas d’initiatives autonomes « généralistes » spécifiquement destinées à mutualiser les différentes ressources en cours de développement (au-delà des exemples sectoriels évoqués tels que la Fabrique des mobilités, la Coop des communs, etc.), ni même à permettre une mutualisation de financements. Toutefois, l’émergence croissante de fonds de dotation pourra à terme permettre un cofinancement de multiples projets de communs numériques « d’intérêt général » – à l’instar du fonds de dotation Open Law destiné à financer beaucoup plus de projets que ceux spécifiquement portés par l’organisation. L’article ci-contre vous propose par exemple un outil de liste de besoins de financements et des possibles dispositifs existants pour les financer.
II. 2. Pérénniser le commun
Une fois la ressource et la communauté identifiées, il s’agit de s’interroger sur les conditions de pérennisation de la démarche.
La pérennité d’un commun numérique repose sur la définition d’un ensemble d’éléments clés, qu’il convient d’identifier et d’adresser le plus en amont possible avec les différent.e.s contributeur.ice.s au projet. Constitutifs du cadre de collaboration du projet, ces éléments ont vocation à donner confiance à l’ensemble des parties prenantes en leur fournissant un environnement sécurisant, propice à la création, leur permettant d’innover librement. Ces éléments peuvent varier dans leur contenu ou leur forme, mais recouvrent globalement ces trois piliers : dynamique de contribution, partage de la valeur et modèle économique, règles de gouvernance formalisées.
Ces différents éléments peuvent se formaliser au travers plusieurs documents clés, mis à disposition de la communauté de manière transparente, ainsi qu’aux tiers lorsque pertinent. Il est fréquent que ces documents prennent, entre autres, la forme d’une charte ou d’une politique de contribution.
II. 2. A. Favoriser et organiser la contribution
Les communs numériques reposent sur une dynamique de contribution (voir l’article éclairages + 1/C)
Afin que le commun soit pérennisé, il convient de déployer les conditions permettant de favoriser et organiser les contributions de diverses natures, issues de multiples acteurs.
a) identifier les besoins en termes de contributions et les communautés susceptibles de contribuer
Dans un premier temps, il convient donc d’identifier les différents besoins en termes de contribution et les acteurs ou types d’acteurs/communautés susceptibles d’y répondre.
En effet, en matière de commun numérique, de multiples besoins fréquents s’ajoutent à des besoins plus spécifiques à certains projets. Ils peuvent être différenciés ainsi : Il est important de comprendre que ces différents besoins peuvent être couverts par différentes communautés d’acteurs (graphistes, développeurs, designers, universitaires, techniciens, adminsys, etc.) et que chacune de ces communautés doit bénéficier d’outils adaptés à un travail collaboratif, de processus spécifiques, voire d’un cadre de contribution qui leur sont propres.
Les besoins classiques à tout projet numérique : développer la ressource, réaliser la documentation, traduire les productions, etc.
Les besoins spécifiques à la dimension collaborative et inclusive du commun numérique : assurer la médiation entre les différents contributeurs, susciter la contribution par divers mécanismes, etc.
L’article ci-contre propose par exemple un référentiel co-construit de besoins et potentielles communautés de contributeur.rice.s.
b) mettre en place un cadre pour faciliter la contribution à la ressource
Une fois les besoins définis et les communautés identifiées (cf. questions 3.1 Qui peut répondre aux besoins de développement du commun et de quelle manière ? ), un cadre doit être formalisé afin d’inciter, d’accueillir et de faciliter les contributions de ces communautés. Ce n’est qu’à cette condition que seront « transformées » les volontés de contributions en contributions réelles, chaque obstacle subsistant rendant moins certaine la contribution et plus difficile son intégration dans le commun numérique.
A cet égard, le projet devra installer les conditions permettant d’établir : Pour cela, plusieurs éléments doivent être considérés afin de mettre en place un cadre efficace pour structurer la contribution à la ressource : Ce cadre est constitutif de l’environnement ouvert et inclusif au sein duquel plusieurs communautés pourront cohabiter, il devra ensuite être accompagné d’une démarche « classique » d’animation de communauté, en interne comme en externe, afin de « faire vivre » le projet au travers des personnes qui le composent.
La méthodologie du projet : la poursuite de votre objectif dans le respect des valeurs communément établies va se traduire par l’élaboration collaborative de la méthodologie à appliquer au projet. La méthodologie fixe concrètement les grandes règles de la gouvernance (par exemple : en définissant les différents pôles ou groupes de travail, les processus de validation d’une tâche, le déroulé des réunions, etc.) ainsi que les processus (techniques et organisationnels) qui encadrent le développement concret de la ressource.
L’adoption de standards dans le cadre du développement de votre projet a pour objectif de le rendre interopérable et de décupler ainsi son potentiel d’amélioration. Cela vous offre l’opportunité de bénéficier des avancées d’autres communautés et d’une intelligence collective étendue, tout en rendant plus efficaces les échanges d’informations au sein même de votre projet.
La valorisation des contributions des participant.e.s. Il est indispensable au développement et à la pérennité du projet que ses contributeur.rice.s se sentent valorisé.e.s, au moins symboliquement.
Un outillage spécifique nécessaire pour favoriser les contributions collaboratives (tel un wiki pour la documentation, une forge logicielle pour le développement, etc.) :
Des processus particuliers afin de fluidifier les contributions (par exemple une politique de traduction afin d’intégrer les contributions dans le cadre de l’internationalisation du projet) ;
Des modalités spécifiques de contributions (par exemple pour gérer les droits de propriété intellectuelle des développeurs tiers salariés – cf. 2/C). Toutes ces règles doivent être publiées de manière transparente. Elles peuvent évoluer en fonction de la vie du projet, mais gagnent à être anticipées afin de fluidifier les processus dès l’arrivée de nouveaux contributeurs.
II. 2.B. Elaborer un modèle économique
Au-delà de la dimension contributive (et à la source de celle-ci), les conditions de pérennité d’un commun reposent également sur l’existence d’un modèle de partage de la valeur. En effet, le développement d’un commun numérique génère de la valeur et il convient donc de définir collectivement un modèle d’évaluation et partage de cette valeur.
Contrairement à un projet d’entreprise, la conception d’un commun numérique n’a pas pour objectif de créer une économie de rente. Néanmoins, une autonomie financière peut être recherchée afin d’assurer les conditions de la pérennité du projet. Complémentaire ou alternatif au financement traditionnellement basé sur la contribution bénévole et le don, ce modèle présente certains avantages et notamment celui de s’appuyer sur la force de l’économie, et plus précisément sur l’intérêt économique que les membres du commun ont à maintenir ce commun. Un tel objectif doit néanmoins concilier les conditions nécessaires à l’autofinancement du commun sans pour autant l’isoler des préoccupations des membres de la communauté, c’est à dire de l’intérêt collectif auquel il doit continuer à répondre. Sous cette condition, il est tout à fait possible d’envisager la construction d’un commun numérique autour d’un modèle économique tourné vers le développement de la ressource. Ce modèle économique peut se traduire de plusieurs manières :
Activité économique externe : par la mise en place d’un environnement favorable aux acteurs économiques. Ce modèle de financement est aujourd’hui le plus répandu : il s’agit de mettre en place un modèle économique périphérique au commun numérique en tant que tel (par exemple par de la vente de services ou de produits – logiciels ou matériels – basés sur le commun). Ainsi, le commun numérique pourra bénéficier de contributions diverses de la part de ces acteurs économiques directement intéressés par le développement et la pérennisation du commun dont dépend leur activité.
Activité économique interne : en organisant certaines activités du commun de sorte à autofinancer certains frais inhérents au développement ou à la pérennisation du commun. Il s’agit ainsi généralement de proposer des prestations complémentaires (services « premium », conférences, etc.). Un tel modèle bénéficie de la place centrale qu’occupe le commun, mais fait courir le risque soit de détourner le commun de son objet (ce qui était un moyen devient une fin), soit de concurrencer certains membres de la communauté (ou, pire, d’en favoriser certains au détriment d’autres).
Activité économique mixte : en articulant les deux modèles précédents. Il est ainsi possible de prévoir des mécanismes par lesquels les contributeurs sont incités à contribuer au commun numérique en raison de leur propre modèle économique tout en prévoyant que l’organisation qui gère le commun se voie conférer un monopole sur l’exercice de certains services nécessaires pour pérenniser le commun (par exemple une vente de certification, la délivrance de label ou d’autorisation au travers d’un usage de la marque, etc.). Là encore, les modèles sont divers et variés et beaucoup restent à construire.
II. 2. C. Formaliser des règles de gouvernance
Le commun tire sa force de la pérennité du modèle sur lequel il repose. Ainsi, aussi longtemps qu’il est utile à ses utilisateurs, il doit pouvoir continuer à évoluer et s’adapter à leurs attentes. Ce statut n’est néanmoins pas automatique, et nécessite notamment la formalisation d’un certain nombre de règles et la mise en place d’une gouvernance partagée. Il convient aussi d’anticiper les divers risques afin d’assurer un modèle pérenne techniquement, juridiquement et économiquement.
a) Elaborer des modalités de gouvernance
La formalisation de ces règles tend à favoriser la pérennité du commun. En effet, la mise en place de ce cadre est essentielle afin d’assurer la confiance entre les contributeurs et ainsi pérenniser le développement du projet. En effet, tout risque d’« appropriation » (d’ « enclosure ») non souhaitée sera très mal vécu par les membres de la communauté et doit être exclu. Ce cadre regroupe l’ensemble des documents et pratiques structurantes à mettre en place afin de régir la collaboration des contributeurs au commun et prend différentes formes (des statuts, une charte de valeurs, la licence attachée à la ressource, etc.). Chaque cadre de collaboration est unique, il s’adapte aux enjeux et problématiques propres au projet et à la communauté auxquels il se rapporte : relations entre contributeurs, valeurs partagées, relations avec l’extérieur, méthodes de travail, etc. L’harmonisation croissante des différents points ainsi abordés favorise la mutualisation entre les projets et rassure les contributeurs qui retrouvent ainsi des repères partagés entre les différents projets de communs.
Les relations des contributeurs à un projet de commun numérique sont nombreuses et diverses, allant de la simple coordination de contributions à des prises de décisions sur l’avenir de la ressource. À cette fin, il est important de mettre en place une gouvernance pour structurer ces relations et, ainsi, de donner une légitimité interne aux décisions prises par la communauté. Les effets se feront sentir en termes de confiance accrue dans le projet en interne et en externe. À ce titre, le choix ou non d’une structure juridique, partiellement ou totalement dédiée, pour formaliser cette gouvernance peut en conditionner ou implémenter certains aspects. Si la nécessité de disposer d’une personnalité juridique perdure afin d’agir en justice, de bénéficier de certaines aides ou de contractualiser, des outils numériques étendent aujourd’hui le champ des actions susceptibles d’être réalisées en dehors d’un tel cadre (telle que la plateforme OpenCollective). La nécessité de créer une structure juridique, voire la solution intermédiaire d’être hébergé au sein d’une structure existante, est généralement recommandée lorsqu’un intérêt collectif fort réunit les différents acteurs ou qu’il existe un risque à maintenir la responsabilité des actions sur les seuls membres. Les modèles associatifs ou coopératifs (SCOP ou SCIC) sont particulièrement souples et adaptés pour soutenir le développement d’un commun, néanmoins d’autres formes (GIE, SAS, GIP, etc.) peuvent parfaitement aboutir à des résultats similaires dès lors que leur objet est tourné vers la réalisation de cet objectif. Par ailleurs, si la mise en place d’une gouvernance est essentielle, il n’existe pas de gouvernance idéale – sinon celle qui répond au mieux aux enjeux et problématiques spécifiques au projet auquel elle s’applique. La majorité des gouvernances de projets de communs numériques partagent certains éléments tels que la volonté d’être lisibles et compréhensibles par toutes les parties prenantes au projet, des mécanismes assurant la transparence des décisions prises, et des dispositifs permettant l’ouverture de la gouvernance aux contributeurs, voire aux partenaires externes au projet.
b) Identifier la forme juridique adaptée au projet
Les relations des contributeurs à un projet de commun numérique sont nombreuses et diverses, allant de la simple coordination de contributions à des prises de décisions sur l’avenir de la ressource. À cette fin, il est important de mettre en place une gouvernance pour structurer ces relations et, ainsi, de donner une légitimité interne aux décisions prises par la communauté. Les effets se feront sentir en termes de confiance accrue dans le projet en interne et en externe. À ce titre, le choix ou non d’une structure juridique, partiellement ou totalement dédiée, pour formaliser cette gouvernance peut en conditionner ou implémenter certains aspects. Si la nécessité de disposer d’une personnalité juridique perdure afin d’agir en justice, de bénéficier de certaines aides ou de contractualiser, des outils numériques étendent aujourd’hui le champ des actions susceptibles d’être réalisées en dehors d’un tel cadre (telle que la plateforme OpenCollective). La nécessité de créer une structure juridique, voire la solution intermédiaire d’être hébergé au sein d’une structure existante, est généralement recommandée lorsqu’un intérêt collectif fort réunit les différents acteurs ou qu’il existe un risque à maintenir la responsabilité des actions sur les seuls membres. Les modèles associatifs ou coopératifs (SCOP ou SCIC) sont particulièrement souples et adaptés pour soutenir le développement d’un commun, néanmoins d’autres formes (GIE, SAS, GIP, etc.) peuvent parfaitement aboutir à des résultats similaires dès lors que leur objet est tourné vers la réalisation de cet objectif. Par ailleurs, si la mise en place d’une gouvernance est essentielle, il n’existe pas de gouvernance idéale – sinon celle qui répond au mieux aux enjeux et problématiques spécifiques au projet auquel elle s’applique. La majorité des gouvernances de projets de communs numériques partagent certains éléments tels que la volonté d’être lisibles et compréhensibles par toutes les parties prenantes au projet, des mécanismes assurant la transparence des décisions prises, et des dispositifs permettant l’ouverture de la gouvernance aux contributeurs, voire aux partenaires externes au projet.
c) Appréhender les enjeux juridiques du Commun
Le droit se manifestant à chaque collaboration, tout projet de commun numérique devra s’organiser pour appréhender et utiliser les instruments juridiques lui permettant de renforcer le développement du projet, favoriser la confiance vis-à-vis des acteurs extérieurs du projet et accélérer l’innovation portée par le projet. Les enjeux juridiques peuvent ainsi être multiples :
- Concernant le développement de la ressource : la licence du projet (cf question 4.4 Pourquoi choisir une licence libre pour diffuser le commun numérique ?), les contrats avec les contributeurs, la marque, voire les brevets relatifs au projet et tous les autres aspects juridiques spécifiques à une réglementation (notamment les règles en matière d’export, de santé, de chiffrement, etc.). Des référentiels existent
- Concernant l’organisation des relations avec des tiers : les prestations, les conventions de partenariats, les suivis de subventions ou des dons, les adhésions croisées ou encore les actions en justice. Ces enjeux juridiques sont importants à traiter, au risque sinon d’en faire peser la charge sur quelques contributeurs personnellement. Relativement communs aux projets de communs numériques, ils sont parfois mutualisés au sein de « fondations parapluies ».
- Concernant le choix de la licence : La licence libre associée au projet traduit une posture et envoie un signal aux contributeurs et utilisateurs. Il convient donc de choisir une licence en phase avec les objectifs et valeurs du projet, qui soit robuste juridiquement et fédère elle-même une communauté. Du choix de celle-ci va notamment dépendre la connexion avec d’autres projets de communs numériques, ainsi que la participation de certain.e.s contributeur.rice.s. Cette réflexion est à mener dès le début du projet et n’est pas dissociable du développement de la ressource.
Références :
II. 3. Valoriser le commun : disséminer et composter
La valeur du commun réside dans les contributions qu'apporte la communauté à la ressource, aussi sa pérennité sera d'autant plus facilement assurée qu'il y aura de contributeurs potentiels. C'est pourquoi il est essentiel de disséminer le commun numérique le plus largement possible. La dissémination doit aussi viser, au-delà du nombre, à enrichir la communauté des utilisateurs de personnes aux profils différents. Cette diversité permet d’éviter l’entre-soi, de renforcer le caractère générique du commun numérique et, ce faisant, d’ouvrir les champs d’application potentiels.
La pérennité du commun repose notamment sur la communauté qui le compose. Dans le domaine numérique, un tel objectif passe en premier lieu par l’augmentation du nombre d’utilisateurs. En effet, la démultiplication des utilisateurs ne réduit par la valeur ni même l’usage du commun numérique mais favorise au contraire l’accroissement du nombre de contributeurs finaux. Afin de toucher le plus large public possible, la dissémination reposera particulièrement sur une communication adaptée à différents profils. Elle devra être à la fois : Selon les cibles, une telle communication devra mettre en avant la finalité du projet (par exemple « encyclopédie botanique collaborative » pour Tela Botanica ou « base de données géographiques communautaire » pour Open Street Map), ou encore son caractère de commun et/ou Open Data et/ou Logiciel Libre. La communication est d’autant plus complexe que la culture du commun n’est pas encore complètement démocratisée. Dans une approche collaborative, il peut être intéressant de prévoir des ressources prêtes à l’emploi et accessibles à tous au niveau du projet afin que tous les contributeurs puissent participer à cette dissémination du projet sans dénaturer l’image du projet. Dans le même esprit, l’aspect ouvert du commun amène à diffuser ces mêmes supports au-delà de la communauté afin que quiconque souhaite s’informer ou communiquer sur le projet dispose des éléments appropriés pour le faire.
passive (rendre accessible l’information à ceux qui la recherchent)
et active (toucher de nouvelles personnes par des démarches spécifiques).
Enfin, il s’agit de penser en amont la « compostabilité » du projet : cela consiste à penser le projet et chacun des éléments qui le composent comme « périssables » et donc à les concevoir de façon à ce que les ressources qui en seront tirées puissent être réutilisées plus tard, dans le cadre du projet ou d’autres initiatives.
Références :
Ce Tutoriel aux Communs Numériques s'inscrit dans une démarche collaborative et itérative : il vise à être augmenté et affiné avec les contribution de tou.te.s. Pour contribuer, réagir, ouvrir de nouvelles perspectives, questions et outils, vous pouvez commenter dans la section commentaires ci-dessous, proposer une contribution depuis votre espace personnel ou en écrivant à societe.numerique@finances.gouv.fr.
Ce billet est une publication réalisée par le cabinet inno³ pour le compte du Labo Société Numérique de l'ANCT. Destinée à favoriser la structuration de communs numériques produits ou soutenus par l’administration, elle s’adresse à la fois aux acteurs porteurs de communs ainsi qu’aux personnes en charge d’accompagner ces démarches.
Tutoriel des Communs Numériques : guide pratique pour s'engager dans une démarche de Commun Numérique
Le numérique facilite la collaboration en invitant les organisations provenant de tout secteur confondu, à se rapprocher sous ce langage commun. Ainsi, la transformation numérique des organisations les amène à entrer dans une démarche d’ouverture et de collaboration, facilitée par le perfectionnement d’outils de travail collaboratif. Toutes les organisations sont naturellement amenées à s’ouvrir vers l’extérieur afin de développer en interne des projets externes, et réciproquement de valoriser à l’extérieur des projets initiés en interne. Pour toutes ces raisons, des acteurs de secteurs très divers s'intéressent aujourd'hui de près aux modèles ouverts. Conscients qu’ils ne peuvent plus maintenir leur compétitivité en innovant seuls, ils souhaitent aborder le marché sous un angle nouveau.
Le numérique est la source d’un nouvel élan pour les mouvements des communs, ce n’est donc pas une surprise si de plus en plus d’acteurs publics et privés se regroupent afin de faire émerger de tels communs comme alternatives viables aux logiques des acteurs dominants du numérique.
Ce phénomène repose néanmoins sur d’importants changements culturels, afin que tous les acteurs puissent pleinement bénéficier et contribuer à ces ressources communes.
Ce tutoriel s’adresse à toutes celles et tous ceux qui souhaitent développer un projet de commun numérique, ainsi qu’à toutes les personnes – publiques comme privées – impliquées dans le maintien ou le développement de tels projets. Il a pour objectif de répondre aux principales questions qui entourent l’émergence et la pérennisation de ces communs numériques.
Cet article s'appuie la version en constante évolution du tutoriel que vous retrouverez sur la boite à outils.
Préambule
Pourquoi un Tutoriel des Communs Numériques ?
Pour répondre à un besoin croissant d’acteurs, publics, mais également privés, qui souhaitent initier des démarches de communs numériques (soit pour ouvrir des ressources qu’ils développent ou détiennent, soit pour contribuer à des ressources tierces pré-existantes ou à construire, etc.) et qui cherchent un accompagnement.
Il s’agit donc d’apporter des pistes réponses concrètes à leurs interrogations, de lever peu à peu les barrières culturelles, techniques, organisationnelles, économiques souvent associées aux démarches d’ouverture et de mutualisation.
La conception du Tutoriel des Communs Numériques
Cet article est issu de la démarche menée autour de la conception collaborative du « Tutoriel aux Communs Numériques ».
Ce Tutoriel des Communs Numériques est issu de deux jours d'ateliers coordonnés par Inno³ au cours de la première édition de Numérique en commun(s) réunissant une vingtaine d'acteurs des communs issus de différents milieux, privés comme publics, tous désireux de partager leurs difficultés dans la mise en place d'un projet de commun numérique, et d'y apporter collectivement des pistes de solutions.
Il a ensuite été augmenté de contributions collectées en ligne ou produites au cours d'ateliers postérieurs à NEC. Une version est présentée ici, mais il s’agit d’une démarche collaborative en cours, n’hésitez pas à réagir et augmenter en partageant en commentaires ou en contribuant depuis votre espace personnel vos retours d’expériences, vos outils, vos réflexions.
Ce Tutoriel aux Communs est organisé autour de deux parties, chaque partie est structurée autour de points d’entrée pragmatiques numérotés permettant de souligner les enjeux et méthodes à déployer.
Une première partie adopte le point de vue d’un acteur public ou privé souhaitant se lancer dans une démarche de commun numérique, qu’il s’agisse d’utiliser, contribuer ou amorcer un Commun
La deuxième partie adopte le point de vue de la communauté d’acteurs réunie autour d’un projet de Commun, de son amorçage, à sa valorisation, en passant par sa pérennisation.
Chaque fois que la démarche collaborative a produit des outils contribuant à opérationnaliser les projets, ceux-ci sont signalés dans un encart à gauche et disponibles sur le site. Ces éléments pourront être enrichis au fur et à mesure des contributions et retours d’expérience de tou.te.s celles et ceux qui s’en saisiront.
La structure du Tutoriel des Communs peut être résumée par le schéma ci-dessous :
Le Tutoriel
I. Acteur public ou privé : pourquoi et comment rejoindre ou lancer une démarche de Commun Numérique ?
Cette partie aborde les enjeux d'une démarche de Commun Numérique depuis le point de vue d'un acteur public ou privé, depuis l'identification d'un besoin numérique ou d'une ressource numérique à partager à l'évaluation de l'opportunité de contribuer à un Commun ou d'ouvrir la ressource en Commun.
I. 1. J’ai un besoin numérique
I. 1.A. Pourquoi utiliser un commun numérique ?
Le choix d'un commun numérique plutôt que d'une solution propriétaire peut procéder d'un certain nombre de facteurs : volonté de mutualiser les coûts de conception et de maintenance en premier lieu, mais pas seulement. En effet, le commun numérique permet de créer des ponts entre différents secteurs par la coopération nécessaire à sa pérennisation, et permet également une meilleure répartition de la valeur produite par la communauté.
I. 1.B. Où trouver des communs numériques susceptibles de répondre à mes besoins ?
La première étape, pour qui souhaite initier un projet de commun numérique, consiste à rechercher s’il n’existe pas une ressource susceptible de répondre complètement ou partiellement à ses besoins. En effet, il sera plus aisé de contribuer à un commun numérique existant de manière à l’adapter à ses besoins en participant à l’effort collectif, plutôt que de créer une nouvelle ressource susceptible de diviser les efforts d’une communauté.
Par ailleurs, dans le cas où cette recherche ne permettrait pas d’identifier un commun répondant aux besoins formulés, elle aura pour bénéfice d’identifier des projets complémentaires ou inspirants dont il serait intéressant de se rapporter par la suite.
Il n’existe pas à l’heure actuelle d’annuaires répertoriant tous les projets de communs numériques, ainsi faut-il généralement se rapprocher des initiatives sectorielles (telles que la Fabrique des mobilités, Federation-Open Space Maker, Fabrique de la logistique, Transiscope, etc.) ou encore transverses (telle que Plateformes en communs). En l’absence d’un telle initiative pour le secteur dans lequel s’inscrit votre besoin, il peut alors être intéressant de se tourner vers des acteurs plus généralistes, tels que l’Assemblée des communs ou la Coop des communs, qui relient de nombreux projets.
I. 1.C. J’ai trouvé un commun numérique qui correspond (partiellement) à mes besoins : pourquoi contribuer ?
L'intérêt d'un commun numérique par rapport à une solution propriétaire réside dans la liberté qu'il laisse aux utilisateurs de l'adapter à leurs besoins particuliers, et de faire profiter la communauté de ces améliorations. Ainsi, en sortant du rôle de simple utilisateur pour devenir contributeur, on améliore la ressource à la fois pour soi et pour les autres, augmentant ainsi ses possibilités d'usages et enclenchant un cercle vertueux d'enrichissement permanent de la ressource.
I. 1. D. Je souhaite contribuer : quels enjeux ?
Que vous souhaitiez renforcer le développement d’un commun numérique et/ou l’adapter à vos besoins particuliers, la question de la contribution – qui peut prendre plusieurs formes et dimensions – se posera nécessairement. L’intérêt d’une telle ressource étant d’accepter et de cadrer de telles contributions, il est fort utile qu’un document présente les règles associées à chaque type de contributions potentielles. À noter que tout le monde peut contribuer sans forcément avoir des compétences techniques poussées !
Pour un contributeur potentiel, l’évaluation de l’opportunité de contribuer à un commun numérique doit ainsi être adaptée à l’aune :
De la ressource à laquelle une telle contribution pourrait être apportée : tous les projets ne sont pas forcément outillés pour recevoir de telles contributions et, parfois, la première contribution utile peut être de favoriser un tel cadre collaboratif.
Des contraintes rattachées à sa propre organisation : même si les communs numériques sont, par nature, favorables à la libre concurrence, à la coopération et à l’innovation, il est nécessaire de faire valider en interne à l’organisation (sauf pour les enseignants auteurs de leurs contenus) le principe d’une telle contribution (notamment lorsque celle-ci génère des droits de propriété intellectuelle). Ces précautions d’usage mises en œuvre – autant pour le contributeur que la communauté concernée –, il sera relativement simple d’évaluer l’opportunité et la faisabilité d’une telle approche (voir l’outil « Grille d’évaluation... »)
I. 2. J’ai une ressource numérique
I. 2.A. Pourquoi la partager dans un commun ?
Plusieurs raisons peuvent être avancées (politique, éthique, sociétales, etc.), la plus pragmatique étant de rendre collective la production ET la maintenance d'une ressource numérique susceptible d'intéresser aussi d'autres acteurs. En effet, et même si notre culture est plutôt celle de la propriété, le partage d'une ressource génère généralement des inconvénients bien moindres que les avantages ainsi suscités.
I. 2. B. Je souhaite amorcer un commun : quels enjeux ?
Dans le cas où il n’existerait pas de commun numérique adapté à des besoins pourtant collectivement partagés (c’est encore malheureusement souvent le cas), il est toujours possible de partager une ressource existante et/ou d’initier une démarche de conception d’un commun.
De telles démarches supposent une évaluation en amont, à plusieurs niveaux : Par ailleurs, une autre solution peut consister, non pas à développer votre ressource pour ensuite l’ouvrir aux contributions tierces, mais à développer dès l’origine cette ressource de manière collective avec d’autres acteurs intéressés (voir l’outil « Grille d’évaluation de l'opportunité d'amorcer un commun »).
Le premier niveau concerne l'existence d'une communauté réelle ou pressentie, cela s'appréciant notamment par l’intérêt que la ressource est susceptible de générer au profit des autres acteurs du secteur (voir 2/A/).
Le second niveau concerne la ressource, afin de déterminer dans quelle mesure celle-ci se prête à un développement collaboratif.
Le troisième niveau concerne l'organisation, pour déterminer dans quelle mesure sont réunies la qualité (spécialement juridique) et les compétences nécessaires (en interne ou externe) pour le faire. La réponse n’est pas binaire, ces réflexions sont seulement là pour permettre de prendre du recul sur ces démarches afin d’anticiper les leviers et obstacles. Ainsi, à défaut de communauté, il est toujours possible de commencer seul puis ouvrir à d'autres.
II. Collectif d'acteurs d’un Commun Numérique : comment amorcer, pérenniser et valoriser le Commun Numérique ?
Cette deuxième partie adopte désormais le point de vue de la communauté d’acteurs réunie autour d’un projet de Commun à ses différentes phases : comment collectivement amorcer un Commun, comment le pérenniser, comment le valoriser ?
II. 1. Amorcer le commun
Afin d’amorcer une démarche de commun, il est nécessaire d’évaluer le potentiel de la ressource et de son développement pour une communauté (voir 2.B.). En effet, la communauté, son animation et sa structure constituent l’un des piliers majeurs d’un commun numérique.II. 1.A. Constituer une communauté autour d’un projet
Afin de favoriser l’émergence puis la pérénnisation d’une communauté autour de la ressource numérique, il convient d’identifier et d’adresser en amont les deux éléments suivants :
Un objectif clair : il est indispensable de formaliser le ou les objectif(s) collectivement poursuivi(s) dans le cadre du projet et de le(s) rendre public(s). Cela permet notamment :
Un socle de valeurs partagées : les valeurs auxquelles la communauté adhère constituent la colonne vertébrale de votre projet. Co-construit par les contributeur.rice.s au projet, le socle de valeurs est à la base de toute la gouvernance du projet et guide les grands principes de son fonctionnement. Il donne confiance aux contributeur.rice.s mais également aux utilisateur.rice.s et aux éventuel.le.s partenaires, et contribue au rayonnement du projet au-delà de sa communauté.
II. 1. B. Financer le commun
Que la pérennité du commun repose sur la définition d’un modèle économique (cf. supra I.2.B.) ou non, il y aura toujours un certain nombre de financements à assurer : directement par l’organisation conçue pour soutenir le commun, ou indirectement, grâce aux contributeurs du commun numérique.
À cet égard, les possibilités de financements externes du projet, si elles doivent être mûrement réfléchies afin de participer à renforcer ce commun numérique et non à le faire vivre artificiellement, gagnent à être connues et maîtrisées. De tels financements doivent cependant être strictement limités aux besoins réels de financement, et ne pas faire courir de charges trop importantes à l’égard du projet, au risque sinon que ce qui était un moyen devient une fin. Le choix d’un mode de financement externe dépendra alors à la fois de la manière dont le commun numérique est structuré (et plus spécifiquement de l’existence d’une personnalité juridique), du type de besoin à financer et de la personnalité juridique de celui qui souhaite financer le développement du commun.
D’un point de vue du commun numérique, il est opportun d’anticiper les différentes modalités de financements organisés ainsi que les différents besoins susceptibles d’être ainsi pourvus. Compte tenu des enjeux en termes de transparence et de gouvernance, et des valeurs associées aux communs numériques, de telles sources de financement devront être clairement définies ainsi que les modalités d’affectation des sommes. Par nature, les documents standardisés utilisés par les différents communs sont autant de sources de mutualisation possible, permettant notamment d’opérer une véritable transversalité technique, juridique et économique entre les différents communs. Il y a ainsi une sorte de mutualisation by design.
Il n’existe en revanche pas d’initiatives autonomes « généralistes » spécifiquement destinées à mutualiser les différentes ressources en cours de développement (au-delà des exemples sectoriels évoqués tels que la Fabrique des mobilités, la Coop des communs, etc.), ni même à permettre une mutualisation de financements. Toutefois, l’émergence croissante de fonds de dotation pourra à terme permettre un cofinancement de multiples projets de communs numériques « d’intérêt général » – à l’instar du fonds de dotation Open Law destiné à financer beaucoup plus de projets que ceux spécifiquement portés par l’organisation. L’article ci-contre vous propose par exemple un outil de liste de besoins de financements et des possibles dispositifs existants pour les financer.
II. 2. Pérénniser le commun
Une fois la ressource et la communauté identifiées, il s’agit de s’interroger sur les conditions de pérennisation de la démarche.
La pérennité d’un commun numérique repose sur la définition d’un ensemble d’éléments clés, qu’il convient d’identifier et d’adresser le plus en amont possible avec les différent.e.s contributeur.ice.s au projet. Constitutifs du cadre de collaboration du projet, ces éléments ont vocation à donner confiance à l’ensemble des parties prenantes en leur fournissant un environnement sécurisant, propice à la création, leur permettant d’innover librement. Ces éléments peuvent varier dans leur contenu ou leur forme, mais recouvrent globalement ces trois piliers : dynamique de contribution, partage de la valeur et modèle économique, règles de gouvernance formalisées.
Ces différents éléments peuvent se formaliser au travers plusieurs documents clés, mis à disposition de la communauté de manière transparente, ainsi qu’aux tiers lorsque pertinent. Il est fréquent que ces documents prennent, entre autres, la forme d’une charte ou d’une politique de contribution.
II. 2. A. Favoriser et organiser la contribution
Les communs numériques reposent sur une dynamique de contribution (voir l’article éclairages + 1/C)
Afin que le commun soit pérennisé, il convient de déployer les conditions permettant de favoriser et organiser les contributions de diverses natures, issues de multiples acteurs.
a) identifier les besoins en termes de contributions et les communautés susceptibles de contribuer
Dans un premier temps, il convient donc d’identifier les différents besoins en termes de contribution et les acteurs ou types d’acteurs/communautés susceptibles d’y répondre.
En effet, en matière de commun numérique, de multiples besoins fréquents s’ajoutent à des besoins plus spécifiques à certains projets. Ils peuvent être différenciés ainsi : Il est important de comprendre que ces différents besoins peuvent être couverts par différentes communautés d’acteurs (graphistes, développeurs, designers, universitaires, techniciens, adminsys, etc.) et que chacune de ces communautés doit bénéficier d’outils adaptés à un travail collaboratif, de processus spécifiques, voire d’un cadre de contribution qui leur sont propres.
Les besoins classiques à tout projet numérique : développer la ressource, réaliser la documentation, traduire les productions, etc.
Les besoins spécifiques à la dimension collaborative et inclusive du commun numérique : assurer la médiation entre les différents contributeurs, susciter la contribution par divers mécanismes, etc.
L’article ci-contre propose par exemple un référentiel co-construit de besoins et potentielles communautés de contributeur.rice.s.
b) mettre en place un cadre pour faciliter la contribution à la ressource
Une fois les besoins définis et les communautés identifiées (cf. questions 3.1 Qui peut répondre aux besoins de développement du commun et de quelle manière ? ), un cadre doit être formalisé afin d’inciter, d’accueillir et de faciliter les contributions de ces communautés. Ce n’est qu’à cette condition que seront « transformées » les volontés de contributions en contributions réelles, chaque obstacle subsistant rendant moins certaine la contribution et plus difficile son intégration dans le commun numérique.
A cet égard, le projet devra installer les conditions permettant d’établir : Pour cela, plusieurs éléments doivent être considérés afin de mettre en place un cadre efficace pour structurer la contribution à la ressource : Ce cadre est constitutif de l’environnement ouvert et inclusif au sein duquel plusieurs communautés pourront cohabiter, il devra ensuite être accompagné d’une démarche « classique » d’animation de communauté, en interne comme en externe, afin de « faire vivre » le projet au travers des personnes qui le composent.
La méthodologie du projet : la poursuite de votre objectif dans le respect des valeurs communément établies va se traduire par l’élaboration collaborative de la méthodologie à appliquer au projet. La méthodologie fixe concrètement les grandes règles de la gouvernance (par exemple : en définissant les différents pôles ou groupes de travail, les processus de validation d’une tâche, le déroulé des réunions, etc.) ainsi que les processus (techniques et organisationnels) qui encadrent le développement concret de la ressource.
L’adoption de standards dans le cadre du développement de votre projet a pour objectif de le rendre interopérable et de décupler ainsi son potentiel d’amélioration. Cela vous offre l’opportunité de bénéficier des avancées d’autres communautés et d’une intelligence collective étendue, tout en rendant plus efficaces les échanges d’informations au sein même de votre projet.
La valorisation des contributions des participant.e.s. Il est indispensable au développement et à la pérennité du projet que ses contributeur.rice.s se sentent valorisé.e.s, au moins symboliquement.
Un outillage spécifique nécessaire pour favoriser les contributions collaboratives (tel un wiki pour la documentation, une forge logicielle pour le développement, etc.) :
Des processus particuliers afin de fluidifier les contributions (par exemple une politique de traduction afin d’intégrer les contributions dans le cadre de l’internationalisation du projet) ;
Des modalités spécifiques de contributions (par exemple pour gérer les droits de propriété intellectuelle des développeurs tiers salariés – cf. 2/C). Toutes ces règles doivent être publiées de manière transparente. Elles peuvent évoluer en fonction de la vie du projet, mais gagnent à être anticipées afin de fluidifier les processus dès l’arrivée de nouveaux contributeurs.
II. 2.B. Elaborer un modèle économique
Au-delà de la dimension contributive (et à la source de celle-ci), les conditions de pérennité d’un commun reposent également sur l’existence d’un modèle de partage de la valeur. En effet, le développement d’un commun numérique génère de la valeur et il convient donc de définir collectivement un modèle d’évaluation et partage de cette valeur.
Contrairement à un projet d’entreprise, la conception d’un commun numérique n’a pas pour objectif de créer une économie de rente. Néanmoins, une autonomie financière peut être recherchée afin d’assurer les conditions de la pérennité du projet. Complémentaire ou alternatif au financement traditionnellement basé sur la contribution bénévole et le don, ce modèle présente certains avantages et notamment celui de s’appuyer sur la force de l’économie, et plus précisément sur l’intérêt économique que les membres du commun ont à maintenir ce commun. Un tel objectif doit néanmoins concilier les conditions nécessaires à l’autofinancement du commun sans pour autant l’isoler des préoccupations des membres de la communauté, c’est à dire de l’intérêt collectif auquel il doit continuer à répondre. Sous cette condition, il est tout à fait possible d’envisager la construction d’un commun numérique autour d’un modèle économique tourné vers le développement de la ressource. Ce modèle économique peut se traduire de plusieurs manières :
Activité économique externe : par la mise en place d’un environnement favorable aux acteurs économiques. Ce modèle de financement est aujourd’hui le plus répandu : il s’agit de mettre en place un modèle économique périphérique au commun numérique en tant que tel (par exemple par de la vente de services ou de produits – logiciels ou matériels – basés sur le commun). Ainsi, le commun numérique pourra bénéficier de contributions diverses de la part de ces acteurs économiques directement intéressés par le développement et la pérennisation du commun dont dépend leur activité.
Activité économique interne : en organisant certaines activités du commun de sorte à autofinancer certains frais inhérents au développement ou à la pérennisation du commun. Il s’agit ainsi généralement de proposer des prestations complémentaires (services « premium », conférences, etc.). Un tel modèle bénéficie de la place centrale qu’occupe le commun, mais fait courir le risque soit de détourner le commun de son objet (ce qui était un moyen devient une fin), soit de concurrencer certains membres de la communauté (ou, pire, d’en favoriser certains au détriment d’autres).
Activité économique mixte : en articulant les deux modèles précédents. Il est ainsi possible de prévoir des mécanismes par lesquels les contributeurs sont incités à contribuer au commun numérique en raison de leur propre modèle économique tout en prévoyant que l’organisation qui gère le commun se voie conférer un monopole sur l’exercice de certains services nécessaires pour pérenniser le commun (par exemple une vente de certification, la délivrance de label ou d’autorisation au travers d’un usage de la marque, etc.). Là encore, les modèles sont divers et variés et beaucoup restent à construire.
II. 2. C. Formaliser des règles de gouvernance
Le commun tire sa force de la pérennité du modèle sur lequel il repose. Ainsi, aussi longtemps qu’il est utile à ses utilisateurs, il doit pouvoir continuer à évoluer et s’adapter à leurs attentes. Ce statut n’est néanmoins pas automatique, et nécessite notamment la formalisation d’un certain nombre de règles et la mise en place d’une gouvernance partagée. Il convient aussi d’anticiper les divers risques afin d’assurer un modèle pérenne techniquement, juridiquement et économiquement.
a) Elaborer des modalités de gouvernance
La formalisation de ces règles tend à favoriser la pérennité du commun. En effet, la mise en place de ce cadre est essentielle afin d’assurer la confiance entre les contributeurs et ainsi pérenniser le développement du projet. En effet, tout risque d’« appropriation » (d’ « enclosure ») non souhaitée sera très mal vécu par les membres de la communauté et doit être exclu. Ce cadre regroupe l’ensemble des documents et pratiques structurantes à mettre en place afin de régir la collaboration des contributeurs au commun et prend différentes formes (des statuts, une charte de valeurs, la licence attachée à la ressource, etc.). Chaque cadre de collaboration est unique, il s’adapte aux enjeux et problématiques propres au projet et à la communauté auxquels il se rapporte : relations entre contributeurs, valeurs partagées, relations avec l’extérieur, méthodes de travail, etc. L’harmonisation croissante des différents points ainsi abordés favorise la mutualisation entre les projets et rassure les contributeurs qui retrouvent ainsi des repères partagés entre les différents projets de communs.
Les relations des contributeurs à un projet de commun numérique sont nombreuses et diverses, allant de la simple coordination de contributions à des prises de décisions sur l’avenir de la ressource. À cette fin, il est important de mettre en place une gouvernance pour structurer ces relations et, ainsi, de donner une légitimité interne aux décisions prises par la communauté. Les effets se feront sentir en termes de confiance accrue dans le projet en interne et en externe. À ce titre, le choix ou non d’une structure juridique, partiellement ou totalement dédiée, pour formaliser cette gouvernance peut en conditionner ou implémenter certains aspects. Si la nécessité de disposer d’une personnalité juridique perdure afin d’agir en justice, de bénéficier de certaines aides ou de contractualiser, des outils numériques étendent aujourd’hui le champ des actions susceptibles d’être réalisées en dehors d’un tel cadre (telle que la plateforme OpenCollective). La nécessité de créer une structure juridique, voire la solution intermédiaire d’être hébergé au sein d’une structure existante, est généralement recommandée lorsqu’un intérêt collectif fort réunit les différents acteurs ou qu’il existe un risque à maintenir la responsabilité des actions sur les seuls membres. Les modèles associatifs ou coopératifs (SCOP ou SCIC) sont particulièrement souples et adaptés pour soutenir le développement d’un commun, néanmoins d’autres formes (GIE, SAS, GIP, etc.) peuvent parfaitement aboutir à des résultats similaires dès lors que leur objet est tourné vers la réalisation de cet objectif. Par ailleurs, si la mise en place d’une gouvernance est essentielle, il n’existe pas de gouvernance idéale – sinon celle qui répond au mieux aux enjeux et problématiques spécifiques au projet auquel elle s’applique. La majorité des gouvernances de projets de communs numériques partagent certains éléments tels que la volonté d’être lisibles et compréhensibles par toutes les parties prenantes au projet, des mécanismes assurant la transparence des décisions prises, et des dispositifs permettant l’ouverture de la gouvernance aux contributeurs, voire aux partenaires externes au projet.
b) Identifier la forme juridique adaptée au projet
Les relations des contributeurs à un projet de commun numérique sont nombreuses et diverses, allant de la simple coordination de contributions à des prises de décisions sur l’avenir de la ressource. À cette fin, il est important de mettre en place une gouvernance pour structurer ces relations et, ainsi, de donner une légitimité interne aux décisions prises par la communauté. Les effets se feront sentir en termes de confiance accrue dans le projet en interne et en externe. À ce titre, le choix ou non d’une structure juridique, partiellement ou totalement dédiée, pour formaliser cette gouvernance peut en conditionner ou implémenter certains aspects. Si la nécessité de disposer d’une personnalité juridique perdure afin d’agir en justice, de bénéficier de certaines aides ou de contractualiser, des outils numériques étendent aujourd’hui le champ des actions susceptibles d’être réalisées en dehors d’un tel cadre (telle que la plateforme OpenCollective). La nécessité de créer une structure juridique, voire la solution intermédiaire d’être hébergé au sein d’une structure existante, est généralement recommandée lorsqu’un intérêt collectif fort réunit les différents acteurs ou qu’il existe un risque à maintenir la responsabilité des actions sur les seuls membres. Les modèles associatifs ou coopératifs (SCOP ou SCIC) sont particulièrement souples et adaptés pour soutenir le développement d’un commun, néanmoins d’autres formes (GIE, SAS, GIP, etc.) peuvent parfaitement aboutir à des résultats similaires dès lors que leur objet est tourné vers la réalisation de cet objectif. Par ailleurs, si la mise en place d’une gouvernance est essentielle, il n’existe pas de gouvernance idéale – sinon celle qui répond au mieux aux enjeux et problématiques spécifiques au projet auquel elle s’applique. La majorité des gouvernances de projets de communs numériques partagent certains éléments tels que la volonté d’être lisibles et compréhensibles par toutes les parties prenantes au projet, des mécanismes assurant la transparence des décisions prises, et des dispositifs permettant l’ouverture de la gouvernance aux contributeurs, voire aux partenaires externes au projet.
c) Appréhender les enjeux juridiques du Commun
Le droit se manifestant à chaque collaboration, tout projet de commun numérique devra s’organiser pour appréhender et utiliser les instruments juridiques lui permettant de renforcer le développement du projet, favoriser la confiance vis-à-vis des acteurs extérieurs du projet et accélérer l’innovation portée par le projet. Les enjeux juridiques peuvent ainsi être multiples :
- Concernant le développement de la ressource : la licence du projet (cf question 4.4 Pourquoi choisir une licence libre pour diffuser le commun numérique ?), les contrats avec les contributeurs, la marque, voire les brevets relatifs au projet et tous les autres aspects juridiques spécifiques à une réglementation (notamment les règles en matière d’export, de santé, de chiffrement, etc.). Des référentiels existent
- Concernant l’organisation des relations avec des tiers : les prestations, les conventions de partenariats, les suivis de subventions ou des dons, les adhésions croisées ou encore les actions en justice. Ces enjeux juridiques sont importants à traiter, au risque sinon d’en faire peser la charge sur quelques contributeurs personnellement. Relativement communs aux projets de communs numériques, ils sont parfois mutualisés au sein de « fondations parapluies ».
- Concernant le choix de la licence : La licence libre associée au projet traduit une posture et envoie un signal aux contributeurs et utilisateurs. Il convient donc de choisir une licence en phase avec les objectifs et valeurs du projet, qui soit robuste juridiquement et fédère elle-même une communauté. Du choix de celle-ci va notamment dépendre la connexion avec d’autres projets de communs numériques, ainsi que la participation de certain.e.s contributeur.rice.s. Cette réflexion est à mener dès le début du projet et n’est pas dissociable du développement de la ressource.
Références :
II. 3. Valoriser le commun : disséminer et composter
La valeur du commun réside dans les contributions qu'apporte la communauté à la ressource, aussi sa pérennité sera d'autant plus facilement assurée qu'il y aura de contributeurs potentiels. C'est pourquoi il est essentiel de disséminer le commun numérique le plus largement possible. La dissémination doit aussi viser, au-delà du nombre, à enrichir la communauté des utilisateurs de personnes aux profils différents. Cette diversité permet d’éviter l’entre-soi, de renforcer le caractère générique du commun numérique et, ce faisant, d’ouvrir les champs d’application potentiels.
La pérennité du commun repose notamment sur la communauté qui le compose. Dans le domaine numérique, un tel objectif passe en premier lieu par l’augmentation du nombre d’utilisateurs. En effet, la démultiplication des utilisateurs ne réduit par la valeur ni même l’usage du commun numérique mais favorise au contraire l’accroissement du nombre de contributeurs finaux. Afin de toucher le plus large public possible, la dissémination reposera particulièrement sur une communication adaptée à différents profils. Elle devra être à la fois : Selon les cibles, une telle communication devra mettre en avant la finalité du projet (par exemple « encyclopédie botanique collaborative » pour Tela Botanica ou « base de données géographiques communautaire » pour Open Street Map), ou encore son caractère de commun et/ou Open Data et/ou Logiciel Libre. La communication est d’autant plus complexe que la culture du commun n’est pas encore complètement démocratisée. Dans une approche collaborative, il peut être intéressant de prévoir des ressources prêtes à l’emploi et accessibles à tous au niveau du projet afin que tous les contributeurs puissent participer à cette dissémination du projet sans dénaturer l’image du projet. Dans le même esprit, l’aspect ouvert du commun amène à diffuser ces mêmes supports au-delà de la communauté afin que quiconque souhaite s’informer ou communiquer sur le projet dispose des éléments appropriés pour le faire.
passive (rendre accessible l’information à ceux qui la recherchent)
et active (toucher de nouvelles personnes par des démarches spécifiques).
Enfin, il s’agit de penser en amont la « compostabilité » du projet : cela consiste à penser le projet et chacun des éléments qui le composent comme « périssables » et donc à les concevoir de façon à ce que les ressources qui en seront tirées puissent être réutilisées plus tard, dans le cadre du projet ou d’autres initiatives.
Références :
Ce Tutoriel aux Communs Numériques s'inscrit dans une démarche collaborative et itérative : il vise à être augmenté et affiné avec les contribution de tou.te.s. Pour contribuer, réagir, ouvrir de nouvelles perspectives, questions et outils, vous pouvez commenter dans la section commentaires ci-dessous, proposer une contribution depuis votre espace personnel ou en écrivant à societe.numerique@finances.gouv.fr.
Ce billet est une publication réalisée par le cabinet inno³ pour le compte du Labo Société Numérique de l'ANCT. Destinée à favoriser la structuration de communs numériques produits ou soutenus par l’administration, elle s’adresse à la fois aux acteurs porteurs de communs ainsi qu’aux personnes en charge d’accompagner ces démarches.