Dans la perspective des Etats Généraux du Numérique pour l’éducation, la Direction du numérique pour l’éducation (DNE) du Ministère de l'Education Nationale publie les travaux des groupes thématiques numériques (#Gtnum).
Ces groupes thématiques numériques, au nombre de neuf, avaient été mis en place cet été avec pour objectif de
- De faire l’état des lieux de la recherche
- De dégager des éléments d’orientation stratégique et des leviers d’action pour venir à l’appui des pratiques numériques sur le terrain en académie ;
- De proposer des scénarii prospectifs et des actions concrètes permettant d’exploiter les technologies numériques à des fins éducatives et pédagogiques
Nouveaux espaces d’apprentissage, objets connectés, robotique (GTnum 1)
Transformation des espaces scolaires et accompagnement des acteurs État de l’art, enjeux et recommandationsLes travaux scientifiques comme les avis des praticiens convergent aujourd’hui sur l’idée que la forme scolaire est restée globalement très figée en France depuis le 19e siècle. On a observé des tentatives de modernisation du bâti depuis les années 1980-1990, avec des gestes architecturaux parfois audacieux. Mais cette approche bâtimentaire a essentiellement concerné l’enveloppe de l’établissement et très peu la classe et les autres espaces fonctionnels de l’établissement. Une réflexion est cependant en fort développement, notamment lors des trois dernières années, sur la nécessaire transformation du bâti et des aménagements des établissements scolaires, en lien avec le développement des équipements et usages numériques et avec un certain nombre d’évolutions pédagogiques à l’œuvre.
Note de synthèse sur les enjeux des challenges robotiques en milieu scolaireL’usage de l’objet « robot » à l’école apparaît explicitement dans les programmes dès le cycle 2. À ce stade, le robot est cité comme un exemple de ressource contribuant au développement des compétences mathématiques nécessaires au repérage et au déplacement dans l’espace. Mais c’est bien au-delà de ces objectifs pédagogiques relativement modestes et circonscrits qu’il s’agit de chercher les origines du développement récent de rencontres et autres compétitions de robotique en milieu scolaire. Ainsi, le robot dans son appartenance à la grande famille des « objets techniques » trouve naturellement sa place dans le cadre des premiers enseignements de sciences et technologie dès le cycle 3, concourant à développer la pensée computationnelle des élèves au travers de situations de résolution de problèmes par la programmation informatique, qui est un contexte pédagogique naturellement propice aux échanges dans la classe et trouve ainsi son prolongement au travers d’événements réunissant différents publics scolaires allant de la maternelle aux études supérieures. Ajoutons à cela une dimension non négligeable liée à la conception des robots programmables récents qui, souvent associés à des interfaces visuelles ergonomiques et accessibles, rendent leur exploitation dès le plus jeune âge bien plus aisée, ludique et mobilisatrice qu’auparavant. La forme compétitive de certaines initiatives offre alors un levier de motivation supplémentaire pour les participants et sans doute une visibilité événementielle jugée pertinente par les organisateurs à l’instar des rencontres sportives traditionnelles. De l’avis partagé des experts et des acteurs, il s’agit là d’une tendance globale forte dont le succès public est grandissant en Europe, Asie et Amérique, et qui s’inscrit progressivement en France, ces dernières années, grâce à des actions académiques, territoriales ou associatives.
Références :
Analyse des traces d’apprentissage – Learning analytics (GTnum 2)
Évaluer les capacités d’abstraction des apprenants, détecter leurs pertes d’attention, adopter une pédagogie différenciée, dresser un bilan personnalisé actualisé au fil de l’apprentissage : voici autant de tâches qui reposent sur la capacité d’un enseignant à observer, analyser et réinvestir les traces comportementales et cognitives d’un apprentissage. Bien malgré lui, ce professionnel ne capte qu’une petite partie de ces données, ce qui limite ses possibilités d’interprétation d’un geste, d’un exercice inabouti, d’une erreur de réappropriation. Comme dans d’autres domaines, l’observation humaine non instrumentée est limitée et fragile.Avec le glissement des activités d’apprentissage vers des dispositifs numériques, ces traces changent de statut : en temps réel ou en différé, à distance ou en présentiel, elles n’ont jamais informé, de façon aussi fine et massive, l’écart entre le dire et le faire. Tableaux numériques, ordinateurs, tablettes, liseuses, smartphones sont susceptibles de capter toujours plus de données sur ce qui est en train de se jouer, sur le plan verbal et comportemental, dans un processus d’apprentissage. Produire, collecter, analyser et réinvestir ces traces numériques permettraient d’aider les acteurs de la communauté éducative – apprenants, parents, personnels d’éducation, enseignants, gestionnaires et administrateurs – dans les enjeux auxquels ils doivent respectivement faire face, dans la perspective du Socle commun de connaissances, de compétences et de culture, qui requiert désormais d’évaluer à parts égales la maîtrise de la langue, les connaissances disciplinaires et les capacités d’autonomie et d’initiative. (...)
Le passage de l’expérimentation à l’industrialisation de ces technologies est bousculé par l’arrivée impromptue des géants de l’économie numérique.
En l’état actuel, la recherche expérimentale se teinte d’un certain scepticisme. Les garde-fous sont plus que jamais nécessaires, s’agissant d’un public pour partie mineur et de données cognitives sensibles. Les équipes pluridisciplinaires de la recherche publique préconisent des dispositifs responsables, transparents, sobres, confidentiels et accessibles.
Le futur de l’analytique des apprentissages numériques est une équation à trois inconnues : premièrement, les décideurs (gouvernements, institutions, firmes) prendront-ils la mesure des financements et des projets encore nécessaires à l’adaptation de la recherche aux pratiques de terrain et à la dissémination d’une culture de l’analytique des données au sein du corps enseignant ?
Ensuite, ces décideurs parviendront-ils à élaborer un cadre législatif viable, souple mais équitable, respectant le droit des usagers à suspendre la collecte des données et qui préserve leur confidentialité ? Enfin, ces décideurs parviendront-ils, au-delà d’une logique mercantile et de technologies propriétaires, à promouvoir des standards, des projets ouverts ?
Institutions d’enseignement et de recherche, politiques et chercheurs ont la main sur le devenir de l’analytique des données résultant de l’apprentissage numérique : de la connaissance de ce domaine et de la prise de conscience de ses impacts et enjeux sociétaux dépendra le visage de l’École numérique.
Références :
Pratiques et usages numériques des jeunes (GTnum 4)
Lorsque l’on évoque la question des usages numériques des jeunes, on remarque qu’elle est très fréquemment abordée sous l’angle de l’impact des technologies sur l’organisation de leur quotidienneté (hors ligne et en ligne).Alors que les potentialités créatives et éducatives des technologies ont pu à maintes reprises être mises en évidence, les pratiques des jeunes, que l’on conçoit parfois comme portant des « caractéristiques spécifiques » sont bien souvent évoquées sous le prisme des dangers encourus.
Face aux risques d’addiction, de désocialisation inhérents aux « écrans » ou de harcèlement, aux potentielles mauvaises rencontres, les enfants et les jeunes peuvent être considérés comme une population menacée. Certains psychiatres, psychologues, experts et scientifiques, issus de champs disciplinaires variés, appellent dans leurs publications à une action de vigilance et de protection, individuelle et collective, de la part de tous les acteurs familiaux, de l’éducation et du soin. Des titres évocateurs, tels que Enfants et adolescents face au numérique. (...)
L’examen des éventuels dangers et risques liés aux pratiques numériques juvéniles, notamment connectées, s’appuie très souvent sur des représentations sociales, qui ne sont pas dénuées de ressorts techno-centrés et techno-déterministes.
Les recherches, quand elles interrogent les outils numériques sous l’angle de leurs effets, de leurs impacts, se centrent sur les objets techniques, sur ce qu’ils font aux usagers, et présupposent le plus souvent que les usagers sont agis par les objets techniques utilisés. D’autres travaux, s’inscrivant davantage dans une perspective de recherche en sciences humaines et sociales plutôt que d’expertise, invitent à la description et l’analyse de la diversité des manières au travers desquelles les usagers font avec les objets techniques, au regard des environnements et des temps sociaux dans lesquels ils peuvent se former, se déformer, se reformer.
(...)
Si cette recension est loin d’avoir évoqué tous les questionnements qui traversent les travaux du champ, nous pouvons cependant identifier des pistes de réflexion spécifiques qui, dans le prolongement des éléments discutés ici, pourraient nourrir les prochains échanges du GT4.
Il s’agirait notamment de pouvoir approfondir l’analyse des formes de (dis)continuité entre pratiques numériques personnelles et pratiques numériques scolaires, à partir des entrées suivantes :
la diversité des usages des très jeunes enfants au regard des conditions sociales, culturelles et éducatives qui leur donnent forme et la manière dont les contextes domestiques et les médiations familiales participent des premiers apprentissages numériques (ordinaires et scolaires). le rôle du territoire social, éducatif et numérique dans la manière dont les pratiques et usages numériques prennent forme, notamment dans l’espace scolaire. En effet, si les enquêtes statistiques montrent une croissance continue des niveaux d’équipement technique individuels et collectifs sur ces quinze dernières années, on constate cependant une diffusion encore éclatée des équipements en fonction des espaces socioculturels et des ancrages territoriaux (...)
À ces disparités techniques, il faut également ajouter des disparités en matière de possibilités pédagogiques. En effet, d’une école à une autre, on observe des écarts manifestes dans la manière dont les personnels de direction saisissent les potentiels des technologies pour l’enseignement, les intègrent dans les projets d’établissement et accompagnent les équipes enseignantes dans la démarche de développement des usages pédagogiques numériques. Ainsi, selon les territoires, l’accès aux ressources numériques (qu’elles relèvent du réseau, des supports ou des logiciels) et la manière de mobiliser ces ressources se trouvent différenciés.
Références :
Les cultures numériques à l’École (GTnum 5)
La scolarisation des techniques numériques, c’est-à-dire leur appropriation à des fins d’apprentissages scolaires constitue l’un des enjeux centraux du recours au numérique à l’École, de son utilité et de son efficacité. La question est complexe et peut-être abordée de bien des façons. L’angle culturel n’est pas des moindres. L’École est une institution culturelle en ce qu’elle s’inscrit dans une aire culturelle donnée dont elle hérite des normes et parce qu’elle contribue, avec d’autres institutions dont la famille, à l’acculturation des jeunes qui lui sont confiés. C’est pourquoi le numérique met en tension la forme scolaire, c’est-à-dire l’ensemble des normes explicites ou tacites qui régissent le rapport au savoir, l’investissement du temps et de l’espace, les relations sociales et les activités au sein de l’École (...)Quelques points saillants attirent l’attention.
- La culture numérique qui n’est que notre culture à l’ère du numérique est un fait social et culturel total qui dépasse l’École et que l’École ne peut ignorer.
- La responsabilité de l’École est considérable pour que l’éducation des élèves au numérique soit équitable, qu’il s’agisse de développer leurs compétences d’utilisation des techniques numériques ou d’en comprendre les enjeux éthiques, sociaux et politiques dans la perspective d’un développement personnel, citoyen et professionnel.
- L’acculturation numérique de l’École ne suppose pas l’abandon de ses finalités en termes d’éducation mais une transformation de son organisation, de son fonctionnement, des moyens qu’elle mobilise, des formats de son action et de ses relations avec l’ensemble des autres acteurs de l’éducation. C’est bien la question de la transformation de la forme scolaire qui est en jeu.
- La prise en compte des cultures numériques par l’École appelle à considérer positivement la façon dont elles ont transformé les représentations, les valeurs et les comportements de tous les membres de la communauté éducative, à commencer par ceux des élèves.
- La dimension patrimoniale des cultures numériques doit aussi être considérée. Ainsi, les compétences liées au numérique mais aussi toutes les pratiques et réalisations liées à ces techniques et en particulier les arts numériques doivent avoir leur place à l’École.
Références :
Numérique et ressources éducatives (GTnum 6)
Caractériser l’offre des ressources numériques éducatives: Un essai de classification- Manuels numériques : ressources liées à l’enseignement académique ou scolaire couvrant la notion de manuel, intégrant plusieurs disciplines ou concentré sur un seul sujet, sur une ou plusieurs années.
- Ressources multimodales : utilisées à différents niveaux de manière relativement indépendante. Il peut s’agir d’outils associés à une discipline particulière, de collections d’outils, de livres électroniques ou de ressources, ou de portails donnant accès à une pluralité de ressources : vidéos, infographies, animations, podcasts (audio), sites web, blogs, wikis, jeux, diaporamas, applications de réalité augmentée, réalité virtuelle,
- Plateformes d’apprentissage (espaces d’interaction enseignant-élève) : ressources utilisées via une plateforme qui peut offrir des services supplémentaires tels que des forums de discussion, une gestion des résultats des tests et des réussites des élèves, proposant de nouveaux exercices ou de nouvelles ressources, un tableau de bord pour les enseignants, etc. Cela inclut les MOOC, les médias sociaux et les systèmes de gestion de l’apprentissage.
- Outils numériques pour les enseignants, tels que des préparations et des plans de cours, des outils d’évaluation ou de certification…
- Ressources par opportunité , non initialement conçues pour être utilisées dans un contexte d’enseignement (Eduthèque, par exemple), et données ouvertes pour l’éducation.
L’éducation fait appel depuis longtemps à divers supports, outils, médias et ressources (...)
La multiplication des plateformes – de contenus et de création de scénarios, de bases de données (avec une question sur la place des données publiques potentiellement exploitables et réutilisables en contexte pédagogique si un organisme envisage de les structurer en tant que telles), etc., – de même que les changements technologiques et techniques concernant les modes de gestion des ressources nous invitent à nous (ré)interroger sur les pratiques enseignantes, notamment si les processus et les tâches quotidiennes autour des ressources se complexifient (environnements qui changent rapidement, surabondance d’information, formation et compétences translittéraciques…).
On peut alors se poser la question du degré d’autonomie des enseignants, surtout si ces derniers deviennent dépendants d’un certain type d’infrastructures (notamment des modèles freemium) ou encore de services spécifiques associés aux ressources (stockage, cloud, gestion, scénarisation des grains pédagogiques, diffusion et validation…).
(...) Des éléments observés dans les pratiques indiquent des changements importants, comme le recours massif aux vidéos sur YouTube en anglais, les pratiques de classe inversée, la mise en place de travaux pratiques autour de recherches documentaires, l’utilisation des systèmes de projection multipliant les visualisations de documents vidéo…
Ce qu’il faudrait désormais regarder pour poursuivre notre réflexion sur les pratiques enseignantes autour des ressources, ce sont les processus organisationnels de ces derniers, c’est-à-dire le mode de gestion de leurs ressources.
Une focalisation pourrait être ainsi faite sur le cycle de vie des ressources produites par les enseignants, à la fois au niveau individuel – comment l’enseignant lui-même gère-t-il sa (ses) propre(s) collection(s) – et au niveau collectif – quand il y a mutualisation entre pairs, soit au niveau de l’établissement, soit au sein d’un réseau (réseaux sociaux ou professionnels, collectifs enseignants).
Ce qu’il faut comprendre, c’est l’inter-relation entre les différents niveaux (travail individuel, tâches collectives, établissement scolaire, collectifs ou réseaux, offres nationales et prescriptions du ministère de l’Éducation nationale) qui peuvent renforcer la dépendance avec l’environnement et les infrastructures proposées ou développées par cet environnement. Il est ici question de l’autonomie de l’enseignant et de sa maîtrise des outils techniques (formes de recherches et d’accès aux ressources).
Références :
Sources
- 1. GTnum 1: Nouveaux espaces d’apprentissage, objets connectés, robotique
- 2. Transformation des espaces scolaires et accompagnement des acteurs État de l’art, enjeux et recommandations
- 3. Note de synthèse sur les enjeux des challenges robotiques en milieu scolaire
- 4. Analyse des traces d’apprentissage – Learning analytics : productions du GTnum 2
- 5. L’analytique des apprentissages avec le numérique (état de l'art)
- 6. Pratiques et usages numériques des jeunes : productions du GTnum 4
- 7. Pratiques et usages numériques des jeunes (état des lieux)
- 8. Les cultures numériques à l’École (productions du GTnum 5)
- 9. Les cultures numériques à l’École (état des lieux)
- 10. Numérique et ressources éducatives : productions du GTnum 6
- 11. Caractériser l’offre des ressources numériques éducatives
- 12. Modes de circulation des ressources éducatives, et en particulier des Ressources éducatives libres. Choix et conception de ressources par les enseignants